vineri, 26 iunie 2020

Stanisław Lem (1921-2006)

Stanisław LemStanislaw Lem Archives - Andrea Gibbons

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain polonais (Lwów 1921-Cracovie 2006).
Né en Ukraine dans la ville polonaise de Lwów, il poursuit des études de médecine lorsque les Soviétiques envahissent la Pologne (1939), vit dans la clandestinité lorsque, le pacte germano-soviétique rompu, les nazis tiennent la ville, reprend ses études lorsque l'Armée rouge les repousse (1944), puis s'installe définitivement à Cracovie (1946). Auteur d'une soixantaine de livres, il vit de sa plume et s'est acquis la réputation d'un des meilleurs auteurs d'une science-fiction ambitieuse, intellectuelle. Son itinéraire personnel l'a mené de sujets contemporains (l'Hôpital de la transfiguration, 1947) à un fantastique conjectural qui, dans une première phase, met l'accent sur la puissance du génie humain parti à la conquête du cosmos (Astronautes, 1951 ; le Nuage de Magellan, 1955) ; puis, dans une deuxième étape, l'esprit humain, confronté à l'adversité et aux mystères insolubles, prend conscience de ses propres limites (Solaris, 1961 ; l'Invaincu et autres nouvelles, 1964). Viennent enfin des romans qui, mettant en œuvre une érudition toujours plus affirmée, dévoilent la complexité de l'univers (la Voix du maître, 1968) et s'intéressent à l'aspect social de la réalité (Mémoires trouvés dans une baignoire, 1961). L'auteur met en doute tant les possibilités de l'intellect que de la bonne volonté de l'homme (Fiasco, 1986 ; Provocation, 1984). L'action et l'aventure cèdent peu à peu la place à une tentative de pénétration des secrets du monde, la fiction se rapproche de plus en plus de l'essai littéraire et du traité philosophique (Philosophie du hasard, 1968 ; Discours et Esquisses, 1975) ; dès lors, les conclusions catastrophiques chassent l'optimisme humaniste : « Le monde ne se situe pas à mi-chemin entre l'enfer et le ciel, il semble de beaucoup plus proche du premier. » L'œuvre de Lem se polarise alors autour de réflexions sur les chances et les dangers qu'amène le développement des techniques et des sciences : elle s'interroge sur les possibilités de contacts et d'échanges avec d'autres civilisations, elle anticipe sur les perspectives évolutives de l'« intelligence artificielle » (domination exercée par les ordinateurs, biotechnologie) ainsi que sur les techniques sociales que pourraient mettre en œuvre des groupes humains et des sociétés entières. Toutes ces apories sont inscrites dans des récits réalistes mais projetées dans un avenir imaginaire, dans des nouvelles philosophiques amusantes (Cybériade, 1965), des récits dominés par le grotesque. La subtilité des hypothèses envisagées reste pourtant toujours un élément dominant (le Congrès de futurologie, 1973). Lem s'est également essayé à des livres-apocryphes, intéressants d'un point de vue formel, dans lesquels l'aspect conjectural se mêle étroitement aux facteurs réels ; le langage utilisé et les concepts exposés signalent la réflexion de très haut niveau d'un écrivain toujours curieux de l'avenir du monde (la Bombe à mégabits, 1999). L'action pleine de rebondissements, l'aura mystérieuse, les expéditions vers l'inconnu, l'humour, la sympathie pour le caractère imparfait de l'homme ont assuré à Lem une popularité mondiale, ses romans sont publiés dans vingt-cinq langues et connaissent plus de neuf cents éditions. Son immense érudition, l'honnêteté de ses diagnostics et l'originalité de ses idées lui valent une autorité certaine dans les milieux scientifiques. « Je suis conscient de me situer en un lieu insolite où voisinent littérature, science, philosophie, hypothèses nouvelles, divagations irresponsables et prophéties », déclare-t-il. Parmi ses œuvres majeures, il convient encore de retenir : le Temps non perdu, 1955 ; les Journaux des étoiles, 1957 ; le Livre des robots, 1961 ; Au retour des étoiles, 1961 ; les Contes des robots, 1964 ; Summa technologiae, 1964 ; Récits concernant le pilote Pixie, 1968 ; le Vide parfait, 1971 ; le Rhume, 1976 ; Golem XIV, 1981 ; Vision locale, 1982 ; les Nouvelles Aventures d'Ijon Tichy, 1987 ; Clin d'œil, 2000.
=========================The Beautiful Mind-Bending of Stanislaw Lem | The New Yorker

Stanislas Lem

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Stanislas Lem
Description de cette image, également commentée ci-après
Stanislas Lem, Cracovie
Nom de naissanceStanisław Lem
Naissance
LvivRépublique de Pologne
Décès (à 84 ans)
CracoviePologne
Activité principaleRomancier
DistinctionsPrix Franz-Kafka de la ville de Klosterneuburg (1991)
Grand prix de littérature policière (1979)
Auteur
Langue d’écriturePolonais
GenresScience-fiction
Œuvres principales
Stanisław Herman Lem, francisé en Stanislas Lem, né   le  à Lviv (aujourd'hui en Ukraine, Lwów en polonais) et mort le  (à 84 ans) à Cracovie, en Pologne, est un écrivain de science-fiction polonais. Son œuvre, traduite en 40 langues, caractérisée par l'étendue de sa palette, est construite autour d'une vision critique du comportement humain. Stanislas Lem est également l'un des écrivains polonais les plus traduits aux côtés de Gombrowicz et Sienkiewicz. Solaris est sans doute son roman le plus célèbre et a été porté au cinéma par Andreï Tarkovski en 1972 puis par Steven Soderbergh en 20021. Certains de ses romans mêlent récit d'anticipation et intrigue policière, notamment dans Le Rhume (Katar, 1976)
Biographie
Fils d'un médecin oto-rhino-laryngologue, Stanislas Lem voit ses études de médecine à l'université de Lviv interrompues par la Seconde Guerre mondiale. Il travaille alors comme mécanicien et soudeur, et prend part à la résistance contre les Allemands. À l'issue de la guerre, l'Armée rouge occupe la Pologne et l'Union soviétique contrôle le pays.
En 1946, Lem reprend les études de médecine à l'Université Jagellonne de Cracovie. Pour éviter une carrière de médecin militaire, il ne passe pas ses derniers examens et obtient seulement un certificat de fin d'études. Assistant de recherche d'une institution scientifique, il écrit ses premières histoires pendant son temps libre. En 1981, il reçoit un doctorat honoris causa de l'École polytechnique de Wrocław. Plus tard, l'Université d'Opole, l'université de Lviv et enfin l'Université jagellonne de Cracovie (1998)2 font de même.
Stanislas Lem écrit sur l'incommunicabilité entre les humains et les civilisations extraterrestres, et sur le futur technologique de l'humanité. Il développe des idées sur une société idéale et utopique et explore les problèmes liés à l'existence de l'homme dans des mondes où le progrès technologique supprime tout effort humain. Ses sociétés extraterrestres mettent en scène des essaims de mouches mécaniques (L'Invincible) ou l'océan pensant (Solaris) avec lesquels les Terriens ne peuvent pas communiquer. Des utopies technologiques apparaissent dans Pokoj na Ziemi (Paix sur la Terre) ou dans La Cybériade.
Lem est un partisan de la civilisation occidentale. Malgré la censure inhérente au régime staliniste dans lequel il vécut, son œuvre contient une sévère critique du collectivisme.
Lem est intronisé membre honoraire de la Science Fiction and Fantasy Writers of America (SFWA) en 1973. La SFWA annule cette décision en 1976 après les critiques de Lem contre la science-fiction américaine bas de gamme, mais lui propose toutefois une adhésion ordinaire, ce qu'il refuse. Il décrit cette littérature comme kitsch, pauvrement écrite et plus intéressée par la rentabilité que par les idées ou les nouvelles formes littéraires. Par ailleurs, de tous les auteurs américains de science-fiction, il n'adresse des éloges francs qu'à Philip K. Dick3.
À l'issue d'une longue maladie, Stanislas Lem décède à l'hôpital de Cracovie d'une crise cardiaque le lundi .

Écrivain visionnaire

Günther Anders rend hommage à Stanislas Lem à l'égal de Jules Verne pour ses visions sur la révolution technique moderne4.

Œuvres

Lem écrivit principalement deux types d’œuvres, les textes de fiction (les plus connus et les plus traduits), et les textes qu'il regroupa lui-même sous le terme d'apocryphes (Apokryfy) en 1998, et qui correspondent pour la plupart à de fausses critiques de livres qui n'ont jamais existé. Ces derniers textes ont parfois paru dans divers ouvrages, et sous des titres différents. Le plus connu, et le seul traduit en français, est Bibliothèque du xxie siècle (Biblioteka XXI wieku).
Cette section contient une sélection d'ouvrages traduits en français. Les dates de première édition polonaise diffèrent selon les sources, ceci vient bien souvent d'imprécisions au niveau du numéro de l'édition utilisée pour la traduction.
Stanislas Lem

Filmographie en tant que scénariste

  • 1968 : Przekladaniec (TV) d'Andrzej Wajda
  • 1973 : Pirx kalandjai (série TV)
  • 1994 : Marianengraben d'Achim Bornhak (coécrit avec Mathias Dinter)

Adaptations de ses œuvres

Cinéma

Télévision

  • 1968 : Solaris de Boris Nirenburg et Lidiya Ishimbayeva, d'après Solaris
  • 2007 : Ijon Tichy: Raumpilot (mini série de 6 épisodes)

Autres

  • 1970 : The Cyberiad, opéra de Krzysztof Meyer, d'après La Cybériade
  • 2007 : Solaris, série radiophonique de BBC Radio 4 de 2 épisodes d'une heure, adapté par Hattie Naylor, produit Polly Thomas.
  • 2010-2012 : Solaris, opéra composé par Detlev Glanert, sur un livret de Reinhard Palm
  • 2015 : Solaris, opéra de Dai Fujikura http://www.theatrechampselysees.fr/opera/opera-mis-en-scene/solaris
  • ================================================
  •  Memoirs Found in a Bathtub
    From Wikipedia, the free encyclopedia

    Stanisław Lem

    Memoirs Found in a Bathtub (a literal translation of the original Polish-language title: Pamiętnik znaleziony w wannie) is a science fiction novel by Polish writer Stanisław Lem, first published in 1961. It was first published in English in 1973; a second edition was published in 1986.

    Plot summary
    Memoirs Found in a Bathtub starts with the finding of a diary in the distant future. The introduction dwells on the difficulties of historical research on the fictional 'Neogene Era', "the period of the heyday of the pre-Chaotic culture, which preceded the Great Decomposition". "Great Decomposition" refers to the apocalyptic event of "papyrolysis", decomposition of all paper on the planet in the pre-information-technology era, causing all records and money to turn into dust––the end of the "epoch of papycracy".

    The diary, known as the 'Notes of a Man from the Neogene', was found in the lava-filled ruins of Third Pentagon within the territory of the disappeared state of Ammer-Ka. Previously, little was known about the hypothetical 'Last Pentagon'. One researcher suggested that Pentagon was a kind of military brain, the center in charge of maintaining the faith of Cap-i-Taal, dominant in Ammer-Ka in the period of U-S. This was confirmed by the finding of the diary, supposedly of an agent trapped deep within the subterranean bowels of the vast Third Pentagon, although the authenticity and authorship of the document were questioned by some researchers.

    The rest of the book is the diary itself. In a Kafkaesque maelstrom of terrifying bureaucratic confusion and utter insanity, the agent attempts to follow his mission directives, conducting on-the-spot investigations: "Verify. Search. Destroy. Incite. Inform. Over and out. On the nth day nth hour sector n subsector n rendezvous with N." The narrator inhabits a paranoid dystopia where nothing is as it seems, chaos seems to rule all events, and everyone is deeply suspicious of everyone else.

    Commentary
    Theodore Sturgeon described Memoirs Found in a Bathtub as "A well-wrought nightmare indeed."[1]

    Lem himself describes the book as a "combination of grim weirdness with humor". He writes that the novel goes beyond casual political satire: it puts forth the "totalization of the notion of intentionality". Explaining the concept, he writes that everything which humans perceive may be interpreted by them as a message, and that a number of "-isms" are based on interpreting the whole Universe as a message to its inhabitants. This interpretation may be exploited for political purposes and then run amok beyond their intentions.[2]

    The title alludes to Jan Potocki's novel The Manuscript Found in Saragossa.[3]
    Stanislas Lem
    EAN : 9782266017480
    Éditeur : POCKET (30/11/-1)

    Résumé :
    De l'ère du Néogène ne reste qu'un seul témoignage les mémoires d'un agent secret. Dans les dernières années du XXe siècle, à la veille de la création de la Fédération Terrienne, les maîtres de la dynastie régnante se sont isolés dans le Pentagone, afin de dresser des plans de survie. C'est là que se situe l'action de ce livre : une suite de scènes effrayantes traduisent l'itinéraire chaotique du héros, lancé dans la quête désespérée de ses instructions. Que Stanislas Lem ait créé un tel univers de cauchemar n'étonne pas. N'est-il pas le compatriote de Bruno Schultz, de Stanislas Witkiewicz et de Witold Gombrowicz, ces autres maîtres modernes de la littérature de l'imaginaire ?
    01 février 2013
    Dans ce roman a mi-chemin entre Kafka et Borges, Stanislas Lem nous plonge dans un univers glaçant ou tout n'est que tromperie, au premier, deuxième ou troisième degré.
    On peut se demander si c'est une métaphore du monde capitaliste (le roman pourrait se dérouler dans un Pentagone avant la grande crise du papier qui a détruit toutes les connaissances, ou du monde communiste (S. Lem est polonais) ? tout ceci reste bien énigmatique.

    Lem, un écrivain à découvrir de toute urgence
    ce roman, comme "le rhume" ou "l'invincible", me laisse un souvenir impérissable, ce qui est rare pour de la SF

    Excellent, jubilatoire.

    CITATIONS ET EXTRAITS (10) Voir plusAJOUTER UNE CITATION
    SZRAMOWO SZRAMOWO   11 février 2016
    Souvent, lorsque nous ne voyons pas le véritable sens d'une chose dont la perfection et le raffinement dépassent notre compréhension, nous sourions. Mais nous ne réagissons pas de la même façon devant des phénomènes plus imposants. Prenons, par exemple, le soleil avec ses protubérances entortillées comme des papillotes, ou bien la Galaxie avec toutes les ordures qu'elle traîne après elle ; n'a-t-elle pas l'air d'un gigantesque manège ? Et la métagalaxie avec sa tignasse hirsute ? Comment peut-elle sérieusement prétendre à l'infini ? Et cette pagaye qui règne dans les constellations ? As-tu déjà vu, au moins, une caricature de notre soleil ou de notre Galaxie ? (...) Nous disons d'ailleurs : il est comme il est, il est tout, et le tout ne peut être une farce... Ah ! Comme nous respectons la grandeur ! Elevons une montagne d'excréments dont le sommet se perdrait dans les nuages, les hommes se mettraient à la vénérer et à ployer les genoux devant elle.
    Commenter  J’apprécie         60
    rkhettaoui       rkhettaoui   16 août 2014
    L’histoire nous a déjà suffisamment ankylosés en collant partout son épaisse carapace de significations, explications et mystifications. En ce qui me concerne, je ne décortique pas les atomes, je ne dénoyaute pas non plus les étoiles, mais graduellement, lentement, une à une, avec précision, j’ôte les significations.
    16 août 2014
    Qu’est-ce que la curiosité ? C’est la première réaction d’un nouveau-né ! Le plus naturel des réflexes, le désir primordial de découvrir la cause qui engendre l’effet, lequel, étant à son tour le germe de nouvelles actions, crée la continuité… c’est ainsi que se forgent les liens qui nous enchaînent… et dire que tout cela débute d’une manière si naïve ! Si innocente ! Si simple !
    16 août 2014
    Notre existence n’est rien d’autre qu’un perpétuel cycle d’espionnage. Nous espionnons les secrets de la nature… Savez-vous que dans la Rome antique le même mot « speculator » désignait à la fois le savant, le chercheur, et l’agent secret ? Tout savant est en effet un espion per eccellenza e per forza, un indicateur de l’Humanité s’infiltrant au sein de l’Être…
    16 août 2014
    Camoufler des renseignements en leur donnant la forme d’un message anodin, par exemple d’une lettre ou d’un poème, c’est là, cher monsieur, une méthode qui appartient au passé. De nos jours, chacun essaie de donner aux autres l’impression que les informations qu’il transmet ne sont pas codées.
    Mémoires trouvés dans une baignoire

    Stanislas LEM

    Titre original : Pamietnik znaleziony w wannie, 1961

    Traduction de Anna LABEDZKA & Dominique SILA
    Illustration de Wojtek SIUDMAK

    POCKET (Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5230
    Dépôt légal : mai 1986
    Roman, 288 pages, catégorie / prix : 4
    ISBN : 2-266-01748-9   Les informations concernant cet ouvrage sont fiables (il est passé entre les mains d'un adhérent de noosfere).
    Genre : Science-Fiction

    Autres éditions
       CALMANN-LÉVY, 1975
       LIVRE DE POCHE, 1978
    Mémoires trouvées dans une baignoire

        Quatrième de couverture               
         C'est dans les ruines souterraines du dernier Pentagone, au pays d'Ammer-Que, qu'ont été découverts ces Mémoires : l'unique témoignage direct qui nous reste aujourd'hui sur cette ère du Néogène, si mal connue des historiens.
         Dans les dernières années du XXe siècle, à la veille de la création de la Fédération Terrienne, les ultimes défenseurs de la dynastie présidique d'Ammer-Que s'étaient enfermés dans le Pentagone. Coupés du monde extérieur, ils élaboraient des plans de défense et de subversion inextricables et illusoires.
         Le manuscrit retrouvé est le journal d'un agent secret, parcourant indéfiniment les longs couloirs blancs de l'Edifice, dans une quête désespérée des instructions à suivre, de la mission à accomplir. Le tout dans un monde terrifiant où le mensonge et la torture sont des sciences, où chacun joue double, triple ou quadruple jeu.

         Stanislas Lem, né à Lvow en 1921, est le plus grand écrivain de S.F. polonais. Mémoires trouvés dans une baignoire révèle un nouvel aspect de cet auteur : le pamphlétaire dur et corrosif, le créateur d'un univers de cauchemar proche des enfers administratifs de Kafka ou des labyrinthes de Borges.

        Critiques   
         Dans son essai Un nouveau Fantastique, paru en 1977 aux Editions L'Age d'Homme, Jean-Baptiste Baronian citait Lem, en compagnie de Buzzati, de Vladimir Colin, du japonais Abe Kobo ou de Bruno Schulz, parmi les « textes extrêmement divers, venus d'horizons et de tempéraments multiples » qui composent la nébuleuse kafkaïenne. Et à l'appui de cette « filiation », de mentionner les Mémoires trouvés dans une baignoire. Il est certain que cette quête d'un agent secret dans les sous-sols du Pentagone, cherchant désespérément quelle mission lui est confiée et passant de bureaux en bureaux, d'interrogateurs réglementairement logiques en procès-verbaux vides de sens, fait surgir quelques réminiscences de certain Procès.
         Mais la tradition littéraire du Polonais tire autant sinon davantage vers le conte philosophique, et il n'est pas gratuit de voir ces Mémoires s'ouvrir par le commentaire qu'en font des historiens futurs, tentant de tirer de cette aventure absurde des leçons du monde passé. On retrouve ici le Lem révélé par d'autres textes : obsession de la communication et de la compréhension entre les êtres qui a nourri Solaris et Eden. La satire corrosive de cet ouvrage-ci le tirerait plutôt vers les pamphlets parfois cauchemardeux du cycle d'Ijon Tichy (relire Le congrès de futurologie), mais qu'il soit enfer ou labyrinthe (le quatrième de couverture cite un peu abusivement Borges !) ce Pentagone futur demeure avant tout un lieu où des êtres vivants apparemment intelligents s'entêtent à tout faire pour ne pas se comprendre ! Exemple de joli dialogue de sourds :
         « — Prenez donc un siège...
         — Vous savez qui je suis ? articulais-je lentement.
         Il inclina la tête comme pour me saluer,
         — Bien entendu... mais faites donc, je vous en prie !
         II m'avança une chaise.
         — J'ignore de quoi nous pourrions parler.
         — Oh ! mais naturellement, je vous comprends très bien. Quoi qu'il en soit, je m'efforcerai de garde le maximum de discrétion là-dessus.
         — De discrétion ? Que voulez-vous dire par là ? « (p. 51)
         Quête désespérée, monde étouffant, individus jouant on ne sait quel jeu suivant on ne sait quelles règles, tout ceci fait de ces Mémoires comme une vaste métaphore de l'univers, irréductible selon Lem à nos petits schémas étriqués. Il s'agit d'un roman souvent drôle, à l'exemple d'une drôlerie aux fondements tragiques, qui nous dit qu'en définitive, à l'instar des responsables du Pentagone, l'humanité s'agite de manière dérisoire au sein d'un monde d'illusions.

    Mémoires trouvés dans une baignoire, Stanislas Lem (1961)
    14 MAI 2015LIMGUELA
    Pentagone d’Escher
    Il ne faudrait pas s’y tromper, plus qu’un roman SF, Lem nous pond ici sans doute plus une sorte de conte métaphilostropique, une fable absurde, voire surréaliste, qui libérée de substance et de matière dramatique n’aurait plus d’autre intérêt qu’elle-même.

    Seule l’introduction présente ce qui va suivre à travers le double prisme de la SF et de l’humour (c’est d’ailleurs probablement ce qu’il y a de mieux ici, de parfaitement hilarant), le reste déconcerte, puis fatigue. Le schéma est simple : un type dans un immeuble labyrinthique se voit confier une mission des plus secrètes. Or, la mission en question, c’est en fait pas loin de devoir chercher l’objectif de cette mission… L’Odysée concentré dans un verre d’eau ou dans un palais des glaces… S’ensuit un long voyage surréaliste, parfois drôle et surtout répétitif (mais si on le lit légèrement bourré, c’est plus efficace et plus inoffensif que certains psychotropes), durant lequel le narrateur sera confronté à la paranoïa et aux instructions absurdes des chefs, la bureaucratie kafkaïenne, la manipulation, la torture…

    Toutes les interprétations sont possibles. D’abord, il semble clair qu’il s’agit plus ou moins d’une critique du système communisme auquel Lem était sans doute confronté. L’introduction désignant, faussement, le Pentagone et l’Amérique comme les cibles de son récit ayant peut-être servi à brouiller les pistes… Pour le reste, plus que Kafka, le ton et la forme feraient probablement plus penser à un Jarry. Les personnages sont des caricatures, des personnages de BD, les mêmes pantins étranges qu’on retrouve à la même époque dans le théâtre absurde. Même l’écriture, bien que le récit soit écrit à la première personne, fait souvent penser à une combinaison de répliques et de didascalies (les introspections et commentaires intérieurs du narrateur ayant également tout des monologues — je pense à la fin du Rhinocéros notamment).

    Alors, en tant que lecteurs, on pourrait y trouver assez peu d’intérêt. C’est vrai que ça aurait sans doute eu plus de sens d’en faire une nouvelle. Sauf que de sens, justement, il n’y en a aucun, alors pourquoi pas… C’est encore plus absurde de tenir le procédé sur la longueur. Fatiguant certes, mais on peut aussi y voir la formidable capacité de l’écrivain à réinventer le monde dans un verre d’eau. Une porte se referme, le personnage entre dans une autre pièce, et hop, que peut-il y trouver ? Ce n’est pas qu’un défi à l’imagination (après tout, l’imagination, tout le monde en a), c’est surtout un formidable exercice de style. Il faut voir ça comme un auteur faisant ses gammes. Libéré de la contrainte dramatique, de la logique et de la cohérence, l’auteur peut s’exercer au style et à la mise en scène. Tout ce qui fait finalement un bon écrivain. Le savoir-faire. Le but est d’arriver à composer d’abord des situations, dont la nature importe assez peu, mais qui serviront de support à l’exercice de ces gammes, des techniques propres à l’écrivain. Puis il faut prêter attention à bien décrire le cheminement intérieur des personnages à travers l’emploi de termes adéquats, significatifs, focaliser le récit sur des éléments plus que sur d’autres, disposer au mieux ses incises, le tout pour illustrer au mieux un décor, une atmosphère, un monde. C’est un vrai travail de mise en scène, car ce n’est pas tout d’imaginer des situations, il faut avoir le talent de doser ses effets, opter pour l’angle et le ton idéal, préférer des éléments par rapport à d’autres… Ensuite, il y a la question purement formelle, celle du style, du vocabulaire, des images, du rythme (il faut noter l’excellent travail de traduction). Et y a pas à dire, tout est parfaitement dosé et ciselé comme dans de la poésie. Si Lem délaye son récit à l’infini comme s’il s’était lui-même perdu dans cet atroce enchevêtrement de couloirs digne d’Escher, à l’échelle du style, la maîtrise est impressionnante. Au machin difforme et indigeste qu’est la fable, s’oppose la cohérence et la rigueur de l’écriture. Un exercice de style que devraient s’infliger tous les écrivains débutants avant de passer aux choses sérieuses. On commence toujours par apprendre ses gammes…
    La critique du livre Lire l'avis des internautes (11 réponses)
     Hypothèse de base : XXème siècle. Le papier a disparu. Partant, la civilisation en prend un sacré coup. Nettoyées les bibliothèques, les thèses, les lettres, et hop... Elle s'en remet apparemment et met en place de nouvelles techniques étranges, mais se confronte à un problème de taille : la question de ce passé effacé. Pourtant (et c'est le contenu du livre, car il ne s'agit ici que d'un préambule) on a retrouvé une trace écrite : des mémoires qui attendaient dans une baignoire du pentagone.

    Les mémoires retracent le parcours d'un espion dans ce lieu fermé : le soldat vient pour recevoir sa Mission.
    Mais il va simplement se perdre corps et âme dans un monde kafkaïen, absurde, ubuesque même parfois. Un monde de couloirs tous semblables, aux portes à numérotations incertaines, où vaquent à leurs occupations des secrétaires, des gradés, des espions, des contre-espions, des barbouzes...
    A moins que ce ne soit des espions qui ne passent pour des gradés, ou des agents doubles, ou triples, ou quadruples.
    Et notre héros est bien en peine de mettre la main sur sa Mission, et va, d'ici de là, rencontrant des congénères qui semblent parfois détenir une vérité à la limite du concevable, ou perdre leur vie dans des passe-temps illogiques, ou donner des conseils, tenir des discours irrationnels.

    Citation :

    - revenons à notre rayon lumineux, poursuivit Prantl, c'est une étoile qui l'a émis. Mais quel genre d'étoile ? Quelle est sa grandeur ? Sa température ? Quel est son passé, son avenir ? Peut-on l'apprendre d'après son rayonnement ?
    - Bien sûr, si on dispose des connaissances nécessaires.
    (...)
    - (...) si on suit ce raisonnement on en arrive à la conclusion que tout est code.
    - ce qui serait exact mon cher.


    Tout est code. Voilà qui en rajoute à la confusion. La logique paranoïaque s'en mêle : propos irrationnels, ou duperie, ou incompréhension du héros, ou code, donc propos rationnels dont il faut avoir la clé ? Quel est le sens de ce monde étrange ? Tout est-il absurde ? Une analyse rationnelle de cette dernière hypothèse ne démontre-t-elle pas qu'elle est elle-même absurde, et donc qu'il y a bien un sens caché ? A moins que, parmi toutes les suppositions émises, on ne retiennent celle de la blague magistrale :

    Citation :

    Souvent, lorsque nous ne voyons pas le véritable sens d'une chose dont la perfection et le raffinement dépassent notre compréhension, nous sourions. Mais nous ne réagissons pas de la même façon devant des phénomènes plus imposants. Prenons, par exemple, le soleil avec ses protubérances entortillées comme des papillotes, ou bien la Galaxie avec toutes les ordures qu'elle traîne après elle ; n'a-t-elle pas l'air d'un gigantesque manège ? Et la métagalaxie avec sa tignasse hirsute ? Comment peut-elle sérieusement prétendre à l'infini ? Et cette pagaye qui règne dans les constellations ? As-tu déjà vu, au moins, une caricature de notre soleil ou de notre Galaxie ? (...) Nous disons d'ailleurs : il est comme il est, il est tout, et le tout ne peut être une farce... Ah ! Comme nous respectons la grandeur ! Elevons une montagne d'excrements dont le sommet se perdrait dans les nuages, les hommes se mettraient à la vénérer et à ployer les genoux devant elle.

    Ecrit avec une dextérité certaine, contenant de nombreux moments mémorables, le livre de Lem pourra faire cependant souffrir le lecteur. Tout d'abord parce que ce récit est forcément loin des formes dramatiques qu'on trouve dans les histoires plus "conventionnelles". Ensuite parce que, écrit à la première personne, le nom du héros n'étant jamais avancé, il faut bien reconnaître que d'un certain côté, le héros, c'est nous - et qu'il faut bien nous coltiner cette vision absurde du monde, ce qui reste toujours une chose éprouvante.

    On pourra peut-être voir également une certaine vision datant de la guerre froide (le pentagone - dit "l'Edifice" - avec son pendant, l'antiEdifice (qui existe ou n'existe pas), nous et les a-u-t-r-e-s (ces derniers existant ou n'existant pas, à moins que les autres ce ne soit nous, ou encore...), les espions, la paranoïa omniprésente, une bureaucratie surréaliste, bref, un beau foutoir sans but, retranscrit, brossé, démonté.
    Mais ne nous y trompons pas. Lem vise sans doute plus loin, plus profond. Il se place donc au côté des écrivains de l'absurde avec ce livre qui nous montre, encore une fois, la maîtrise de l'auteur.

    J'avoue que pour l'instant, au cours de mes quelques lectures, Lem ne démérite pas. Quelques autres m'attendent, et je parie fort que je ne serais pas déçu. Il devient, à mes yeux, un des auteurs les plus intéressants dans les rangs des SF writers.

    ---------------------------------------------------------------
    j'ajoute une petite remarque qui n 'a sans doute aucune valeur, mais qui me titille alors que je fais la vaiselle...
    Ces mémoires sont une découverte d'une civilisation humaine future. Cet effet est peut-être un moyen d'inclure ce livre dans le genre qui nous intéresse. D'un côté, il n'y avait pas obligation, et le livre aurait peut-être pu donner une oeuvre absurde pure - avec beaucoup de remaniements, donc à voir... mais d'un autre côté, le lecteur est en place autant du héros que du lecteur du futur lisant les mémoires retrouvés. Il se glisse alors à la lecture (d'une façon absurde, en un sens, ou plus ou moins inconsciente) que l'absurdité même du récit n'est pas sans relation avec le jugement qu'on pourrait avoir à posteriori - et dans un temps éloigné - sur l'humanité telle que nous la connaissons - et notamment celle du XXème...
    Quelque chose comme ça...
    Bon faites comme si j'avais rien dit...

    Alors que les derniers maîtres de la Fédération Terrienne élaborent des plans de subversion et de défense aussi complexe qu'illusoires, un agent secret réussit à pénétrer dans l'immense édifice où ils se sont isolés du monde. Mais, très rapidement, sa quête tourne court, tant est frappante l'abberration de l'univers où il s'est introduit. Tout y est chaos, mensonge, falsification, duplicité, torture, délire. A croire qu'ici le cauchemar a été érigé en principe vital.


    Memoirs Found in a Bathtub
    From Wikipedia, the free encyclopedia

    Stanisław Lem

    Memoirs Found in a Bathtub (a literal translation of the original Polish-language title: Pamiętnik znaleziony w wannie) is a science fiction novel by Polish writer Stanisław Lem, first published in 1961. It was first published in English in 1973; a second edition was published in 1986.

    Plot summary
    Memoirs Found in a Bathtub starts with the finding of a diary in the distant future. The introduction dwells on the difficulties of historical research on the fictional 'Neogene Era', "the period of the heyday of the pre-Chaotic culture, which preceded the Great Decomposition". "Great Decomposition" refers to the apocalyptic event of "papyrolysis", decomposition of all paper on the planet in the pre-information-technology era, causing all records and money to turn into dust––the end of the "epoch of papycracy".

    The diary, known as the 'Notes of a Man from the Neogene', was found in the lava-filled ruins of Third Pentagon within the territory of the disappeared state of Ammer-Ka. Previously, little was known about the hypothetical 'Last Pentagon'. One researcher suggested that Pentagon was a kind of military brain, the center in charge of maintaining the faith of Cap-i-Taal, dominant in Ammer-Ka in the period of U-S. This was confirmed by the finding of the diary, supposedly of an agent trapped deep within the subterranean bowels of the vast Third Pentagon, although the authenticity and authorship of the document were questioned by some researchers.

    The rest of the book is the diary itself. In a Kafkaesque maelstrom of terrifying bureaucratic confusion and utter insanity, the agent attempts to follow his mission directives, conducting on-the-spot investigations: "Verify. Search. Destroy. Incite. Inform. Over and out. On the nth day nth hour sector n subsector n rendezvous with N." The narrator inhabits a paranoid dystopia where nothing is as it seems, chaos seems to rule all events, and everyone is deeply suspicious of everyone else.

    Commentary
    Theodore Sturgeon described Memoirs Found in a Bathtub as "A well-wrought nightmare indeed."[1]

    Lem himself describes the book as a "combination of grim weirdness with humor". He writes that the novel goes beyond casual political satire: it puts forth the "totalization of the notion of intentionality". Explaining the concept, he writes that everything which humans perceive may be interpreted by them as a message, and that a number of "-isms" are based on interpreting the whole Universe as a message to its inhabitants. This interpretation may be exploited for political purposes and then run amok beyond their intentions.[2]

    The title alludes to Jan Potocki's novel The Manuscript Found in Saragossa.[3]
    Stanislas Lem
    EAN : 9782266017480
    Éditeur : POCKET (30/11/-1)

    Résumé :
    De l'ère du Néogène ne reste qu'un seul témoignage les mémoires d'un agent secret. Dans les dernières années du XXe siècle, à la veille de la création de la Fédération Terrienne, les maîtres de la dynastie régnante se sont isolés dans le Pentagone, afin de dresser des plans de survie. C'est là que se situe l'action de ce livre : une suite de scènes effrayantes traduisent l'itinéraire chaotique du héros, lancé dans la quête désespérée de ses instructions. Que Stanislas Lem ait créé un tel univers de cauchemar n'étonne pas. N'est-il pas le compatriote de Bruno Schultz, de Stanislas Witkiewicz et de Witold Gombrowicz, ces autres maîtres modernes de la littérature de l'imaginaire ?
    01 février 2013
    Dans ce roman a mi-chemin entre Kafka et Borges, Stanislas Lem nous plonge dans un univers glaçant ou tout n'est que tromperie, au premier, deuxième ou troisième degré.
    On peut se demander si c'est une métaphore du monde capitaliste (le roman pourrait se dérouler dans un Pentagone avant la grande crise du papier qui a détruit toutes les connaissances, ou du monde communiste (S. Lem est polonais) ? tout ceci reste bien énigmatique.

    Lem, un écrivain à découvrir de toute urgence
    ce roman, comme "le rhume" ou "l'invincible", me laisse un souvenir impérissable, ce qui est rare pour de la SF

    Excellent, jubilatoire.

    CITATIONS ET EXTRAITS (10) Voir plusAJOUTER UNE CITATION
    SZRAMOWO SZRAMOWO   11 février 2016
    Souvent, lorsque nous ne voyons pas le véritable sens d'une chose dont la perfection et le raffinement dépassent notre compréhension, nous sourions. Mais nous ne réagissons pas de la même façon devant des phénomènes plus imposants. Prenons, par exemple, le soleil avec ses protubérances entortillées comme des papillotes, ou bien la Galaxie avec toutes les ordures qu'elle traîne après elle ; n'a-t-elle pas l'air d'un gigantesque manège ? Et la métagalaxie avec sa tignasse hirsute ? Comment peut-elle sérieusement prétendre à l'infini ? Et cette pagaye qui règne dans les constellations ? As-tu déjà vu, au moins, une caricature de notre soleil ou de notre Galaxie ? (...) Nous disons d'ailleurs : il est comme il est, il est tout, et le tout ne peut être une farce... Ah ! Comme nous respectons la grandeur ! Elevons une montagne d'excréments dont le sommet se perdrait dans les nuages, les hommes se mettraient à la vénérer et à ployer les genoux devant elle.
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    rkhettaoui       rkhettaoui   16 août 2014
    L’histoire nous a déjà suffisamment ankylosés en collant partout son épaisse carapace de significations, explications et mystifications. En ce qui me concerne, je ne décortique pas les atomes, je ne dénoyaute pas non plus les étoiles, mais graduellement, lentement, une à une, avec précision, j’ôte les significations.
    16 août 2014
    Qu’est-ce que la curiosité ? C’est la première réaction d’un nouveau-né ! Le plus naturel des réflexes, le désir primordial de découvrir la cause qui engendre l’effet, lequel, étant à son tour le germe de nouvelles actions, crée la continuité… c’est ainsi que se forgent les liens qui nous enchaînent… et dire que tout cela débute d’une manière si naïve ! Si innocente ! Si simple !
    16 août 2014
    Notre existence n’est rien d’autre qu’un perpétuel cycle d’espionnage. Nous espionnons les secrets de la nature… Savez-vous que dans la Rome antique le même mot « speculator » désignait à la fois le savant, le chercheur, et l’agent secret ? Tout savant est en effet un espion per eccellenza e per forza, un indicateur de l’Humanité s’infiltrant au sein de l’Être…
    16 août 2014
    Camoufler des renseignements en leur donnant la forme d’un message anodin, par exemple d’une lettre ou d’un poème, c’est là, cher monsieur, une méthode qui appartient au passé. De nos jours, chacun essaie de donner aux autres l’impression que les informations qu’il transmet ne sont pas codées.
    Mémoires trouvés dans une baignoire

    Stanislas LEM

    Titre original : Pamietnik znaleziony w wannie, 1961

    Traduction de Anna LABEDZKA & Dominique SILA
    Illustration de Wojtek SIUDMAK

    POCKET (Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5230
    Dépôt légal : mai 1986
    Roman, 288 pages, catégorie / prix : 4
    ISBN : 2-266-01748-9   Les informations concernant cet ouvrage sont fiables (il est passé entre les mains d'un adhérent de noosfere).
    Genre : Science-Fiction

    Autres éditions
       CALMANN-LÉVY, 1975
       LIVRE DE POCHE, 1978
    Mémoires trouvées dans une baignoire

        Quatrième de couverture               
         C'est dans les ruines souterraines du dernier Pentagone, au pays d'Ammer-Que, qu'ont été découverts ces Mémoires : l'unique témoignage direct qui nous reste aujourd'hui sur cette ère du Néogène, si mal connue des historiens.
         Dans les dernières années du XXe siècle, à la veille de la création de la Fédération Terrienne, les ultimes défenseurs de la dynastie présidique d'Ammer-Que s'étaient enfermés dans le Pentagone. Coupés du monde extérieur, ils élaboraient des plans de défense et de subversion inextricables et illusoires.
         Le manuscrit retrouvé est le journal d'un agent secret, parcourant indéfiniment les longs couloirs blancs de l'Edifice, dans une quête désespérée des instructions à suivre, de la mission à accomplir. Le tout dans un monde terrifiant où le mensonge et la torture sont des sciences, où chacun joue double, triple ou quadruple jeu.

         Stanislas Lem, né à Lvow en 1921, est le plus grand écrivain de S.F. polonais. Mémoires trouvés dans une baignoire révèle un nouvel aspect de cet auteur : le pamphlétaire dur et corrosif, le créateur d'un univers de cauchemar proche des enfers administratifs de Kafka ou des labyrinthes de Borges.

        Critiques   
         Dans son essai Un nouveau Fantastique, paru en 1977 aux Editions L'Age d'Homme, Jean-Baptiste Baronian citait Lem, en compagnie de Buzzati, de Vladimir Colin, du japonais Abe Kobo ou de Bruno Schulz, parmi les « textes extrêmement divers, venus d'horizons et de tempéraments multiples » qui composent la nébuleuse kafkaïenne. Et à l'appui de cette « filiation », de mentionner les Mémoires trouvés dans une baignoire. Il est certain que cette quête d'un agent secret dans les sous-sols du Pentagone, cherchant désespérément quelle mission lui est confiée et passant de bureaux en bureaux, d'interrogateurs réglementairement logiques en procès-verbaux vides de sens, fait surgir quelques réminiscences de certain Procès.
         Mais la tradition littéraire du Polonais tire autant sinon davantage vers le conte philosophique, et il n'est pas gratuit de voir ces Mémoires s'ouvrir par le commentaire qu'en font des historiens futurs, tentant de tirer de cette aventure absurde des leçons du monde passé. On retrouve ici le Lem révélé par d'autres textes : obsession de la communication et de la compréhension entre les êtres qui a nourri Solaris et Eden. La satire corrosive de cet ouvrage-ci le tirerait plutôt vers les pamphlets parfois cauchemardeux du cycle d'Ijon Tichy (relire Le congrès de futurologie), mais qu'il soit enfer ou labyrinthe (le quatrième de couverture cite un peu abusivement Borges !) ce Pentagone futur demeure avant tout un lieu où des êtres vivants apparemment intelligents s'entêtent à tout faire pour ne pas se comprendre ! Exemple de joli dialogue de sourds :
         « — Prenez donc un siège...
         — Vous savez qui je suis ? articulais-je lentement.
         Il inclina la tête comme pour me saluer,
         — Bien entendu... mais faites donc, je vous en prie !
         II m'avança une chaise.
         — J'ignore de quoi nous pourrions parler.
         — Oh ! mais naturellement, je vous comprends très bien. Quoi qu'il en soit, je m'efforcerai de garde le maximum de discrétion là-dessus.
         — De discrétion ? Que voulez-vous dire par là ? « (p. 51)
         Quête désespérée, monde étouffant, individus jouant on ne sait quel jeu suivant on ne sait quelles règles, tout ceci fait de ces Mémoires comme une vaste métaphore de l'univers, irréductible selon Lem à nos petits schémas étriqués. Il s'agit d'un roman souvent drôle, à l'exemple d'une drôlerie aux fondements tragiques, qui nous dit qu'en définitive, à l'instar des responsables du Pentagone, l'humanité s'agite de manière dérisoire au sein d'un monde d'illusions.

    Mémoires trouvés dans une baignoire, Stanislas Lem (1961)
    14 MAI 2015LIMGUELA
    Pentagone d’Escher
    Il ne faudrait pas s’y tromper, plus qu’un roman SF, Lem nous pond ici sans doute plus une sorte de conte métaphilostropique, une fable absurde, voire surréaliste, qui libérée de substance et de matière dramatique n’aurait plus d’autre intérêt qu’elle-même.

    Seule l’introduction présente ce qui va suivre à travers le double prisme de la SF et de l’humour (c’est d’ailleurs probablement ce qu’il y a de mieux ici, de parfaitement hilarant), le reste déconcerte, puis fatigue. Le schéma est simple : un type dans un immeuble labyrinthique se voit confier une mission des plus secrètes. Or, la mission en question, c’est en fait pas loin de devoir chercher l’objectif de cette mission… L’Odysée concentré dans un verre d’eau ou dans un palais des glaces… S’ensuit un long voyage surréaliste, parfois drôle et surtout répétitif (mais si on le lit légèrement bourré, c’est plus efficace et plus inoffensif que certains psychotropes), durant lequel le narrateur sera confronté à la paranoïa et aux instructions absurdes des chefs, la bureaucratie kafkaïenne, la manipulation, la torture…

    Toutes les interprétations sont possibles. D’abord, il semble clair qu’il s’agit plus ou moins d’une critique du système communisme auquel Lem était sans doute confronté. L’introduction désignant, faussement, le Pentagone et l’Amérique comme les cibles de son récit ayant peut-être servi à brouiller les pistes… Pour le reste, plus que Kafka, le ton et la forme feraient probablement plus penser à un Jarry. Les personnages sont des caricatures, des personnages de BD, les mêmes pantins étranges qu’on retrouve à la même époque dans le théâtre absurde. Même l’écriture, bien que le récit soit écrit à la première personne, fait souvent penser à une combinaison de répliques et de didascalies (les introspections et commentaires intérieurs du narrateur ayant également tout des monologues — je pense à la fin du Rhinocéros notamment).

    Alors, en tant que lecteurs, on pourrait y trouver assez peu d’intérêt. C’est vrai que ça aurait sans doute eu plus de sens d’en faire une nouvelle. Sauf que de sens, justement, il n’y en a aucun, alors pourquoi pas… C’est encore plus absurde de tenir le procédé sur la longueur. Fatiguant certes, mais on peut aussi y voir la formidable capacité de l’écrivain à réinventer le monde dans un verre d’eau. Une porte se referme, le personnage entre dans une autre pièce, et hop, que peut-il y trouver ? Ce n’est pas qu’un défi à l’imagination (après tout, l’imagination, tout le monde en a), c’est surtout un formidable exercice de style. Il faut voir ça comme un auteur faisant ses gammes. Libéré de la contrainte dramatique, de la logique et de la cohérence, l’auteur peut s’exercer au style et à la mise en scène. Tout ce qui fait finalement un bon écrivain. Le savoir-faire. Le but est d’arriver à composer d’abord des situations, dont la nature importe assez peu, mais qui serviront de support à l’exercice de ces gammes, des techniques propres à l’écrivain. Puis il faut prêter attention à bien décrire le cheminement intérieur des personnages à travers l’emploi de termes adéquats, significatifs, focaliser le récit sur des éléments plus que sur d’autres, disposer au mieux ses incises, le tout pour illustrer au mieux un décor, une atmosphère, un monde. C’est un vrai travail de mise en scène, car ce n’est pas tout d’imaginer des situations, il faut avoir le talent de doser ses effets, opter pour l’angle et le ton idéal, préférer des éléments par rapport à d’autres… Ensuite, il y a la question purement formelle, celle du style, du vocabulaire, des images, du rythme (il faut noter l’excellent travail de traduction). Et y a pas à dire, tout est parfaitement dosé et ciselé comme dans de la poésie. Si Lem délaye son récit à l’infini comme s’il s’était lui-même perdu dans cet atroce enchevêtrement de couloirs digne d’Escher, à l’échelle du style, la maîtrise est impressionnante. Au machin difforme et indigeste qu’est la fable, s’oppose la cohérence et la rigueur de l’écriture. Un exercice de style que devraient s’infliger tous les écrivains débutants avant de passer aux choses sérieuses. On commence toujours par apprendre ses gammes…
    La critique du livre Lire l'avis des internautes (11 réponses)
     Hypothèse de base : XXème siècle. Le papier a disparu. Partant, la civilisation en prend un sacré coup. Nettoyées les bibliothèques, les thèses, les lettres, et hop... Elle s'en remet apparemment et met en place de nouvelles techniques étranges, mais se confronte à un problème de taille : la question de ce passé effacé. Pourtant (et c'est le contenu du livre, car il ne s'agit ici que d'un préambule) on a retrouvé une trace écrite : des mémoires qui attendaient dans une baignoire du pentagone.

    Les mémoires retracent le parcours d'un espion dans ce lieu fermé : le soldat vient pour recevoir sa Mission.
    Mais il va simplement se perdre corps et âme dans un monde kafkaïen, absurde, ubuesque même parfois. Un monde de couloirs tous semblables, aux portes à numérotations incertaines, où vaquent à leurs occupations des secrétaires, des gradés, des espions, des contre-espions, des barbouzes...
    A moins que ce ne soit des espions qui ne passent pour des gradés, ou des agents doubles, ou triples, ou quadruples.
    Et notre héros est bien en peine de mettre la main sur sa Mission, et va, d'ici de là, rencontrant des congénères qui semblent parfois détenir une vérité à la limite du concevable, ou perdre leur vie dans des passe-temps illogiques, ou donner des conseils, tenir des discours irrationnels.

    Citation :

    - revenons à notre rayon lumineux, poursuivit Prantl, c'est une étoile qui l'a émis. Mais quel genre d'étoile ? Quelle est sa grandeur ? Sa température ? Quel est son passé, son avenir ? Peut-on l'apprendre d'après son rayonnement ?
    - Bien sûr, si on dispose des connaissances nécessaires.
    (...)
    - (...) si on suit ce raisonnement on en arrive à la conclusion que tout est code.
    - ce qui serait exact mon cher.


    Tout est code. Voilà qui en rajoute à la confusion. La logique paranoïaque s'en mêle : propos irrationnels, ou duperie, ou incompréhension du héros, ou code, donc propos rationnels dont il faut avoir la clé ? Quel est le sens de ce monde étrange ? Tout est-il absurde ? Une analyse rationnelle de cette dernière hypothèse ne démontre-t-elle pas qu'elle est elle-même absurde, et donc qu'il y a bien un sens caché ? A moins que, parmi toutes les suppositions émises, on ne retiennent celle de la blague magistrale :

    Citation :

    Souvent, lorsque nous ne voyons pas le véritable sens d'une chose dont la perfection et le raffinement dépassent notre compréhension, nous sourions. Mais nous ne réagissons pas de la même façon devant des phénomènes plus imposants. Prenons, par exemple, le soleil avec ses protubérances entortillées comme des papillotes, ou bien la Galaxie avec toutes les ordures qu'elle traîne après elle ; n'a-t-elle pas l'air d'un gigantesque manège ? Et la métagalaxie avec sa tignasse hirsute ? Comment peut-elle sérieusement prétendre à l'infini ? Et cette pagaye qui règne dans les constellations ? As-tu déjà vu, au moins, une caricature de notre soleil ou de notre Galaxie ? (...) Nous disons d'ailleurs : il est comme il est, il est tout, et le tout ne peut être une farce... Ah ! Comme nous respectons la grandeur ! Elevons une montagne d'excrements dont le sommet se perdrait dans les nuages, les hommes se mettraient à la vénérer et à ployer les genoux devant elle.

    Ecrit avec une dextérité certaine, contenant de nombreux moments mémorables, le livre de Lem pourra faire cependant souffrir le lecteur. Tout d'abord parce que ce récit est forcément loin des formes dramatiques qu'on trouve dans les histoires plus "conventionnelles". Ensuite parce que, écrit à la première personne, le nom du héros n'étant jamais avancé, il faut bien reconnaître que d'un certain côté, le héros, c'est nous - et qu'il faut bien nous coltiner cette vision absurde du monde, ce qui reste toujours une chose éprouvante.

    On pourra peut-être voir également une certaine vision datant de la guerre froide (le pentagone - dit "l'Edifice" - avec son pendant, l'antiEdifice (qui existe ou n'existe pas), nous et les a-u-t-r-e-s (ces derniers existant ou n'existant pas, à moins que les autres ce ne soit nous, ou encore...), les espions, la paranoïa omniprésente, une bureaucratie surréaliste, bref, un beau foutoir sans but, retranscrit, brossé, démonté.
    Mais ne nous y trompons pas. Lem vise sans doute plus loin, plus profond. Il se place donc au côté des écrivains de l'absurde avec ce livre qui nous montre, encore une fois, la maîtrise de l'auteur.

    J'avoue que pour l'instant, au cours de mes quelques lectures, Lem ne démérite pas. Quelques autres m'attendent, et je parie fort que je ne serais pas déçu. Il devient, à mes yeux, un des auteurs les plus intéressants dans les rangs des SF writers.

    ---------------------------------------------------------------
    j'ajoute une petite remarque qui n 'a sans doute aucune valeur, mais qui me titille alors que je fais la vaiselle...
    Ces mémoires sont une découverte d'une civilisation humaine future. Cet effet est peut-être un moyen d'inclure ce livre dans le genre qui nous intéresse. D'un côté, il n'y avait pas obligation, et le livre aurait peut-être pu donner une oeuvre absurde pure - avec beaucoup de remaniements, donc à voir... mais d'un autre côté, le lecteur est en place autant du héros que du lecteur du futur lisant les mémoires retrouvés. Il se glisse alors à la lecture (d'une façon absurde, en un sens, ou plus ou moins inconsciente) que l'absurdité même du récit n'est pas sans relation avec le jugement qu'on pourrait avoir à posteriori - et dans un temps éloigné - sur l'humanité telle que nous la connaissons - et notamment celle du XXème...
    Quelque chose comme ça...
    Bon faites comme si j'avais rien dit...

    Alors que les derniers maîtres de la Fédération Terrienne élaborent des plans de subversion et de défense aussi complexe qu'illusoires, un agent secret réussit à pénétrer dans l'immense édifice où ils se sont isolés du monde. Mais, très rapidement, sa quête tourne court, tant est frappante l'abberration de l'univers où il s'est introduit. Tout y est chaos, mensonge, falsification, duplicité, torture, délire. A croire qu'ici le cauchemar a été érigé en principe vital.


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