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duminică, 15 noiembrie 2020

LITTÉRATURE RUSSE / LAROUSSE

 encyclopédie LAROUSSE [litterature] https://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Russie/176677


Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

LITTÉRATURE RUSSE

                                    PLAN


Partagée entre les influences venues d'Europe et le vieux fonds asiate, lente à forger sa langue et à se libérer des emprunts, la littérature russe doit beaucoup de ses traits spécifiques à son histoire et à sa géographie. Lorsque le prince varègue Vladimir, qui règne à Kiev à la fin du xe siècle, se convertit au christianisme et épouse la fille de l'empereur de Byzance, il introduit en Russie un double courant culturel, la civilisation byzantine et bulgare d'une part, l'Antiquité gréco-latine d'autre part : ce double courant, chrétien et antique, survivra longtemps dans la poésie. La longue domination tartare n'a sans doute pas marqué en profondeur la Russie ; mais, en la coupant tragiquement de Byzance, elle développe en elle l'idée d'une mission particulière, puisée dans les Écritures, celle d'incarner la troisième Rome, citadelle de la vraie foi. C'est au nom de l'Église orthodoxe que les Russes ont lutté contre les Tartares, et la faillite de Constantinople les confirme dans une mission messianique, prophétique, dévolue non seulement aux autorités religieuses, mais à tout un peuple, « inspiré de Dieu ». Ce thème reviendra constamment dans la littérature russe, et jusque dans la poésie soviétique.

L'ouverture sur l'Europe, amorcée par Pierre le Grand, s'accompagne d'un renouveau de la culture. Les xviie et le xviiie siècles sont deux siècles d'apprentissage et de cheminement souterrain. Mais les emprunts à l'étranger retardent aussi le retour aux thèmes nationaux. Si la poésie s'en libère plus vite en puisant dans les traditions populaires, la prose, elle, assimile mal les leçons des encyclopédistes, les problèmes politiques ou philosophiques de l'Europe, qui lui sont étrangers. L'assise culturelle est encore faible, reposant sur la société aristocratique. Ce n'est qu'au tournant du xixe  siècle, avec le miracle de Pouchkine, que les écrivains prennent conscience de l'unité et des aspirations russes. En moins de trente ans, la littérature accédera à la maturité et à l'indépendance, et brillera d'un rare éclat. Un rôle exceptionnel lui échoit, celui de traduire la vie spirituelle d'un peuple : c'est de la littérature que Dostoïevski attend « la justification de la Russie ». La littérature cesse d'imiter l'étranger ; elle se fraie une voie originale entre les grands courants européens, classique, romantique ou réaliste, et elle tente de combler le fossé qui sépare le peuple de son élite. À travers ses romans, elle porte le débat sur les grandes interrogations sociales et métaphysiques. Pauvre en recherches formelles, elle se veut militante, contestataire, didactique, morale, et la fiction romanesque n'est jamais qu'un support destiné à exprimer une conception du monde : les écrivains s'affirment des maîtres de vie plus que des maîtres de l'art. Cependant, la vague décadente et symboliste de la fin du xixe siècle touche aussi la Russie. La pensée religieuse connaît un renouveau, l'art est resacralisé et les premiers manifestes symbolistes inaugurent l'âge d'argent de la littérature russe. La poésie puis la prose renouent avec les recherche formelles, cette période de bouillonnement créatif engendre une multitude d'écoles et de courants dont l'aspect souvent superficiel ne doit pas faire oublier qu'ils modifient en profondeur le visage de la littérature russe. La Révolution ne met pas un terme à cette effervescence esthétique, ses premières années sont une période de créativité, de liberté intenses. Mais, peu à peu, la mise au pas s'organise ; les uns connaissent l'exil, les autres la misère et les persécutions ; le « réalisme socialiste » devient la « méthode fondamentale » de la création littéraire. Il faudra attendre 1956 et le « dégel » pour voir une relative libéralisation, qui ne deviendra complète qu'avec la chute de l'U.R.S.S., en 1991.

LA LITTÉRATURE DE LA RUSSIE ANCIENNE (XIe-XVIIe SIÈCLES)

Une des premières manifestations du génie littéraire de la Russie est le développement de l'art oral populaire, avec les bylines, qui fleurissent du xie au xiiie siècles, mais aussi les contes et les chansons. La littérature écrite s'épanouit autour des monastères et dans les cours princières. Héritière des chroniques byzantines, elle utilise le slavon, la langue d'Église, parfois émaillée d'expressions locales : calligraphies des Écritures, vies de saints, récits édifiants. Les sermons du métropolite Hilarion (1re moitié du xie s.), la Chronique de Nestor (xiie s.), le Voyage de l'hégoumène Daniel en Terre sainte (xiie s.), l'Instruction de Vladimir Monomaque constituent cependant des œuvres originales, surtout lorsqu'elles mêlent, comme ces deux dernières, slavon et russe parlé. Mais le joyau de la culture kiévienne est alors le Dit de la campagne d'Igor, anonyme, qui fait la synthèse entre les chansons épiques, l'art oratoire et le folklore oral. La vie culturelle stagne ou régresse aux xiiie et xive siècles, du fait des assauts de nomades sur les principautés méridionales. Mais, peu à peu, le royaume de Moscou s'élabore sur les ruines causées par la Horde d'or. La dernière œuvre poétique de la Russie méridionale est la Zadonchtchina, qui célèbre la bataille de Koulikovo, où le prince Dimitri Donskoï écrase les Tartares. Au xve siècle, un curieux traité de morale familiale appartient encore à la littérature monastique, attribué au prêtre Sylvestre, conseiller du jeune Ivan IV. À la même époque naissent les tcheti-minei, compilation des vies de prophètes et d'apôtres, faite par le métropolite Macaire et destinée à étayer la vie religieuse et à accroître l'instruction du clergé. L'échange de lettres véhémentes et de style savoureux entre Ivan le Terrible et le prince Kourbski, boyard rebelle réfugié en Lituanie, constitue à la fin du xvie siècle un document littéraire et psychologique de première importance. La Russie plonge alors dans une période de guerres civiles et de crise dynastique, mais elle commence à s'ouvrir aux courants étrangers. C'est un exilé, Kotochikhine (vers 1630-1667), qui donne le meilleur, mais sombre, tableau de la cour de Moscou. Pourtant, le second des Romanov, Alexis Mikhailovitch, s'efforce d'arracher son peuple à la barbarie, en encourageant des écrivains tels que Siméon de Polotsk (1629-1680), auteur de drames liturgiques, qui plaisent beaucoup à la cour ; il favorise les premiers pas du théâtre russe, et introduit la poésie syllabique. Mais c'est encore en dehors de la littérature que germe la plus originale des œuvres de cette époque, la Vie d'Avvakoum (1620-1682). Avec ce dernier, une période se termine, celle de la vieille Russie, pieuse, conservatrice, théocratique. De nouvelles élites, occidentalisées, vont apparaître.

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES : DE L'ÉGLISE AU BAL

Métropolite de Novgorod, Théophane Prokopovitch (1681-1736) est un des derniers grands écrivains religieux. Auteur du Règlement ecclésiastique, ainsi que d'un drame religieux, Vladimir (1705), il a pourtant soutenu l'œuvre réformatrice de Pierre le Grand (dont il a composé l'oraison funèbre), qui a définitivement engagé la littérature russe dans un processus de sécularisation et d'européanisation. La culture est désormais laïque, réservée à une classe de gentilshommes qui se pénètrent des littératures étrangères. « La langue russe, sortie de l'église, se retrouva au bal » : cette boutade de Gogol résume les deux grandes phases d'apprentissage de la littérature russe, avant l'âge d'or. Les poésies à sujet panégyrique ou didactique, les élégies amoureuses imitées des petits-maîtres français sont à la mode à la cour de Pierre Ier (1689-1725).

LE CLASSICISME

On traduit beaucoup les auteurs grecs et latins et, sous le règne d'Élisabeth (1741-1762), le classicisme français pénètre dans la culture russe, sous l'impulsion de Dmitri Kantemir (1708-1744), Trediakovski, Lomonossov et Soumarokov. Cette période voit aussi la formation d'une métrique adaptée à la langue russe : si Kantemir adapte les satires de Boileau ou d'Horace en utilisant le vers syllabique, Trediakovski et, surtout, Lomonossov élaborent le système syllabo-tonique, qui sera définitivement adopté par les poètes russe. Soumarokov utilise ces innovations pour fonder le théâtre russe, avec ses tragédies. Catherine II lui confie la direction des théâtres impériaux, et, sous sa direction, l'acteur Fiodor Volkov (1728-1763) constitue la première troupe nationale.

LA FORMATION DE L'ESPRIT CRITIQUE

Le xviiie siècle est une époque laborieuse de fécondation souterraine. L'ode acquiert son indépendance (Vassili Kapnist, 1757-1823) ; les poètes cultivent le genre héroï-comique (Vassili Maïkov, 1728-1778), le conte en vers et la fable (Hippolyte Bogdanovitch, 1743-1803, et Ivan Khemnitser, 1745-1784). Quelques tempéraments puissants font preuve d'originalité : le poète Derjavine peint avec simplicité, en langue vulgaire, la vie russe et mêle sans souci de grammaire les éléments sublimes, réalistes ou comiques. Après Iakov Kniajnine (1742-1791), Fonvizine crée les grands types du théâtre moderne. La prose se développe également, le plus souvent pamphlétaire et politique grâce à l'essor du journalisme et à l'impulsion donnée par Catherine II, protectrice des lettres, qui fonde en 1783 l'Académie russe sur le modèle français. Mais Novikov, le premier publiciste, et Radichtchev manqueront de peu de payer de leur vie leurs audaces. L'édition fait un bond en avant grâce aux imprimeries privées ; la première bibliothèque publique s'ouvre à Saint-Pétersbourg.

LE XIXe SIÈCLE : DU ROMANTISME AU RÈGNE DU ROMAN

La fin du xviiie siècle est une époque de gestation, où les thèmes nationaux et les thèmes personnels s'accordent à la sensibilité préromantique de l'Europe. Karamzine, représentant du sentimentalisme, inaugure les premiers grands récits en prose, et surtout milite en faveur d'une langue russe libérée des archaïsmes ; il a ses partisans, regroupés dans la société Arzamas, mais aussi ses farouches opposants, emmenés par l'amiral Alexandre Chichkov (1754-1843) et les membres de « Bessieda », qui défendent la poésie « noble » du xviiie siècle. Par le biais des traductions, la langue s'affine, et deux poètes surtout forgent l'outil dont se servira Pouchkine : Batiouchkov, pénétré de l'esprit latin et des poètes élégiaques français, et Joukovski, qui traduit Byron, Scott, Goethe, Schiller, et donne au vers une souplesse mélodique inconnue.

L'ÂGE D'OR

Le classicisme ne règne plus en maître sur la littérature russe. Si Krylov, avec ses fables, lui donne encore un chef-d'œuvre, si Griboïedov, qui dote la Russie d'une comédie vraiment nationale, reste encore fidèle à la forme classique, le courant romantique est bien représenté par Davydov, Delvig ou Boratynski. La poésie russe connaît une véritable floraison, avec les poètes « décabristes » ou ceux de la « pléiade pouchkinienne », que la gloire de Pouchkine éclipse injustement. Ce dernier donne à la langue russe sa pureté, sa précision, son élégance ; son génie ouvre des perspectives neuves à la fois à la poésie et à la prose, au théâtre et à la nouvelle, en réussissant une synthèse de la tradition et des influences étrangères. La génération de 1840 voit le développement du roman, qui devient, à partir de Gogol le genre dominant. Lermontov et Tioutchev sont les derniers grands poètes (mais leur œuvre tourne le dos à Pouchkine et représente déjà la « conscience nocturne » de l'âme russe), même si un Koltsov est encore inspiré par les légendes populaires.

L'ÂGE DU ROMAN

Entre 1830 et 1840 paraissent les premiers chefs-d'œuvre de la prose romanesque, qui désormais ouvrent la voie royale à cette pléiade de grands noms par lesquels la littérature russe a d'abord été connue en Europe. Les Récits de Bielkine de Pouchkine paraissent en 1831, Un héros de notre temps de Lermontov en 1840, et l'œuvre de Gogol jusqu'aux Âmes mortes s'échelonne entre 1832 et 1842. Gogol écrit à une époque où le servage et l'absolutisme font l'objet d'une critique de plus en plus véhémente ; parce que son œuvre reflète certains travers de la société russe, les libéraux des années 1840 en font le fondateur de « l'école naturelle ». Si beaucoup de romanciers se réclament de lui pour peindre scrupuleusement des tableaux de mœurs et des scènes de vie quotidienne – et certains, comme Aksakov , le font avec un grand talent –, Dostoïevski le visionnaire est son véritable successeur. De Gogol celui-ci a hérité non tant son intérêt pour « le peuple » qu'une vision déformée et trouble de l'univers qu'il peint dès ses premières œuvres. Avec Tolstoï, il domine le roman russe du xixe siècle. Il a participé aussi, comme directeur de revue puis avec son Journal d'un écrivain, aux grands débats de l'époque, en s'opposant aux « nihilistes ».

UNE TRIBUNE POLITIQUE

C'est que la littérature est devenue peu à peu une tribune politique. Le critique Bielinski, véritable fondateur de « l'école naturelle », considère le roman comme un instrument de dénonciation. « La génération des années 1840 », celle des occidentalistes et des slavophiles, est constituée d'un groupe social nouveau : appartenant aux classes moyenne et plébéienne, les raznotchintsy (roturiers), prennent le relais de l'aristocratie cultivée. Dynamiques, portés par leur fanatisme à la simplification, ils ne demandent plus à l'art de procurer une jouissance esthétique, mais de diffuser des idées et de travailler à la libération du peuple. Ils forment les premières générations de l'intelligentsia, cette élite éclairée, issue d'abord du système d'éducation modernisé par Nicolas Ier, appelée à se développer sous Alexandre II, et qui va ensuite demeurer une constante de l'histoire et de la culture russes. Dès les années 1840, la vie littéraire s'organise autour des « grosses revues ». Les Annales de la patrie et le Contemporain publient les écrivains et les critiques de « l'école naturelle ». Peu à peu se définit une esthétique « réaliste », d'abord au service d'un idéalisme politique (Herzen), puis avec l'apparition des courants radicaux et populistes, dans les années 1860 et 1880, de plus en plus pragmatique : Tchernychevski, Dobrolioubov et Pissarev donnent le ton. À côté d'écrivains de valeur, comme Tourgueniev, Gontcharov, Saltykov-Chedrine, ou encore Ouspenski, Pissemski, Dmitri Grigorovitch (1822-1881), Vladimir Dahl (1801-1871) et Melnikov-Petcherski, on trouve toute une série de « romans de mœurs » ou « romans à thèse » extrêmement laborieux. Dans ce climat de plus en plus intolérant, un écrivain comme Leskov, qualifié de « réactionnaire », peut difficilement se faire entendre. Que dire de la poésie, au sein de laquelle les adeptes d'un « art pur », Aleksis K. Tolstoï , Iakov Polonski (1819-1898), Fet , Apollon N. Maïkov (1821-1897), écrivent dans l'indifférence, ou l'hostilité, alors que les suffrages se portent sur Nekrassov, chantre des souffrances du peuple et des idylles paysannes, que l'on admire moins pour son lyrisme que pour son civisme, ou sur les rengaines creuses et sonores de Nadson ! Au-dessus de ces partis pris, ignorant superbement les querelles et les modes de l'intelligentsia, la grande figure de Tolstoï couvre l'ensemble du siècle : il incarne une autre voie du « réalisme » russe, celle qui ne cesse de s'interroger sur le sens de l'existence humaine, par l'exploration du moi, de l'Histoire, tout en remettant en cause la valeur de l'art et de la culture, face au mystère de la vie et de la mort.

LE TOURNANT DU SIÈCLE : L'ÂGE D'ARGENT

CRISE ET RENOUVEAU

Les excès de la critique radicale, le règne du matérialisme ont entraîné la littérature dans une impasse. La réaction s'organise, derrière Dostoïevski et Apollon Grigoriev (1822-1864), puis derrière Konstantin Leontiev (1831-1891). La pensée et la personnalité du philosophe Vladimir Soloviov (1853-1900) jouent un rôle déterminant au cours de cette période : son originalité est d'avoir défendu l'idée d'un christianisme mystique et orthodoxe, sans pour autant accepter les thèses slavophiles. Avec lui, la pensée se libère de ses implications politiques et sociales. À sa suite, Chestov (1866-1938) et Rozanov exaltent la foi aux dépens de la raison. Le renouveau de la pensée religieuse russe est marqué par la publication d'un recueil collectif, Jalons (1909), à l'initiative de Nicolaï Berdiaïev (1874-1948) et de Sergeï Boulgakov (1871-1944).

LE SYMBOLISME

Les poèmes de Soloviov, rencontre avec la beauté et la sagesse divine, annoncent le tournant de l'âge d'argent, mais les influences étrangères (Baudelaire, Ibsen, Poe, Nietzsche, Maeterlinck) jouent également un grand rôle dans la rénovation des lettres russes, donnant naissance au courant décadent, puis symboliste, qui ouvre des perspectives nouvelles à la poésie et à la prose russes. Merejkovski, Brioussov, Balmont, Ivanov, Blok, Biély, Sologoub considèrent l'art comme la valeur suprême en ce sens qu'il est ouverture sur l'infini. Leur œuvre constitue une tentative pour établir une correspondance entre l'individuel, le temporel, et le monde de la transcendance. Le symbole est l'instrument par excellence de cette recherche ; il implique un intérêt, passé depuis longtemps au second plan, pour la forme. Lorsqu'en 1910, dans la revue Apollon, Ivanov dresse le constat d'échec du symbolisme, ce mouvement a transfiguré en profondeur le visage des lettres russes.

ACMÉISTES ET FUTURISTES

Mais la « jeune génération », qui n'a pas connu le règne de la littérature utilitaire, rejette à son tour les « brumes mystiques ». Les acméistes (Goumiliov, Akhmatova, Mandelstam et, proche de ce courant, Kouzmine) réclament un retour à la clarté et à la matérialité du monde ; pour eux, comme pour les futuristes (Khlebnikov, Maïakovski, Pasternak, Kroutchionnykh), le poète est un artisan, et son matériau est le mot. Les acméistes mettent celui-ci au service de l'édification du beau, alors que les futuristes cherchent à en explorer toutes les ressources, s'inspirant des expérimentations picturales du début du siècle : libérant la langue de son obligation de signifier, ils s'intéressent à l'aspect purement sonore, ou visuel, du mot.

LES PIONNIERS D'UN NOUVEAU RÉALISME

Parallèlement, la veine réaliste elle-même connaît un renouvellement. Avec Garchine ou Korolenko, elle se libère du joug utilitaire. C'est à Tchekhov que revient de lui donner un tour radicalement nouveau. Son œuvre continue l'exploration des questions existentielles, mais elle ne les limite pas aux simples relations sociales et surtout, ne cherche pas à donner de réponse : dans ses récits, comme dans son théâtre, il se met à l'écoute de la vie, dont il observe les fêlures, les échecs, mais son réalisme, avant tout poétique, procède par suggestions ou impressions plus que par descriptions. Le ton change à nouveau avec Gorki : ses héros, des déclassés, des vagabonds, appartiennent à des milieux complètement nouveaux. Il fonde une maison d'édition, Znanie, autour de laquelle se regroupent nombre des grands prosateurs du début du siècle, Andreïev, Kouprine, Chmeliov, Zaïtsev ou encore Bounine. À la même époque, Prichvine, Remizov ou Zamiatine donnent leurs premières œuvres dans la revue Zavety. Ces romanciers cherchent à réconcilier le réel et l'imaginaire, le rêve et le document objectif ; ils réactivent la veine « fantastique » de la littérature russe sans pour autant renier l'héritage réaliste.

DE LA RÉVOLUTION AU RÉALISME SOCIALISTE

Que la révolution l'ait favorisée ou qu'elle y ait mis un terme, selon le point de vue que l'on adopte, les lettres russes connaissent dans les années 1920 une période de fermentation exceptionnelle, marquée par l'apparition, aux bordures du futurisme qui devient le courant dominant, d'un ensemble de nouveaux mouvements ou écoles littéraires.

LA MULTIPLICATION DES COURANTS POÉTIQUES

Des poètes, qu'ils soient directement liés au mouvement bolchevique, comme Maïakovski (Mystère-Bouffe) ou Demian Biedny (1883-1945), ou qu'ils voient dans la révolution d'Octobre un phénomène de nature eschatologique, comme Brioussov, Blok (les Douze) ou Essénine (la Colombe du Jourdain), en saluant dès 1918 le naufrage du vieux monde, se font les annonciateurs d'une première floraison littéraire. Certains autres, qui forment le groupe des « Scythes », en référence au passé « barbare », « asiatique » de la Russie, font de la révolution une lecture symbolique, souvent apocalyptique ou organique. Le Proletkult est, à la différence du futurisme avec lequel il partage un rejet inconditionnel de la tradition, un mouvement directement issu de la révolution. Fondé dès septembre 1917, il essaima à travers la Russie, compta jusqu'à 400 000 membres et publia 20 périodiques. Ses idéologues (Bogdanov, Lebedev-Polianski, Pletnev) prétendent, en totale rupture avec le patrimoine et l'art d'autres classes, fonder une culture prolétarienne. De fait, ce mouvement favorise l'émergence du nombreux poètes d'extraction ouvrière ou paysanne, comme Kirillov (1890-1943), Kazine (1898-1981), Gastiev (1882-1941), Aleksandrovski (1897-1934), Guerassimov (1889-1939), Obradovitch (1892-1956). Le futurisme reste pourtant la référence dominante, offrant à cette période de bouleversements une forme d'expression particulièrement adaptée ; son goût de l'expérimentation linguistique inspire les recherches de la critique formaliste, qui se structure à cette période. Le futurisme a aussi ses opposants, comme les imaginistes (Mariengov, Cherchéniévitch, Ivniev) ou les poètes-paysans (Essénine, Kliouev). Un peu en marge, les membres de l'OBERIOU développent une littérature de l'absurde.

LA PROSE, DE LA RÉVOLUTION AU RÉALISME SOCIALISTE

La révolution et la guerre civile constituent une source d'inspiration essentielle tout au long des années 1920. Les grands prosateurs du début du siècle, Babel, Pilniak ou V. Ivanov sont sensibles à sa spontanéité ; ils en offrent une vision épique, organique. Boulgakov, l'un des rares (avec Fedine et A. Tolstoï) à décrire le point de vue des blancs, en propose une lecture apocalyptique. Bientôt, ces écrivains seront considérés comme indésirables par le régime soviétique, et leur nom disparaît progressivement. C'est le cas aussi de Platonov, dont les réticences envers le nouveau régime s'expriment en des romans allégoriques. Parmi les anciens « frères de Sérapion », mouvement de prose « ornementale » donc apolitique, Kaverine, Kataïev ou Fedine donnent des romans qui révèlent les dysfonctionnements de la nouvelle société. Olecha et Leonov peignent l'homme nouveau sous un jour extrêmement ambigu. Enfin, le courant satirique connaît, en particulier avec la NEP, un essor prodigieux, qui voit naître les romans d'Ilf et de Pétrov, les récits de Zochtchenko ou de Zamiatine. Parallèlement, des écrivains comme Fadeïev, Cholokhov, Lidia Seïfoulina (1889-1954), Dmitri Fourmanov (1891-1926) écrivent au contraire à la gloire de l'Armée rouge et du parti bolchevique des romans dont l'authenticité n'est pas encore étouffée par le dogmatisme du réalisme socialiste. En effet, si la politique de la NEP impliquait un relâchement du sectarisme idéologique, permettant ainsi l'expression – dans certaines limites – de points de vue contradictoires, l'organisation, en 1934, de l'Union des écrivains et l'instauration du réalisme socialiste, accompagnées de « purges » et de persécutions pour les écrivains jugés « déviants », mettent fin à toute forme de liberté créatrice.

LA LITTÉRATURE POUR LA JEUNESSE

La fonction didactique assignée par le régime soviétique à la littérature était évidemment centrale dans la littérature de jeunesse, dont Makarenko donne les orientations avec son Poème pédagogique (1933-1935). Cependant, à côté d'œuvres au contenu édifiant (romans de N. Ostrovski, de A. Gaïdar), il exista bel et bien un mouvement novateur, en particulier en poésie. Samouïl Marchak (1887-1964), tant par sa création que par son activité éditoriale, en fut l'initiateur. Ses propres textes prennent des sujets simples, souvent tirés de la vie quotidienne (un distrait qui prend le train et arrive dans sa propre ville), traités avec humour, dans un style laconique, sur un rythme très marqué. Sans didactisme abusif, il s'attache à transmettre des valeurs comme le refus du racisme (Mister Twister, 1933). Un des autres pionniers de la littérature enfantine fut Korneï Tchoukovski (1882-1969), le père du fameux Docteur Aïbolit (« Aïe, ça fait mal », 1929) : à travers des intrigues souvent fantastiques, en vers, l'auteur présente, en conteur et non en moralisateur, le triomphe du bien sur le mal. La poésie expérimentale trouva dans l'écriture pour enfants un terrain propice : elle intéressa les membres de l'OBERIOU, Evgueni Chvarts (1896-1958) en particulier, dont le goût pour le non-sens et l'absurde s'exprimait dans des pièces de théâtre destinées au jeune public (le Roi nu, 1934 ; le Dragon, 1944), mais aussi D. Kharms ou Alexandre Vvedienski (1904-1941).

LA LITTÉRATURE DE L'ÉMIGRATION

Historiquement, la défaite de l'armée blanche sonne le début de l'émigration. Certains choisissent volontairement l'exil, d'autres sont expulsés (1922). Avec l'arrivée au pouvoir de Staline, l'exil n'est plus accordé qu'avec parcimonie ; Zamiatine, en 1932, est le dernier à pouvoir quitter la Russie. Parmi les exilés de la « première vague », certains retourneront en U.R.S.S., comme Gorki, A. Tolstoï ou Ehrenbourg, qui y trouveront la consécration officielle ; Tsvetaïeva y connaîtra une mort misérable. La « première vague » s'organise autour de 1925 ; il faudra attendre la « seconde vague », celle qui fait suite à la Seconde Guerre mondiale, pour voir se renouveler le milieu de l'émigration russe. Le centre de l'émigration russe dans l'entre deux-guerres, après avoir été Berlin au début des années 1920, devient Paris ; Put', revue éditée par Berdiaïev, joue un grand rôle dans la cohésion de ce milieu. Parmi les grands noms de la poésie russe d'alors, beaucoup, comme Balmont, Z. Hipius, Merejkovski, Ivanov, poursuivent leur œuvre en exil. Pour Khodassevitch, Tsvetaïeva ou Georgy Ivanov (1894-1958), l'émigration coïncide avec un épanouissement créatif. Apparaissent aussi tout un groupe de jeunes poètes, dont le critique Georgi Adamovitch (1884-1972) est en quelque sorte le chef de file. Boris Poplavski (1903-1935), qui ne publie qu'un seul volume de son vivant (Étendards, 1931), est peut-être le plus remarquable d'entre eux ; avec Anatoly Shteiger (1907-1944) ou Lydia Chervinskaïa, ils représentent le « courant parisien » de la poésie russe. Pour la prose, l'émigration est dominée par les figures de Bounine et de Nabokov, et par le succès de Nina Berberova. Bounine est déjà un écrivain reconnu lorsqu'il quitte la Russie ; Nabokov écrit le versant russe de son œuvre à Cambridge, à Berlin et à Paris, de 1919 à 1940. Si un écrivain comme Kouprine ne livre plus que des souvenirs nostalgiques, Zaïtsev, Aldanov ou Mikhaïl Ossorguine (1878-1942) et Nadejda Teffi (1872-1952) se révèlent pendant leur exil. On voit aussi apparaître de nouveaux talents : Berberova (1901-1993), Gaïto Gazdanov (1903-1971), Iouri Felzen (1895-1943).

DE L'ÈRE STALINIENNE À LA PERESTROÏKA

Le destin de ceux qui restent est souvent tragique : Goumiliov est fusillé, Blok et Khlebnikov meurent d'épuisement, Akhmatova souffre dans sa chair (son fils est exilé à plusieurs reprises), Boulgakov est réduit à la misère. Mandelstam meurt en Sibérie. À partir des années 1930, le grand gel stalinien règne sur les lettres russes. À quelques exceptions près, les œuvres de valeur ont été écrites « pour le tiroir », sans espoir de publication, par des écrivains qui continuent à voir dans la liberté la condition nécessaire de la création, à l'instar de Boulgakov dans le Maître et Marguerite ou de Pasternak dans le Docteur Jivago.

L'ÉDIFICATION DU SOCIALISME

En prose, des écrivains comme Leonov, Ehrenbourg, Fadeïev ou Cholokhov acceptent de mettre leur plume au service de la construction de la société socialiste ; ils donnent d'indigestes romans de production. Seuls Kataïev et Pilniak parviennent, à l'intérieur de ce genre obligé, à faire œuvre originale. L'approche de la guerre conduit les écrivains soviétiques à se tourner vers le roman historique, inauguré dans les années 1920 par Olga Forch (1873-1961). A. Tolstoï ou Alexeï Chapyguine (1870-1937) font revivre les grandes figures de l'histoire russe pour exalter le sentiment national. Le conflit mondial donne lieu, là encore, à des œuvres extrêmement convenues, exaltant l'héroïsme de l'Armée russe unie derrière son Guide. Vera Panova (1905-1973) ou Nekrassov sont parmi les seuls à donner du combat une description à échelle humaine. Vie et Destin, de Grossmann, peut-être le meilleur roman consacré au conflit n'est écrit que plus tard et refusé à la publication. La poésie se montre plus imaginative : Alexandre Prokofief (1900-1971) et Simonov reviennent à un lyrisme intime ; Tvardovski consacre ses vers au sort des plus humbles. La guerre a favorisé un bref relâchement de la dictature stalinienne : les intellectuels qui ont participé au combat pensent avoir conquis le droit de reprendre leur place dans la société, et la censure se relâche quelque peu. Mais, très vite, Jdanov met un terme à cette brève éclaircie (affaire des revues Leningrad et Zvezda). À l'aube de la guerre froide, la règle est « l'absence de conflit », qui exclut par définition toute parole vraie sur la réalité soviétique, présentée comme une société parfaite. L'idéalisation constitue un devoir de l'écrivain. Semion Babaïevski (né en 1909), Mikhaïl Boubiennov (1909-1983), Vassili Ajaïev (1915-1968) comptent parmi les écrivains les plus représentatifs de cette littérature.

LES DÉGELS

À la mort de Staline, le climat – social et littéraire – évolue vers une libéralisation ; le monde des lettres connaît une alternance de « dégels » et de durcissements. De 1953 à 1966, date du procès Daniel-Siniavski, l'emprise de l'Union des écrivains se relâche. On assiste à la publication d'auteurs des années 1920 et 1930 jusqu'alors interdits (Boulgakov, Platonov...), d'écrivains étrangers, et l'on voit apparaître des noms nouveaux, qui tous ont en commun un rejet de la falsification imposée par le réalisme socialiste. L'individu, avec sa complexité, sa personnalité, retrouve droit de cité en littérature. Le succès de jeunes poètes comme Voznessenski, Evtouchenko, Akhmadoulina, qui reviennent à un lyrisme intime tout en portant un regard critique sur la société et l'histoire soviétiques, est comparable à celui que rencontrent les chanteurs de rock en Occident à cette même période. Des poètes « officiels » de la période stalinienne suivent ce mouvement de dénonciation du stalinisme : Semion Kirsanov (1906-1972), Pavel Antokolski (1896-1978), Leonid Martynov (1905-1980), Tvardovski. La génération de ceux qui ont eu 20 ans pendant le conflit mondial revient sur l'expérience des combats avec une sincérité qu'autorise le relâchement du carcan idéologique dans les lettres : Evguéni Vinokourov (1925-1993), Boris Sloutski (1919-1986), Naoum Korjavin (né en 1925), David Samoïlov (1920-1990) publient leurs premiers recueils. En prose aussi, le retour à plus d'authenticité dans le regard porté sur la guerre joue un rôle important, et inspire les premiers romans de Grigori Baklanov (né en 1923), Iouri Bondarev (né en 1924), Vassili Bykov (né en 1929), Voïnovitch. C'est à cette époque aussi qu'apparaît la « littérature du goulag », dominée par l'œuvre de Soljenistyne, dont la stature ne doit pas faire oublier les témoignages d'Evguénia Guinzbourg (1906-1977), Vladimov, Chalamov, Dombrovski. Le retour sur l'histoire récente se fait aussi par le biais de l'autobiographie comme celle d'Ehrenbourg (les Années et les Hommes, 1961-1965). De manière significative, le conflit générationnel – qui jusqu'alors « n'existait pas » dans une société qui excluait par définition le conflit – est souvent au centre des romans de « la jeune prose » (Axionov, Gladilin) ; Maximov, Trivonov manifestent un intérêt – nouveau dans la littérature soviétique – pour les détails de la vie quotidienne. Un pan extrêmement important de la littérature du dégel se consacre au monde des « villages », dont la « prose rurale » (Soljenitsyne, Astafiev, Choukchine, Abramov, Raspoutine, Zalyguine, etc.) dit les évolutions et les permanences, sans passer sous silence les excès de la collectivisation, du bureaucratisme ou de la rationalisation de l'agriculture.

LA DISSIDENCE

Lorsque l'étau idéologique se resserre à nouveau, les œuvres de dénonciation commencent à circuler « sous le manteau », en samizdat (diffusion clandestine, avec les moyens du bord) ou en tamizdat (édition à l'étranger). Malgré l'étroit contrôle qui pèse sur la vie littéraire des années 1970, le mouvement contestataire reste actif ; une nouvelle génération d'émigrés (Soljenitsyne, Brodski, Siniavski, pour citer les plus grands) rejoint en Europe et aux États-Unis les vagues précédentes, mais portent sur l'exil un regard tout à fait différent : il est conçu par eux comme une période transitoire, et il ne s'agit pas tant de préserver une tradition culturelle, de la recréer par une transplantation, que de retrouver la latitude d'action nécessaire pour faire évoluer la situation en U.R.S.S. Les revues de l'émigration, comme Syntaxis, publiée à Paris, sont diffusées clandestinement en Union soviétique. Au sein du pays, les écrivains du dégel continuent leur travail d'exhumation ; les « bardes », ou auteurs-compositeurs, comme Vladimir Vyssotski (1938-1980) ou Alexandre Galitch (1918-1977), prennent le relais des poètes des années 1960. On voit se développer une culture « du magnétophone », rendue possible par l'ancrage profond de la culture orale dans la littérature russe. Bitov, Alechkovski, Sergeï Dovlatov (1941-1990) ou Venedikt Erofeïev (1938-1990) offrent un tableau terrifiant de la société russe, tout en renouant avec la recherche de formes d'expression nouvelles pour le roman.

LA PERESTROÏKA

Au tout début de la perestroïka, trois romans marquent un élargissement dans les limites de la censure : Triste Polar (1986) d'Astafiev, l'Incendie (1985) de Raspoutine et les Rêves de louve (1986) d'Aïtmatov. L'allègement de la censure donne une nouvelle vie aux revues littéraires, au premier rang desquelles Novyï mir, Znamia, Droujba narodov, Oktiabr luttent pour imposer des auteurs oubliés ou censurés. L'axe principal de la littérature va devenir pendant plusieurs années la publication d'œuvres de plus en plus critiques à l'égard du stalinisme, puis du système socialiste en général, dues à des écrivains ayant vécu à différentes époques de l'histoire soviétique. Platonov, Boulgakov, Grossman sont enfin publiés sans coupures. La dénonciation des crimes de l'époque soviétique atteint son apogée en 1989 avec la publication des œuvres de Soljenitsyne. Cependant, c'est le roman les Enfants de l'Arbat (1987) de Rybakov qui a remporté le plus grand succès populaire de cette période. L'Union soviétique redécouvre également toute la littérature russe émigrée ; d'abord l'ancienne génération (notamment Nabokov) puis les émigrés récents (Siniavski, Aksionov, Maksimov, Soljenitsyne). Les penseurs occultés depuis des décennies comme les philosophes religieux du début du siècle, Berdiaev, Chestov,  Boulgakov, sont publiés, lus, discutés.

Dans toute cette activité de redécouverte, les nouveaux noms passent plus ou moins inaperçus. Il faut noter cependant l'apparition d'auteurs « noirs » décrivant un monde sans espoir ni lumière, comme Petrouchevskaïa ou Sergeï Kaledine (né en 1949).

LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Avec la chute de l'U.R.S.S., la littérature russe est entrée dans une phase « post-moderne ». Ses sources remontent à l'underground, poétique essentiellement, des années 1970, la génération des « conceptualistes ». D. Prigov, V. Eremenko, A. Parchtchikov, L. Rubinstein cherchent un « degré zéro » de l'écriture poétique, ouvrant sur la vacuité du réel. Les recherches sur le langage (marquées par un intérêt renouvelé pour les expérimentations de Khlebnikov ou de Karms) et les jeux parodiques sont essentiels dans la formation du postmodernisme. Parmi les écrivains les plus représentatifs de ce courant, on peut citer, pour la prose, A. Siniavski, V. Sorokin ou V. Pelevine. Ce courant, pris dans un sens assez large, génère depuis plus de deux décennies en poésie (Aïgui, Brodski, S. Gandlievski, K. Kedrov, I. Kholin, T. Kibirov, V. Krivouline, E. Rein, G. Sapguir, O. Sedakova, E. Shvarts, V. Sosnora) comme en prose (Aksyonov, P. Alechkovsky, Iou. Alechkovsky, A. Bitov, Iou. Buida, S. Dovlatov, Venedikt Erofeïev, Viktor Erofeïev, M. Fedotov, A. Kabakov, M. Kharitonov, A. Kim, E. Limonov, V. Makanine, I. Mamleïev, V. Maramzine, V. Narbikova, E. Popov, N. Sadour, V. Sharkov, T. Tolstaïa) des œuvres très inégales, et parfois uniformes, mais qui témoignent d'une activité créatrice soutenue.

miercuri, 16 septembrie 2020

Un rus : VLADIMIR SOROKIN (n.1955, Moscova -)

 

Vladimir Sorokin, Ziua opricinicului, Curtea veche, 2008, 200 p.

Suntem cititori harsiti: citim fictiuni de amar de vreme, stim cate ceva despre tehnicile de metaforizare, l'horreur sympathique ne e familiara, prin urmare  nu cadem cu una cu doua prada confuziei de planuri. Nu ne speriem usor. 

Dar cartea asta a rusului Sorokin, m-a ...destabilizat total. Am aruncat-o din mana de cateva ori. Am avut senzatia ca ating o limita...dupa care am simtit ca insasi notiunea de limita nu mai are sens. O satira atroce, de o ferocitate egala cu cea a opricinicilor, de ieri si de azi. O ferocitate dispusa sa foloseasca si formele virulent patologice ale imaginarului, la nevoie, si oroarea transgresiva, si monstruozitatea impinsa la extrem. Dinte pentru dinte!

Nu iesi intreg dupa contactul cu aceasta carte. Si totusi, e vorba de literatura si de o exorcizare legitima
Dar un avertisment e necesar: Âmes sensibles s'abstenir!   (I.M.)

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Descriere
Rusia anului 2027. Problema renaşterii Rusiei este din nou pusă pe tapet. Monarhia a preluat frâiele puterii şi a declarat oficial că principiile sale călăuzitoare sunt autodeterminarea, ortodoxia şi tradiţia. Paşapoartele au fost deja de multă vreme arse în Piaţa Roşie şi toţi diplomaţii străini au fost expulzaţi. Ţara este încercuită de „Marele Zid“ rusesc şi izolată de restul lumii…
Fără ornamente stilistice, precis, rece, calculat, violent până la cruzime, cel mai recent roman al nonconformistului Vladimir Sorokin descrie o Rusie proiectată în viitor, dar cu trimiteri caustice inconfundabile la realităţile Rusiei actuale.
Opricinicii lui Ivan cel Groaznic, acea „poliţie secretă“ a arhanghelilor ţarului creată pentru a-l sluji, continuă să bântuie istoria Rusiei şi să îl servească pe Conducătorul suprem, indiferent de secol. Între 1565 — anul creării opricinei de către ţar — şi 2027 sau chiar 2007, diferenţele par să fie practic inexistente.
O satiră politică acerbă, o antiutopie ce a dezlănţuit dezbateri şi polemici aprinse în cercurile literare şi politice din Rusia, dar şi în presa occidentală.
„Noi trăim într-o societate construită de Ivan cel Groaznic“, declară Sorokin într-un interviu, „iar cartea aceasta vorbeşte, fireşte, despre contemporaneitate şi despre Moscova ca stat în stat“.

Media
Acțiunea din Ziua opricinicului are loc în Rusia anului 2028, iar toatã povestea se desfãșoarã de-a lungul unei singure zile, motiv pentru care unii critici au comparat cartea cu O zi din viața lui Ivan Denisovici, de Alexandr Soljenitîn. Doar cã, spre deosebire de Soljenițîn, Vladimir Sorokin (n. 1955) mizeazã pe satirã și parodie, iar romanul se citește aproape ca un fel de poem distopic, intens și foarte violent.

Recenzii și comentarii

O zi din viata opricinicului Nota 10
de Anonim | 24/02/2013 20:24

Ca si contemporanul sau Victor Pelevin, Vladimir Sorokin e consecvent in idei, critica si cadrul romanelor sale: Rusia intr-un viitor apropiat. Actiunea romanului "Ziua opricinicului" e plasata in anul 2027 si cand te gandesti ca nu mai e mult pana atunci, incepi sa-ti pui intrebari despre previziunile si imaginatia lui Sorokin. Cum arata Rusia viitorului? Ei bine, Imperiul Rusesc este reformat, conducerea este in mana unui monarh cu puteri divine, se restaureaza pedepsele corporale si tortura, iar elitele se drogheaza cu pesti modificati genetic care au efecte halucinogene, iar cel mai temut om din tara este opricinicul. Si avem nevoie doar de o singura zi din viata opricinicului pentru a vedea de ce e in stare si ce ne poate rezerva viitorul. Opricinicul apare ca nemuritor: poate manca oricat, bea oricant, consuma oricate droguri; el se tine pe picioare si e intr-o continua cautare de alte aventuri.

Sex, drugs and Mother Russia. Şi slavă Domnului. 
Nota 10
de Anonim | 08/11/2012 14:03
Violenţa e ruptă din cer, surogat  uman pentru puterea divină, iar cînd aceasta susţine puterea unui guvern, vorbim de un sistem totalitar. Până la urmă, religia şi totalitarismul nu se opun una celeilalte, ci, cum arăta Berdiaev, vorbind despre comunismul în Rusia, ultima se foloseşte de aceleaşi mecanisme, de la credinţa într-o figură patriarhală (a.k.a. Conducătorul) până la fanatism. Iar toate aceste lucruri se găsesc din plin în cartea scrisa de Vladimir Sorokin, reprezentant al “postmodernismului rus” (aşa scrie pe ultima copertă) şi tradusă la Curtea Veche, Ziua opricinicului.

Opricinicii erau poliţia secretă a ţarului Ivan cel Groaznic şi care se ocupau de mătrăşirea stolbovoilor (echivalentul boierilor din Ţara Românească) care erau împotriva politicii sale. Antiutopică/ distopică şi satirică, Ziua opricinicului ilustrează preeminenţa moştenirilor trecutului asupra unei Moscove din contemporaneitate, deşi instanţiate în roman într-un viitor nu prea îndepărtat,  2027.

Dinamică şi ocupîndu-se de o temă politică bine cunoscută ruşilor, mai puţin cunoscută nouă, deşi "Rusia lui Putin" se găseşte şi ea în librăriile noastre, scrisă de o ziaristă asasinată (într-un lift) – Anna Poltikovskaia -, satira lui Sorokin a aprins ample dezbateri în cercurile literare şi politice din Rusia şi din străinătate. Folosindu-se de o frază atent construită, limpede, îmbibată în realitatea care creează desfăşurarea narativă, ironie implicită la adresa despotismului “luminat”  rusesc, autorul reuşeşte să se deghizeze in personajul principal, Komiaga.
E un roman cu o Rusie ortodoxă şi înconjurată de Marele Zid rusesc, care politizează intonaţia religioasă, dînd naştere unui Dumnezeu care se găseşte din nou în cetate (politică, din gr. polis-cetate, teos-Zeu) dînd cu bîta în intelectuali, în jurnalişti şi în cei care înjură, dar iartă violurile „alor săi” şi homosexualitatea “ateniană” din cadrul opricinei; condimentat punctual cu exprimări care prin repetare devin ritualice în momentele de violenţă şi de narcomanie, parcă rîzînd de rolul lor  în  religios, deşi marchează mai degrabă disoluţia acestuia în nămolul totalitarismului, acestea sunt cadrele  care ironizează dar şi îngrijorează pe cititorul care ţine morţiş să citească într-o ficţune realitatea.

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Journée d'un opritchnik, L'Olivier, coll. « Littérature étrangère », 2008 (ru) День опричника, 2006), trad. Bernard Kreise, 252 p. 

RÉSUMÉ
Moscou, 2028. Une oligarchie sanguinaire exerce sur la Russie un contrôle totalitaire absolu. Équipés désormais de moyens technologiques ultra-sophistiqués, les nouveaux maîtres - des opritchniks à l'image des gardes d'Ivan le Terrible connus pour leur sadisme - plongent le pays dans un sanglant féodalisme.

Parmi eux, Komiaga, dont Sorokine déroule ici une journée ordinaire, rythmée par ses missions (liquidation d'un aristocrate, détournement de fonds à la frontière chinoise, enquête sur un poème calomniant le gendre du souverain.) et ses rituels, alternant séances de prières et orgies.

« En Occident, être écrivain est une profession, chez nous, c'est un travail de sape : l'écrivain sape les fondements de l'État. » Dans le contexte actuel, ce roman brillant et impitoyable constitue une véritable provocation vis-à-vis du nouveau tsar : on est saisi par la vision de ce qui pourrait être un KGB nouvelle manière, moralisateur et pervers, composé d'assassins qui se réfèrent au christianisme.

AVIS DE LA FNAC
Entre le farceur Gogol et le visionnaire Orwell, voici Vladimir Sorokine, l'un des auteurs les plus en disgrâce de la Russie contemporaine. Pourquoi ? Ouvrez Journée d'un opritchnik et vous comprendrez.

Un opritchnik, cela désigne historiquement les membres de la cruelle garde rapprochée d'Ivan le Terrible - des êtres sans foi ni loi qui faisaient régner la terreur sur la population. Dans ce roman, cela désigne, en 2028, les sbires d'un pouvoir totalitaire défendus becs et ongles grâce à d'impressionnants moyens technologiques et à une foi inébranlable en Christ.

Komiaga, opritchnik complètement allumé et prototype du Kgbiste du futur, sera ici notre guide.

Un livre explosif.
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  CRITIQUES SUR JOURNÉE D'UN OPRITCHNIK (9) Babelio
Classer par :   Date   Les plus appréciées    
Note (8)
colimasson   01 avril 2013
★★★★★
★★★★★
L'opritchnina d'Ivan le Terrible, milice spéciale représentée sous les signes du chien (celui qui attrape les traîtres) et du balai (celui qui les nettoie pour laisser table rase), symbole de la « Sainte Russie orthodoxe » du 16e siècle, ressuscite cinq siècles plus tard, en 2028, à cause de Vladimir Sorokine.

Vladimir Sorokine a dit : « En Occident, être écrivain est une profession, chez nous, c'est un travail de sape : l'écrivain sape les fondements de l'Etat ». En tant qu'écrivain, on comprendra donc que rien de ce qu'il n'écrit n'est anodin. Quel intérêt aurait-il eu à évoquer cette vieille milice disparue de l'opritchnina si, justement, elle n'avait pas disparu ? si, au contraire, elle n'était pas restée intacte, se contentant seulement de changer de nom, de changer de forme ? Ce n'est un secret pour aucun lecteur : en décrivant la journée d'un opritchnik, Vladimir Sorokine prétend à peine s'emparer de la forme fictionnelle pour nous décrire la Russie politique d'aujourd'hui, à deux ou trois métaphores près.

Vingt-quatre heures, ni plus, ni moins, et nous suivons les tribulations de Komiaga, opritchnik plutôt haut gradé, bien qu'il reste encore sous les ordres du Patron, lui-même dirigé par le Souverain. Au-dessus, bien sûr, Dieu le Saint orthodoxe. Parmi ses aventures, le trivial et le vital alternent sans cesse : entre les orgies de bonne chère/chair, d'alcool et de serpelets, entre les heures de détente passées au sauna et les visites à l'opulente et magistrale souveraine, viennent s'intercaler de tristes affaires d'Etat qu'il vaut mieux régler le plus rapidement possible à coups de perceuses, de lasers et autres moyens que le sadisme technologique rend plus redoutables qu'au siècle d'Ivan le Terrible.

Beaucoup moins dense que cet autre texte de Vladimir Sorokine, le Lard bleu, la journée d'un opritchnik semble n'en être qu'un extrait ayant subi une légère variation. Lorsque le premier ajoutait à la description viciée d'une hiérarchie politique totalitaire, une intrigue tordue donnant à réfléchir sur de nombreux aspects culturels, le second se contente de lui-même. Sans but, cette journée vouée à la répétition éternelle pourrait revêtir les aspects de l'absurdité, si ce n'est qu'au sein de l'opritchnina, aucune journée ne se ressemble.

Moins d'emphase, moins de délires, moins de crimes, mais encore beaucoup de débauche et de violence : entre le trop et le pas assez, cette journée d'un opritchnik échoue à donner une représentation convaincante du travail de sape recherché par Vladimir Sorokine. L'excès donne naissance à une caricature dont l'écrivain serait le bouffon-créateur, voltigeant sans se laisser capturer par toute une hiérarchie qu'il dénonce. Même si les intentions de Vladimir Sorokine sont louables et tout à fait compréhensibles, Journée d'un opritchnik est un texte décevant pour qui aurait lu son Lard bleu. Léger, bien trop léger, il nous abandonne comme Komiaga lorsqu'il se réveille chaque matin, après une nuit de cuites, la mémoire totalement vierge des méfaits de cette nouvelle opritchnina.
Aaliz   09 décembre 2012
★★★★★
★★★★★
Dans Journée d'un opritchnik, Vladimir Sorokine, enfant terrible de la littérature russe, imagine, dans un récit violent, halluciné et obscène, ce que pourrait être la Russie en 2028.
Près cette lecture, on comprend mieux l'origine des déboires qu'a pu avoir l'auteur avec le pouvoir russe actuel. Sous couvert d'accusions et de procès pour pornographie, ses livres ont provoqué des manifestations de la jeunesse poutinienne qui, pour l'occasion, avaient construit des WC géants afin de mieux y jeter les ouvrages de l'auteur détesté.
Pornographe Sorokine ? Hum … peut-être faut-il y voir autre chose …

Journée d'un opritchnik est un roman original qui s'appuie à la fois sur l'Histoire de la Russie mais aussi sur la science-fiction dans le but de critiquer le pouvoir en place.
Sorokine décrit un hypothétique futur de son pays et probablement celui qu'il craint de voir devenir réalité, un hypothétique futur construit sur un mélange de résurgences du passé et d'éléments futuristes. Ainsi, la technologie et les infrastructures sont celles qu'on pourrait trouver dans un roman de SF ordinaire mais tout ce qui décrit le mode de vie et les institutions politiques et sociales sont fortement inspirées de ce que la Russie a déjà connu.

En 2028, la Russie est dirigée par un Souverain tout puissant à l'image de l'époque tsariste. Son épouse ressemble étrangement à la grande Catherine qui consulte régulièrement une prophétesse. le Souverain dispose pour l'aider dans sa politique d'une arme redoutable : l'opritchnina, fille de celle qu'avait créée Ivan le terrible. L'opritchnina est une police politique qu'Ivan avait utilisée pour réduire les dissidents et dont il avait fini par perdre le contrôle. Cette forme de police politique en rappelle également une autre créée pour les mêmes raisons sous l'époque soviétique.

Sorokine nous invite donc à suivre le quotidien d'un membre de l'opritchnina. Incendies, viols, exécutions, corruption, flagellations publiques, orgies et débauches sexuelles s'enchaînent au cours de cette journée qui fait froid dans le dos. On est plongé dans une Russie où règnent la violence, la corruption, la restriction des libertés. Une Russie nationaliste qui se protège des occidentaux décadents par une Grande muraille et utilise la religion de façon extrême à des fins de cohésion sociale. Une Russie où le Kremlin et la place Rouge ont été repeints en blanc et où le mausolée de Lénine a été enfin rasé. ( une question qui revient régulièrement dans l'actualité politique russe actuelle).

Dans ce monde de 2028, la Chine est toute puissante et est le centre de production mondiale. Tous les produits alimentaires ou autres sont chinois. Une immense route à plusieurs voies et plusieurs niveaux relie la Chine à l'Europe permettant aux douaniers russes de se servir en taxes au passage.
Voilà ce qui est effrayant dans ce roman, c'est qu'on n'est pas très loin du possible car Sorokine intègre des éléments du passé, donc déjà vécus et susceptibles de se reproduire, et des éléments qui sont d'actualité.

L'opritchnik que le lecteur accompagne tout au long de cette journée cauchemardesque est un être froid dénué de sentiments et qui est complètement endoctriné. Imaginez un Rudolf Hoess psychopathe et vous avez une idée du personnage.
Le style de l'auteur n'est pas très facile dans ce roman car il imagine le langage que pourrait avoir cet opritchnik avec utilisation de vocabulaire spécialisé propre à son époque et sa profession. Ce qui rend certains passages difficilement compréhensibles dans les détails mais qui, en même temps, rend totalement réelle l'immersion du lecteur dans cet autre univers. le langage est cinglant, chargé de haine.

Certaines scènes sont vraiment dures et immorales, de quoi crier « Au fou ! ». Je me suis demandée parfois si j'étais en train d'assister à un délire halluciné de l'auteur ou s'il était délibérément provocateur.
Une chose est sûre, Sorokine ne fait pas dans la dentelle. C'est un portrait affreusement pessimiste de l'avenir de la Russie qu'il nous brosse.
Ce roman est une claque monumentale à ne pas mettre entre des mains sensibles.

Un petit extrait :

« Et toutes les maisons derrière leurs palissades sont robustes, toutes sont gardées par des créatures séditieuses, des salopes capricieuses nées dans le péché, condamnées à être châtiées. Les marmites de l'Etat bouillonnent. Remplies de graisse, de graisse, de la graisse de ceux qui reposent en Dieu, et elle dégoutte et coule dans l'air glacial. La graisse humaine, chauffée, qui déborde d'une marmite en fonte remplie à ras bord, et elle déborde, déborde, déborde. Un torrent de graisse s'écoule sans interruption. Elle se fige dans le froid cruel. Telle une perle. Elle se fige, se fige, se fige comme une belle sculpture. Une sculpture magnifique. Merveilleuse. Incomparable. Sublime. Exquise. La beauté d'une sculpture de graisse est divine, indescriptible. Une graisse d'un rose nacré, tendre, frais. »

Lien : HTTP://BOOKSANDFRUITS.OVER-B..
BVIALLET   29 mars 2012
★★★★★
★★★★★
Dans un futur relativement proche, la Russie éternelle a renoué avec son passé. Elle est retombée sous le joug d'une monarchie absolue de droit divin. le Prince exerce un pouvoir totalitaire sur l'ensemble de l'Empire par l'intermédiaire de son bras armé, l'opritchnina, sorte de police secrète dotée des pleins pouvoirs et persuadée d'oeuvrer pour le bien et l'édification du peuple. Un peu à la manière de Soljénitsine avec son zek Denissovitch, Sorokine se contente de nous raconter une journée ordinaire du « nettoyeur » Komiaga que l'on suit en train de liquider sauvagement un aristocrate en disgrâce, de torturer sauvagement sa femme, de brûler ses biens puis de prêter la main à des détournements de fonds à la frontière chinoise avant d'enquêter sur un dissident auteur d'un poème mettant en cause le gendre du Souverain…
Les activités mafieuses, la violence, le vice de cette bande de loups font froid dans le dos. On sait que le trait est outré, mais qu'au fond une large part de tout cela est vraie. Une fois de plus, dans la « sainte » Russie tout est permis pour assoir une idéologie et liquider les opposants. En ressuscitant une milice qui exista réellement sous Ivan le Terrible, Sorokine imagine ce que pourrait être un pouvoir qui bénéficierait de la puissance et de la logistique du KGB, des technologies les plus modernes et les plus répressives et tout cela au nom d'une foi orthodoxe pervertie dans une sorte d'Inquisition puissance X ! Roman brillant et impitoyable dont il n'est pas facile de ressortir sans avoir récolté quelques éclaboussures au passage. La condition humaine nous apparaît dans toute sa triste horreur. le style alerte rend ce livre facile à lire bien que l'on se prenne de temps en temps à penser que l'auteur a vraiment pris un malin plaisir à accumuler une telle quantité de monstruosités et de perversions sur si peu de temps… Diabolique !
Lien : HTTP://WWW.ETPOURQUOIDONC.FR/

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Bookinista   07 mars 2012
★★★★★
★★★★★
Bon livre, mais pas aussi bien que La Glace...
Le quotidien d'une milice spéciale, dont les membres sont des assassins, des pervers, des orgiaques... qui règnent sur Moscou en 2028. L'opritchina nous renvoit à Ivan le Terrible, et l'on constate que dans cette Russie de 2028, la vie est effroyable, tout est sous le joug d'une sorte de nouveau KGB, commandé par un tsar sanguinaire et sans plus aucune trace d'un Etat de droit.
Ulta-violent, ultra-inquiétant, ultra-lucide ? Et toujours la "dystopie"...
Voir : http://coquelicoquillages.blogspot.com/2012/03/vladimir-sorokine-la-glace-opritchinik.html
Lien : HTTP://COQUELICOQUILLAGES.BL..

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lucky44   10 avril 2010
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une terrible vision moderne de ce que pourrait être le retour de opritchina , la milice sauvage de la garde personnelle du Souverain, "les chiens du Tsar".Toujours chez Sorokine une façon aussi âpre et sans détours pour dénoncer le totalitarisme.(Je conseille de découvrir le film de Pavel Lounguine "Tsar" dans lequelle on découvre les exactions et le fanatisme de l'opritchina sous Ivan le Terrible.)

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Bunee   19 juillet 2009
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Si vous vous intéressez un tant soit peu à l'histoire de la Russie, vous connaissez nécessairement, l'Opritchnina, territoire soumis à l'organisation mise en place par Ivan le terrible pour consolider son pouvoir via l'instauration d'une terreur politique implacable: massacres, pillages, règlements de comptes ... Plus d'informations en cliquant sur ce lien

Cet ouvrage projette le lecteur dans une Russie des années 2030, ayant connu une révolution blanche. La grande Russie, orthodoxe, est soumise à une oligarchie totalitaire qui a instauré un KGB d'un nouveau genre, sur un ancien modèle assez fameux - l'opritchnina. La narration est faite par l'un des membres de cette organisation, Komiaga, qui nous présente ses activités professionnelles et personnelles. Epuration de nobles, viols et violences, trafics divers, orgies curieuses, corruption institutionnalisée ... Turpitudes effroyables derrière une façade vertueuse et moralisatrie.

Ici est dressée la caricature à l'extrème d'un régime autoritaire, dénonçant le systeme oppressif et le recours aux purges ... de la fiction? Pas nécessairement...

J'étais un peu décue, je m'attendais à un nouveau Zero et l'infini de Koestler, plus subtil (et par conséquent efficace), moins ouvertement provocateur et mieux écrit. Je n'irai pas jusqu'à affirmer que ce roman est "brillant", mais l'oeuvre reste intéressante à lire.
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Yuean   28 décembre 2016
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Roman-fiction d'un auteur russe contemporain, Journées d'un opritchnik nous propulse dans la vision du monde tel que l'auteur l'imagine à la fin du siècle.

Ainsi, la Russie est redevenue un état quasi-monarchique sous la coupe du clergé orthodoxe, dans lequel le monarque régnant doit se faire respecter des barrons locaux, qu'il fait ou défait au gré d'expéditions punitives violentes. Les meilleurs soldats ont le droit aux meilleurs drogues et il faut avoir sanguinairement mérité ses récompenses militaires. L'Europe est un continent amorphe et exsangue, gangréné par une crise qui n'en finit pas. Quelques poches de guerres intestines permettent aux nations dominantes d'y imposer leurs vues, les Etats affaiblis consacrant la majeure partie de leurs budgets à la Défense et à l'achat de gaz à la Russie. le peuple quant à lui est en pleine déchéance : appauvri, affaibli, il utilise le peu de ressources qu'il lui reste pour acheter des drogues destructrices. Les USA se sont repliés sur le bassin caribéen et à l'intérieur de leurs frontières, occupés à gérer des guerres civiles et des émeutes de quartier quasi permanentes. La Chine, enfin, est décrite comme un partenaire incontournable mais tyrannique et peu fiable, qui a étendu sa présence à travers toute l'Eurasie par le biais d'infrastructures que les Etats voisins n'ont pas eu les moyens de contrer.

Une vision intéressante bien que très décliniste, et en cela en accord avec le discours poutinien officiel. Un récit très cru, violent mettant en scène des militaires d'élite blasés par le sang et le viol qu'ils considèrent comme leur mission quotidienne, où rien des exactions du bataillon du personnage principal n'est épargné au lecteur. Pas mal, mais un peu trop glauque et partisan à mon goût.
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apcalipticart   30 août 2019
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En voici un titre très évocateur, point de surprise dans ce livre, nous allons suivre la journée d'un Opritchnik, enfin la journée, le quotidien plutôt.

La Russie décide de devenir une puissance planétaire en defouraillant tout ce qu'il ne lui plaît pas. l'Europe est aux abois, les autres pays sont entrés aux services de cette nouvelle mafia ultra bien rodée.

Les Opritchniks, c'est cette millice entraînée à tuer, violer et torturer de milles et une façons, tous les ennemis de la nation. Comprendre par là, tout ceux qui ne se plaisent pas dans cette nouvelle dictature royaliste ultra croyante. Un Opritchnik ne réfléchit pas, il exécute des ordres et peu importe la manière dont il les exécutent, l'essentiel, ce sont les résultats.

L'organisation dispose de toutes les clés du pays. Pays qui fait trembler ses détracteurs (l'ancien régime, les rebelles, les administrations, les mafias internes), à gros coups de lance-flammes, d'autodafés et d'exécutions sommaires sur les places publiques.

Il fait bon d'être un Opritchnik, on fait partit d'un clan, d'une famille soudée, on a accès à tout, tout le temps. Nourriture excellente, breuvages liquides divins, des Femmes, des Hommes, des drogues, de l'argent. le cercle est soudé et continue de s'étendre et de recruter. La foi est une composante essentielle, nécessaire, même vitale. « et que Dieu soit loué ». Une soumission totale au chef du clan et du pays est tout aussi nécessaire et vitale pour le bon fonctionnement de l'organisation.

Sorokine balai ici un doublé de 100.p avec un ton très caustique, n'y mêlant aucune gravité, tout est fluide et limpide. Agissant comme un reporter au plus près des faits, son écriture est parfois déroutante et l'on se demande si la Russie ne cache pas de secrets aussi sombre.

Anticipation parmis les anticipations, la journée d'un Opritchnik mêle ultraviolence et poésie moderne, un mélange détonnant, quasi explosif, quoique corrosif. En consommer vous rendra accroc à cette plume.

apcalipticart
apcalipticart   30 août 2019
En voici un titre très évocateur, point de surprise dans ce livre, nous allons suivre la journée d'un Opritchnik, enfin la journée, le quotidien plutôt.

La Russie décide de devenir une puissance planétaire en defouraillant tout ce qu'il ne lui plaît pas. l'Europe est aux abois, les autres pays sont entrés aux services de cette nouvelle mafia ultra bien rodée.

Les Opritchniks, c'est cette millice entraînée à tuer, violer et torturer de milles et une façons, tous les ennemis de la nation. Comprendre par là, tout ceux qui ne se plaisent pas dans cette nouvelle dictature royaliste ultra croyante. Un Opritchnik ne réfléchit pas, il exécute des ordres et peu importe la manière dont il les exécutent, l'essentiel, ce sont les résultats.

L'organisation dispose de toutes les clés du pays. Pays qui fait trembler ses détracteurs (l'ancien régime, les rebelles, les administrations, les mafias internes), à gros coups de lance-flammes, d'autodafés et d'exécutions sommaires sur les places publiques.

Il fait bon d'être un Opritchnik, on fait partit d'un clan, d'une famille soudée, on a accès à tout, tout le temps. Nourriture excellente, breuvages liquides divins, des Femmes, des Hommes, des drogues, de l'argent. le cercle est soudé et continue de s'étendre et de recruter. La foi est une composante essentielle, nécessaire, même vitale. « et que Dieu soit loué ». Une soumission totale au chef du clan et du pays est tout aussi nécessaire et vitale pour le bon fonctionnement de l'organisation.

Sorokine balai ici un doublé de 100.p avec un ton très caustique, n'y mêlant aucune gravité, tout est fluide et limpide. Agissant comme un reporter au plus près des faits, son écriture est parfois déroutante et l'on se demande si la Russie ne cache pas de secrets aussi sombre.

Anticipation parmis les anticipations, la journée d'un Opritchnik mêle ultraviolence et poésie moderne, un mélange détonnant, quasi explosif, quoique corrosif. En consommer vous rendra accroc à cette plume.
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Alte carti de Vladimir Sorokin in traducere romana