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sâmbătă, 23 ianuarie 2021

Melville in romana (+ cateva editii in franceza)

 

Carti inspirate de Melville


O editie frumoasa la Polirom
Din pacate, nu exista inca o serie Melville completa









Romanul Moby Dick a fost publicat pentru prima dată în trei volume, la Londra, pe 18 octombrie 1851. Prima ediţie americană a cărţii a apărut pe 14 noiembrie 1851, la New York.


Operă

Romane

  • 1846Taipi: A Peep at Polynesian Life;
  • 1847Omoo: A Narrative of Adventures in zhe South Seas, ("Omoo: Relatarea aventurilor din Oceanul indian");
  • 1849Redburn: His First Voyage ("Redburn: Prima lui călătorie");
  • 1849Mardi: and a Voyage Thither ("Mardi și o călătorie până acolo");
  • 1850White-Jacket: or The World in a Man-of-War ("Tunica albă sau lumea pe un vas de război");
  • 1851Moby Dick, roman alegoric, epopee a spiritului uman în încleștarea dramatică cu forțele naturii;
  • 1855Israel Potter: His Fifty Years of Exile;
  • 1857The Confidence Man: His Masquerade.

Povestiri

  • 1853Bartleby, the Scrivener; a Story of Wall Street ("Bartleby copistul, o poveste de pe Wall Street")[21]
  • 1856The Piazza Tales ("Povestiri de pe verandă");
  • 1924 (postum): Billy Budd Sailor: An Inside Narrative, adaptat de compozitorul Benjamin Britten pentru o operă lirică.

Poezii

  • 1866Battle Pieces: And Aspects of the War ("Poezii despre bătălii și viziuni de război");
  • 1876Clarel: A Poem and Pilgrimage in the Holy Land;
  • 1888John Marr and Other Sailors ("John Marr și alți marinari");
  • 1891Timolcon.
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Melville in franceza

«A bord», trois textes inédits d'Herman Melville


CE QU’EN DIT L’ÉDITEUR

Un jour, en début de soirée, alors que j'étais au large des côtes de Patagonie, écoutant une dramatique histoire de fantômes que racontait un des membres de l'équipage, nous entendîmes un affreux mugissement, quelque chose entre le grognement d'un Léviathan et l'éructation d'un Vésuve, et nous vîmes une brillante traînée de lumière à la surface de l'eau. Le vieux maître d'équipage grisonnant, qui se tenait tout près, s'exclama : «Là, c'est un Poisson du Diable !». Sont rassemblés sous ce titre, «A bord», trois textes inédits d'Herman Melville consacrés à la mer et au voyage.

vineri, 22 ianuarie 2021

Herman Melville

 Enc.Larousse

Herman Melville

Herman Melville

Écrivain américain (New York 1819-New York 1891).

L'AUTEUR DE MOBY DICK

Melville est l'auteur de Moby Dick, le plus grand produit de l'imagination américaine, le seul qui se situe d'emblée au niveau des épopées homériques et miltoniennes, des tragédies de Shakespeare et du Faust de Goethe. Car il y a du Prométhée, de l'Œdipe et du Faust dans l'histoire du capitaine Achab et de sa baleine blanche. Mais, écrit presque d'une traite et publié simultanément à Londres et à New York en octobre 1851, Moby Dick, ou la Baleine (Moby Dick, or the Whale) n'eut aucun succès. Seul Nathaniel Hawthorne, qui venait d'achever La Lettre écarlate, reconnut l'immensité épique et symbolique de Moby Dick. Il fallut plus d'un siècle pour que le monde reconnût Moby Dick, qui appartient en fait plus au xxe s. qu'au xixe s. Épuisé d'avoir écrit en dix-huit mois ce livre colossal, accablé par l'échec, Herman Melville s'enferme, à trente-deux ans, dans une solitude désespérée. Et son dernier livre, Billy Budd, ne sera publié qu'en 1924, plus de trente ans après sa mort.

En dehors d'E. Poe, en 1838, et de Richard Henry Dana, en 1840, l'Amérique n'avait accordé que peu de place à la mer, cette autre Prairie, qui la borde doublement. Mais là n'est pas la cause de l'échec d'un livre profondément symbolique, et qui aurait dû trouver au pays des puritains un public attentif. L'échec de Moby Dick s'explique d'abord par une transformation du climat social américain, puis par un malentendu sur la personnalité même de l'auteur et sur la nature de son talent littéraire. L'Amérique de 1850 n'est plus une petite et austère colonie puritaine. C'est déjà, à la veille de la victoire du Nord sur le Sud, le pays des grandes réalisations industrielles et financières, le pays de la conquête de l'Ouest, qui vient d'annexer la Floride, la Californie, le Texas et le Nouveau-Mexique. À cette expansion correspond un climat de confiance. Or, Moby Dick est un livre inquiet, pessimiste, à contre-courant d'une époque qui voit le nouvel optimisme américain succéder à l'angoisse puritaine. Avec Emerson et le transcendantalisme, la pensée américaine s'adoucit. Au Dieu terrible des puritains, celui de Moby Dick, succède un Dieu libéral et bienveillant.

Dans Moby Dick, le roman d'aventures et la quête symbolique, le réalisme et le mysticisme gardent leur équilibre. Cette odyssée doit sa grandeur à cet équilibre. Histoire d'une tentation et d'une damnation, c'est aussi un roman d'aventures. Un écrivain en chambre n'aurait pu écrire Moby Dick. Une vision de cette ampleur n'est pas toute visionnaire. Elle se nourrit de choses vues. Melville fut d'abord, lui aussi, chasseur de baleines. L'expérience du marin alimente la vision du poète.

Ses deux grands-pères, le major Thomas Melville et le général Peter Gansevoort, avaient été des héros de la guerre d'Indépendance. Mais son père, Allan Melville, fit faillite dans une entreprise d'importation new-yorkaise. Herman est élevé par une mère rude et distante ; son père le décrit comme un « enfant très en retard ». Il quitte l'école à treize ans, faute d'argent. Il est successivement employé de banque, précepteur, garçon de ferme. Il bourlingue sur terre avant de s'embarquer. Il lit Fenimore Cooper : « Ses œuvres, écrit-il, eurent sur moi une vive influence et m'éveillèrent l'imagination. » Aveu capital, pour lui dont l'Océan sera l'autre Prairie.

En janvier 1839, il s'engage comme mousse sur le Saint Lawrence, cargo en partance pour Liverpool. Il n'a pas vingt ans. Écrit dix ans plus tard, Redburn, premier voyage d'un mousse (Redburn His First Voyage, 1849) est le récit autobiographique de ce premier embarquement. Premier voyage très dur, où le jeune Herman, instable, inquiet, déclassé, souffre à la fois du mépris des officiers et de l'équipage. Mais il s'y fait un ami, assez équivoque. Dans toutes ses œuvres, dans tous ses embarquements, il y aura toujours un « ami » efféminé qui, dans ce monde sans femme de la mer, remplace l'amour par l'amitié : pas une femme dans Moby Dick, où le seul mariage est celui qui unit Queequeg et Ishmael, le harponneur et le matelot.

QUATRE ANNÉES DANS LES MERS DU SUD

Le 26 décembre 1840, la grande aventure dont sortira Moby Dick commence. Melville s'embarque à New Bedford sur un baleinier trois-mâts, l'Acushnet, commandé par Valentin Pease, pour une campagne de chasse de la baleine qui doit durer quatre ans. Un an et demi plus tard, à Nuku-Hiva, île du Pacifique, Melville déserte avec un ami. Mais la jungle est peuplée de deux tribus, les Hoppars, assez civilisés, et les Taipis, qui sont cannibales. À chaque pas, le dilemme hante les déserteurs : Taipis ou Hoppars ? Ambiguïté du bien et du mal, qui obsédera toute l'œuvre. Ce sont les cannibales qui le prennent et l'engraissent. Mais les hommes sont amicaux, et les femmes nues. À part l'incertitude d'être mangé, Melville coule d'assez beaux jours chez les cannibales. Le péché n'existant pas pour eux, ces sauvages ont une grâce, une beauté plus grandes. L'expérience constitue pour Melville une philosophie assez rousseauiste du « bon sauvage », qui marquera son premier livre, Typee : A Peep at Polynesian Life (1846). Il quitte les Taipis au bout d'un mois, s'engage sur le Lucy Ann, qu'il déserte un mois plus tard, à Tahiti. Rejoignant Papeete, il s'embarque sur un baleinier, le Charles and Henry, qu'il déserte à Hawaii pour s'engager sur la frégate United States. Là, il connaît les brimades, le fouet. Plus tard, la Vareuse blanche (White-Jacket, 1850) et Billy Budd s'inspireront de cet épisode militaire.

UNE ŒUVRE GÉANTE BOUDÉE PAR LE PUBLIC ET LA CRITIQUE

En octobre 1844, quatre ans après son départ, Melville débarque à Boston et commence à raconter ses aventures. Taïpi (Typee), l'histoire des cannibales, et Omoo, celle de Tahiti, paraissent en 1846 et 1847. La carrière de marin est achevée. Celle d'écrivain commence. Les deux livres connaissent un gros succès de curiosité et de scandale. Melville, lui, la tête tournée par le succès, découvre la littérature. Il lit Shakespeare, Emerson, Carlyle, Marlowe. Dans le climat d'intense crise intellectuelle marquée par le transcendantalisme, il brasse, en autodidacte, les problèmes du temps et de l'espace, de la matière et de l'esprit, de Dieu, de l'innocence. Tout cela fait, en 1849, Mardi, un roman maritime d'aventures, mais où l'allégorie prend le pas sur la réalité. « Mardi », archipel imaginaire, est le monde en crise intellectuelle de 1848. Pour sauver une jeune fille, Yillah, le narrateur s'embarque pour l'archipel. Mais la quête de la femme devient quête de pureté, d'harmonie et de sérénité. Brassant doutes et espoirs, le livre s'achève sur l'énigme d'un monde infini : « La chasse continuait sur un océan sans fin. » C'est la prémonition de Moby Dick.

Mais le public reçoit ce gros volume de plus de six cents pages avec consternation. Au lieu des cannibales et des vahinés nues, on a une dissertation. Le public boude ; la presse s'indigne. Melville est blessé : on l'accepte comme matelot, pas comme écrivain. Déprimé, il s'embarque pour Londres, et note dans son journal : « Une bourse creuse fait sombrer le poète, témoin Mardi. Mais nous qui écrivons et imprimons, nos livres sont prédestinés. Pour moi, j'écrirai les choses que le Grand Éditeur de l'humanité a prescrites. » Au début de 1850, il copie un passage de Job sur le Léviathan, et lit la Lettre écarlate de Hawthorne, dont il fait une critique enthousiaste. Il admire « les suintements et la décrépitude de l'inscrutable malveillance de l'univers ». Une amitié unit vite les deux écrivains. Dans un climat d'effervescence, Melville écrit Moby Dick en un an et demi, « pour ne pas passer à la postérité comme l'homme qui a vécu chez les cannibales ».

En 1849, il a publié Redburn, récit de son premier voyage, et en 1850 la Vareuse blanche, œuvres alimentaires où l'on devine déjà l'inquiétude, la solitude et la symbolique de Moby Dick Mais Moby Dick est d'une autre ampleur.

UNE ÉPOPÉE HOMÉRIQUE

Moby Dick (1851) est une odyssée, qui se nourrit d'abord de réalisme. Le baleinier, les harpons, les provisions de bord, les techniques de chasse, tout est minutieusement décrit. Mais il y a de la démesure dans ce réalisme. Démesure du temps et de l'espace, d'un voyage de plus de trois ans, sur les océans du globe : parti pour le cap Horn, le Pequod passe finalement le cap de Bonne-Espérance, avec ses 20 000 livres de farine, ses 10 000 barils de bœuf. Enfin, le gibier lui-même, la baleine, le plus grand animal du monde, achève de donner au réalisme de la chasse sa dimension épique. Melville détaille toutes les espèces de cétacés, leurs mœurs ; il les dissèque. Le roman tourne à l'encyclopédie. Après l'histoire et l'anatomie de la baleine, c'est sa poésie, son mythe enfin. Melville cite tout ce qu'elle a inspiré et ouvre son livre par huit pages de citations, de Rabelais à Milton, de la Bible à Shakespeare. On glisse insensiblement de la zoologie à la mythologie. Melville nous enferme dans un « monde-baleine » où l'animal est déjà le Léviathan.

Le réalisme picaresque qui évoque l'équipage prend lui aussi peu à peu, avec le suspense du voyage, sa dimension symbolique et épique. L'équipage du Pequod est une tour de Babel, composée d'hommes de toutes races et de toutes religions. Le roman commence par la rencontre du héros, Ishmael, dans une auberge du port, avec Queequeg, le harponneur indien, dont il partage le lit : « En m'éveillant le lendemain, je m'aperçus que le bras de Queequeg reposait sur moi de la manière la plus affectueuse. Pour un peu on aurait pensé que j'étais sa femme. » C'est effectivement le couple de mâles, si fréquent dans le roman américain, qui associe le Blanc et l'homme de couleur et réconcilie le sauvage innocent et le civilisé coupable. Ce mariage symbolique d'Ishmael et de Queequeg préfigure l'union qui va souder l'équipage disparate des « compagnons » de cette quête du Graal : « Tous étaient un seul homme et non pas trente. » Unis contre Moby Dick, les hommes, au cours d'une véritable messe noire dite par le capitaine Achab, prêtent serment non in nomine patris, sed in nomine diabolis.

Le capitaine Achab prend peu à peu sa stature. Retardée par un savant suspense, son apparition est celle d'un être surnaturel. Achab est à l'échelle de la baleine. Et de la même race qu'elle. Sa jambe artificielle est faite d'ivoire de baleine. Cette jambe, en se brisant au départ, l'a « grièvement blessé à l'aine ». L'amputation, qui est peut-être castration, expliquerait la furie de la chasse. Un à un, les éléments diaboliques de Achab se révèlent pour composer la silhouette d'un « chasseur maudit ». Du fond de la cale, où il les dissimulait, il fait sortir ses hommes, aux ordres d'un Noir parsi. Dans une atmosphère électrique, il prononce alors le pacte qui unit bateau, capitaine et équipage. Brisant son sextant, il fait du Pequod un bateau ivre. Les boussoles démagnétisées par l'orage deviennent folles : le nord devient le sud, et l'homme de barre voit se lever le Soleil à l'ouest. Inversion fondamentale des valeurs. Car Achab n'est pas plus le Diable que la baleine n'est Dieu. Achab est le symbole prométhéen de l'entreprise vouée à l'échec par les dieux, mais qui trouve sa dignité dans sa seule tentative. Il n'est peut-être que la conscience angoissée par le néant, qui parcourt le monde pour trouver la réalité.

Si Achab est la conscience, la baleine est l'être. Chargée de symboles, elle incarne le mystère cosmique. Le réalisme du livre, sa technicité même sont un effort de déchiffrement mystique, dans l'esprit de la philosophie transcendantale : « Gars, explique Achab à l'équipage, tous les objets visibles ne sont que des mannequins de carton qui cachent quelque chose d'inconnu […]. Pour moi, cette baleine blanche est une muraille. Parfois, je crois qu'au-delà il n'y a rien. Mais tant pis. Ça me travaille, ça m'écrase. Je vois en elle une force outrageante. C'est cette chose impénétrable que je hais avant tout, et que la baleine soit l'agent, ou qu'elle soit l'essentiel, j'assouvirai cette haine sur elle. » Pour Ishmael, la baleine est le symbole d'un dieu immanent et bienveillant. Pour Achab, elle est le symbole du dieu inconnu, transcendant, celui du Livre de Job, celui sur qui on ne peut lever les yeux ni la main sans être détruit. Dans tout le roman, à la paix de l'immanence, dont Ishmael est le timide héros, s'opposent l'angoisse et le désir de la transcendance, dont Achab est finalement le héros et la victime. Les innombrables significations, faustienne, prométhéenne, hébraïque ou chrétienne de ce symbolisme révèlent l'ampleur de l'un des mythes les plus riches de l'histoire littéraire.

De tous les « signes » qui marquent Moby Dick, sa blancheur est le plus frappant. Edgar Poe l'avait déjà utilisé dans Gordon Pym. Le chapitre sur « la blancheur de la baleine » en cerne l'ambiguïté : « Cette blancheur est à la fois le symbole des choses spirituelles, le vrai voile du Dieu chrétien, et en même temps l'agent qui rend plus intense l'horreur des choses qui épouvantent l'homme. » Ce blanc insolite est couleur de mort, couleur de la réalité cachée derrière les apparentes couleurs des choses : « Si la lumière frappait directement la matière des choses, elle donnerait sa blancheur vide à tout, à la tulipe comme à la rose. » À toutes les interprétations du mythe s'ajoute celle-ci que Achab a besoin de sentir la colère du Dieu caché, de porter les stigmates pour croire. La perte même de sa jambe ne lui suffit pas. Il veut saisir Dieu, et meurt attaché au flanc de la Bête, entraîné vers quelles profondeurs.

Mais que serait une baleine qu'Achab ne chasserait pas, que serait un Dieu que l'homme ne chercherait pas ? Revanche de l'homme sur le divin et du chasseur sur la baleine, c'est Achab qui est le héros du livre. Le lecteur est malgré lui du côté de ce Prométhée obsédé. Même quand, en proie à l'« ubris », il sacrifie ses hommes. Solitaire, Achab monologue : « Cette tendre lumière ne m'éclaire plus. Tout ce qui enchante n'est qu'angoisse, puisque la joie m'est interdite. » Il ne fait plus partie des hommes. Le seul être humain de cette odyssée, mais non pas son héros, est le narrateur. Seul Ishmael est sauvé du naufrage, symboliquement accroché au cercueil de son seul ami. Cette fin rapide est escamotée. Une fois Achab disparu avec sa baleine, il ne reste rien. Malgré lui, Melville est du parti d'Achab, comme Milton du parti de Satan. Hawthorne avait bien compris la frénétique ambiguïté de cette quête, qui écrit de Melville qu'« il ne peut ni croire ni se satisfaire de son incroyance ».

UN ÉCRIVAIN INCONNU DE SON VIVANT

Melville survivra de quarante ans au capitaine Achab. Mais l'échec du livre l'a abattu à jamais. En 1852, il publie Pierre ou les Ambiguïtés (Pierre, or the Ambiguities), où pour la première fois il abandonne l'inspiration maritime. Écrit en quelques semaines, dans un état d'excitation morbide, Pierre est un mélodrame romantique dont l'inspiration et le schéma rappellent Mardi. Aristocrate romantique, Pierre vit entre sa mère et sa fiancée, dans un idéalisme rêveur, quand surgit dans sa vie une jeune fille brune qui se prétend la fille naturelle de son père. Comme Hamlet, comme Achab, Pierre part en quête de la vérité : « À toutes les idoles j'arracherai leurs voiles ; désormais je veux voir ce qui se cache, et vivre à fond ma vie cachée. » Pris dans les ambiguïtés des relations humaines, coincé entre sa fiancée et sa demi-sœur, entre sa mère et le péché de son père, il fait passer sa demi-sœur pour sa femme, rachetant ainsi la faute du père. Pierre s'est empêtré dans un conflit dont il ne peut sortir que par le meurtre. Un sujet aussi scabreux, dans une langue aussi enflée, ne pouvait qu'horrifier les contemporains de Melville. L'échec fut total.

À trente-trois ans, Melville est fini, consumé comme Rimbaud. Il renonce insensiblement à écrire. En 1855, il publie une œuvre alimentaire, Israel Potter, His Fifty Years of Exile. Cette histoire authentique d'un homme injustement exilé hors d'Amérique résonne d'une hostilité évidente contre l'Amérique. En 1856, il réunit en un recueil quelques nouvelles, The Piazza Tales. La plus connue, « Benito Cereno », est un récit maritime qui soulève une fois de plus le problème du Mal. Benito Cereno, qui semble un capitaine pervers, est en fait la proie du sinistre esclave noir Babo, qui a mutiné l'équipage contre lui. Ce problème obsédant des apparences est encore en 1857 le sujet de The Confidence Man (le Grand Escroc). L'action se déroule sur un bateau, au fil du Mississippi. Tour à tour sourd-muet, estropié, guérisseur, l'escroc dupe les voyageurs. Pourtant, ce « confidence man » est l'« homme de confiance ». Qu'il fasse la théorie de la croyance révèle l'étendue du désespoir spirituel de Melville à cette date.

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À trente-sept ans, las, usé par l'effort et la maladie, presque semblable à un vieillard, il part pour un long pèlerinage en Terre sainte, au Moyen-Orient et en Europe. Mais, à Constantinople comme à Jérusalem, au Caire et au bord de la mer Morte, son Journal reste une quête de l'horreur : « Erré parmi les tombes jusqu'à ce que je finisse par me croire possédé du démon. […]. Je frémis en pensant aux anciens Égyptiens. C'est dans ces Pyramides que fut conçue l'idée de Jéhovah. » En Grèce, en Italie, c'est la même lancinante mélancolie qui collectionne les souvenirs de caveaux et de musées. Rentré en Amérique quand éclate la guerre de Sécession, il écrit des poèmes de guerre, qu'il publie à compte d'auteur, en 1 200 exemplaires : Battle-Pieces (1866). La même année, il doit accepter pour vivre de devenir comme Hawthorne agent des douanes, après avoir vendu sa ferme. Vingt ans plus tard seulement, un héritage lui permettra de démissionner. Oublié, pauvre, il écrit surtout des vers. En 1870, il entreprend Clarel, poème en 20 000 vers, l'un des plus ambitieux conçus en Amérique. Le sujet en est simple, vaguement autobiographique : Clarel, jeune Américain, étudiant en théologie, fait un pèlerinage en Terre sainte. Il s'y éprend de Ruth. Quand le père de Ruth, riche fermier américain, est enlevé par des Arabes, Clarel arrive trop tard : Ruth est morte de douleur. L'essentiel, fourni par les discussions des pèlerins, forme l'autobiographie d'une âme chrétienne en quête de son salut. Publié à compte d'auteur en 1876, Clarel n'eut aucun succès.

Accablé de maladies, de problèmes familiaux (suicide de son fils, hostilité de ses enfants), Melville commence en 1888 Billy Budd. C'est l'histoire d'un gabier de misaine, injustement accusé par un maître d'armes d'avoir fomenté une mutinerie. Confronté en présence du capitaine à son accusateur, Billy le tue d'un coup de poing. Or Billy est un enfant trouvé, peut-être le fils du capitaine Vere. Mais le père doit condamner le fils, malgré lui, renouvelant le mystère du sacrifice d'Abraham. La mort de Billy Budd, pendu à la grand-vergue, prend des allures de crucifixion, quand le fils condamné crie : « Dieu bénisse le capitaine Vere ! » Au moment de mourir, en la personne de Billy Budd, Melville semble avoir accepté le mystère de l'injustice, de l'horreur, de la mort, de l'invisible. Le livre, publié en 1924, a une limpidité d'écriture unique chez Melville, et s'achève sur des vers prémonitoires :Ils me serreront dans un hamac et m'enverront au fond. Tant de brasses, tant de brasses, quels rêves, quel sommeil !.

Herman Melville mourut le 28 septembre 1891 dans l'indifférence générale. Redécouvert après 1920, les subtilités et les symboles d'une œuvre hantée par une angoisse qui est au cœur de notre temps lui attirent de plus en plus de lecteurs.

Herman Melville (1819-1891)






Herman Melville

Melville (1819-1891) a navigué sur un voilier transatlantique, sur des baleiniers, sur une frégate de la Marine américaine ; il a connu les mers du Sud, vécu dans les Îles, fréquenté les cannibales. Son œuvre pourrait passer pour le récit de ces expériences. En réalité, ses navires sont des mondes où se déroulent les guerres de l’esprit. Il n’a cessé de raconter l’histoire de la ligne qui sépare le bien et le mal, et celle du heurt entre ces deux éléments. « Tous les grands livres du monde ne sont que les ombres mutilées des images invisibles et éternellement inincarnées de l’âme. 

Herman Melville, Œuvres, I, Taïpi – Omou – Mardi, Parution le 14 Janvier 1997, 1488 pages, 63.50 €

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Herman Melville, Œuvres, II, Redburn – Vareuse-Blanche, Parution le 16 Septembre 2004, 992 pages, 50.50 €

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Herman Melville, Œuvres, III, Moby-Dick – Pierre ou Les Ambiguïtés, Parution le 21 Septembre 2006, 1456 pages, 61.00 €

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Herman Melville, Œuvres, IV, Bartleby le scribe – Billy Budd, marin et autres romans, Parution le 25 Février 2010, 1424 pages, 63.50 €

Herman Melville

Œuvres, I

Taïpi – Omou – Mardi

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Rose Celli, Philippe Jaworski, Francis Ledoux et Théo Varlet. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration de Michel Imbert, Dominique Marçais, Mark Niemeyer, Hershel Parker et Joseph Urbas

Parution le 14 Janvier 1997
Bibliothèque de la Pléiade, n° 433
Achevé d'imprimer le 09 Décembre 1996
1488 pages, rel. Peau, 105 x 170 mm

63.50 €
En 1842, la Dolly fait escale en rade de l'île de Nuku-Hiva, après plusieurs mois de chasse à la baleine. À son bord, Herman Melville, accablé par cette pénible vie, projette de déserter. La baie de Taiohae était alors investie par la flotte de l'amiral Dupetit-Thouars qui annexait par ce coup de force les îles Marquises au territoire français. La nuit venue, Melville accompagné d'un camarade, Toby, rejoint la rive à la nage. Deux tribus vivent sur l'île, l'une douce et pacifique, l'autre cannibale. Le hasard va les conduire chez cette dernière.
Taïpi et Omou retracent le récit des pérégrinations d'Herman Melville en Polynésie. C'est à la fois une relation d'aventures et une œuvre d'anthropologue - ouvrages documentaires et surtout véridiques alors particulièrement appréciés du public. Certains passages furent taxés d'invraisemblance (il est vrai que l'auteur prit quelque liberté avec les faits), puis d'indécence, enfin une campagne de presse dénonça l'acerbe critique faite des missions américaines dans le Pacifique. Lassé de ces polémiques et soucieux de mettre à l'épreuve sa capacité d'invention, Melville décide, en cours de rédaction de la suite de son voyage dans le Pacifique, intitulé Mardi, d'échapper au récit autobiographique pour s'aventurer dans le roman, un «dessein hardi» où il puisse laisser libre cours à son imagination, à son goût pour l'allégorie et à la satire. De livre en livre les personnages du futur Moby-Dick prennent forme, les obsessions se précisent, les objets de la quête se matérialisent.

Herman Melville

Œuvres, II

Redburn – Vareuse-Blanche

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Philippe Jaworski et Jacqueline Villaret. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration de Michel Imbert, Hershel Parker et Joseph Urbas


Ce volume contient  Redburn - Vareuse-Blanche - Articles (1847-1849).

Parution le 16 Septembre 2004
Bibliothèque de la Pléiade, n° 507
Achevé d'imprimer le 20 Août 2004
992 pages, rel. Peau, 105 x 170 mm

50.50


En 1839, le jeune Herman s'engage comme mousse à bord d'un navire marchand, le St. Lawrence, en partance pour Liverpool. Le 17 août 1843, il embarque sur la frégate United States en qualité de gabier et, dès le lendemain, assiste pour la première fois - mais la scène se reproduira souvent - au supplice du fouet. La croisière de 1839 marque profondément Redburn, qui paraît dix ans plus tard ; dans ce roman d'un double apprentissage, celui de la vie en mer et celui, infernal, de la ville industrielle, un fils de famille devient un homme au contact de marins chevronnés et cruels, des bas-fonds de Liverpool et des tripots de Londres. Quant à l'embarquement de 1843, il inspire en 1850 Vareuse-Blanche, récit de la vie à bord d'un navire de guerre et véritable plaidoyer contre la pratique de la flagellation : le livre aurait influencé les membres du Congrès qui débattaient alors des abus disciplinaires dans la marine de guerre et qui votèrent, le 28 septembre 1850, en faveur de l'abolition de la peine du fouet.
Mais il y a plus : les navires de Melville sont des mondes. En opposant la démocratie et l'esprit de camaraderie à la rigidité et à la tyrannie de la hiérarchie militaire, Melville fait de l'Insubmersible, la frégate de Vareuse-Blanche, un raccourci de la société américaine du milieu du XIXe siècle.

Herman Melville

Œuvres, III

Moby-Dick – Pierre ou Les Ambiguïtés

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Philippe Jaworski et Pierre Leyris. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration de Marc Amfreville, Dominique Marçais, Mark Niemeyer et Hershel Parker

Parution le 21 Septembre 2006
Bibliothèque de la Pléiade, n° 525
Achevé d'imprimer le 16 Août 2006
1456 pages, rel. Peau, 105 x 170 mm

61.00 €

Ce volume contient

Appendices : Melville et Hawthorne - Aux sources de «Moby-Dick». Pierre ou Les ambiguïtés - Moby-Dick ou Le cachalot.

«Pour faire œuvre grandiose, il faut un sujet grandiose.» C'est sans doute Melville qui parle ici par l'entremise d'Ismaël, le narrateur de Moby-Dick (1851). Sur les conseils d'un ami, il décide d'utiliser ses souvenirs de marin baleinier pour son nouveau livre, rédigé dans la foulée de Redburn (1849) et de Vareuse-Blanche (1850) qui mettaient à profit son expérience dans la marine marchande et la marine de guerre. Très vite, ce récit documentaire sur la pêche de la baleine va s'enfler pour se métamorphoser en une épopée tragique et grandiose. Une fois remanié, le texte fait place à un navire-monde américain (le Pequod cosmopolite au nom indien) ; à un personnage métaphysique digne des grandes figures de la tragédie shakespearienne : Achab, le capitaine mutilé, monomaniaque, rejouant le destin d'un roi biblique ; à son affrontement mortel avec un cachalot blanc traqué comme on poursuit un innommable secret, mais qui incarne aussi les immaîtrisables violences de la nature ; à un équipage bigarrré, tour à tour foule, chœur et peuple – toute une humanité où le drame le plus poignant côtoie la farce et le pittoresque.
Considéré aujourd'hui comme un chef-d'œuvre, Moby-Dick – ici présenté dans une nouvelle traduction – n'a pas connu lors de sa publication le succès des précédentes aventures maritimes de Melville. Les comptes rendus parus dans la presse furent médiocres, voire hostiles. Au point que son auteur en conçut de la rancœur et de la colère, qu'il insuffla dans le roman suivant : Pierre ou Les Ambiguïtés (1852). Ce dernier fit sombrer la baleine dans l'oubli tant il déchaîna de violence et de haine. Il dépeint les relations «ambiguës» (incestueuses ?) que Pierre, apprenti écrivain, entretient avec Lucy, sa fiancée, et avec Isabel, sa demi-sœur. Tenu dès lors pour un auteur dangereux, irrévérencieux et dépravé, Melville fut notamment accusé d'avoir violé la sainteté des liens familiaux.
Le présent volume contient les deux romans les plus ambitieux de Melville – qui sont aussi ceux que la critique a le plus éreintés. Pour cette figure majeure des Lettres américaines que la littérature n'a jamais fait vivre, l'échec était «la pierre de touche de la grandeur».L'insuccès retentissant de Moby-Dick et de Pierre prouve qu'il avait touché au but.

Herman Melville

Œuvres, IV

Bartleby le scribe – Billy Budd, marin et autres romans

Trad. de l'anglais (États-Unis) par Philippe Jaworski et Pierre Leyris. Édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration de David Lapoujade et Hershel Parker

Parution le 25 Février 2010
Bibliothèque de la Pléiade, n° 559
Achevé d'imprimer le 25 Janvier 2010
1424 pages, rel. Peau, 105 x 170 mm

63.50 €

Ce volume contient

Israël Potter. Les Contes de la véranda : La Véranda - Bartleby le scribe - Benito Cereno - Le Marchand de paratonnerres - Les Encantadas ou Îles Enchantées - Le Campanile. Contes non recueillis : L'Heureux Échec - Le Violoneux - Coquerico! - Le Pudding du pauvre et les Miettes du riche - Les Deux Temples - Le Paradis des célibataires et le Tartare des jeunes filles - Jimmy Rose - Les Portos - Moi et ma cheminée - La Table en bois de pommier. L'escroc à la confiance - Billy Budd, marin. Appendices : Aux sources de «Benito Cereno» - Autour de «L'escroc à la confiance» - Autour de «Billy Budd, marin».

Entre 1853 et 1856, Melville publie près d'une quinzaine de contes et de courts récits dans des magazines. Certains d'entre eux connaîtront un destin exceptionnel, comme «Les Encantadas», suite de croquis consacrés aux îles Galápagos, «Benito Cereno», inoubliable relation de la révolte d'un navire négrier, et ce qui est sans doute la «tragédie urbaine» la plus célèbre de l'histoire de la littérature : «Bartleby le scribe», dont on n'aura jamais fini d'interroger le mystère, qui est un mystère sans secret.
Melville n'en a pourtant pas terminé avec les formes longues. Il travaille à un feuilleton, Israël Potter, tout à la fois biographie (largement fictionnelle) d'un héros obscur de la guerre d'indépendance, réflexion ironique sur l'Histoire et sur l'écriture de l'Histoire, et méditation sur la banqueroute des ambitions humaines : peut-être le plus intimement autobiographique de ses écrits. Israël Potter paraît en volume en 1855, deux avant un roman méconnu, singulier, à découvrir, L'Escroc à la confiance. Trois chapitres y forment une sorte d'«art poétique», et tout y est problématique, du narrateur aux personnages en passant par la construction du sens, qui échoit au lecteur lui-même. L'Escroc est un roman pour notre temps ; il n'y a pas lieu de s'étonner qu'il ait laissé les critiques de 1857 aussi perplexes que l'employeur de Bartleby face à son clerc. Melville n'y gagne pas un penny. Il va désormais se consacrer à la poésie, pendant trente ans – et aux douanes de New York, qui l'emploieront vingt années durant.
Il doit lutter pour que ses œuvres poétiques soient publiées. Lorsqu'elles le sont, elles ne récoltent qu'indifférence ou mépris. En 1885 sans doute, peu avant de prendre sa retraite des douanes, il compose une ballade intitulée «Billy aux fers», brève évocation d'un marin à la veille de son exécution pour mutinerie. C'est de ce poème que sortira son ultime fiction... Trente-trois années passeront avant que le livre – Billy Budd, marin – ne soit publié. Dans ce récit intérieur plus encore que dans les autres romans, le «mystère de l'iniquité» est à l'œuvre, et la pureté n'existe que sous le regard de son éternel adversaire, le «diabolisme incarné». Billy Budd sera pendu. Le livre s'achève sur «Billy aux fers» et sur un compte rendu officiel qui dit que l'innocent est coupable. Tel est le monde : apparence et mensonge.

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Herman Melville

Herman Melville
Description de cette image, également commentée ci-après
Herman Melville par Joseph Oriel Eaton (1870).
Naissance
New YorkÉtats-Unis
Décès (à 72 ans)
New YorkÉtats-Unis
Activité principaleRomanciernouvellisteessayistepoète
Auteur
MouvementRomantisme
GenresRomannouvellepoésieessairécit de voyageallégoriegrand conte

Œuvres principales

Moby Dick (1851)
Bartleby (1856)
Billy Budd (1891, publié en 1924)
Signature de Herman Melville

Herman Melville, né le  à Pearl Street, au sud-est de Manhattan (New York) et mort le  à New York, est un romancieressayiste et poète américain.

Presque oublié après sa mort, Melville est redécouvert dans les années 1920 à travers son œuvre maîtresse Moby Dick. Il est désormais considéré comme l'une des plus grandes figures de la littérature américaine.

Biographie

Les années de formation

Herman Melville est le troisième de huit enfants (et le second fils) de Maria Gansevoort et Allan Melvill (sans « e »). Du côté maternel, ses aïeux sont des patriciens d'origine néerlandaise (l'un d'eux, le général Peter Gansevoort (en), est un héros de la révolution américaine). Du côté paternel, c'est une lignée de commerçants écossais. Le père d'Allan, le major Thomas Melvill, a lui aussi joué un rôle glorieux pendant la guerre d'indépendance. Allan Melvill importe de France des « nouveautés ». En 1826, l'économie américaine entre dans une période de stagnation, et le père de l'écrivain subit de plein fouet la concurrence britannique. Ses affaires périclitant, il doit faire des emprunts de plus en plus importants à son beau-père, Peter Gansevoort, qui devient le soutien financier de la famille. Entre 1820 et 1830, la famille déménage trois fois, avant de s'installer en 1830 à proximité des Gansevoort, à Albany, capitale de l'État de New York, où Allan Melvill travaille comme employé dans une fabrique de fourrures.

Au cours d'un voyage à New York en , Allan Melvill, qui tente de monter une nouvelle affaire dont il serait le patron, contracte une pneumonie. Il meurt le . Les deux aînés, Gansevoort (né en 1815) et Herman quittent alors le collège d'Albany. Le premier, aidé par l'oncle Peter, ouvre un commerce de peaux et fourrures qui prospérera pendant trois ans (à cette époque, il ajoute un « e » à son nom, que toute la famille reprend). Le second devient à treize ans employé à la New York State Bank, dont l'oncle Peter est l'un des administrateurs.

Melville en 1846-1847.

Deux ans plus tard, peut-être à cause d'une faiblesse des yeux, Herman Melville quitte son travail à la banque et part chez un autre oncle, qui possède une ferme à Pittsfield, dans le Massachusetts. Après quelques mois dans les champs, il revient à Albany au début de 1835 et s'inscrit au lycée classique de la ville. Durant ces années, il fait ses premières lectures marquantes : James Fenimore CooperWalter ScottByron, les poètes anglais du xviiie siècle. Après les cours, il tient les comptes du commerce de son frère Gansevoort.

En , un mouvement de panique financière accule Gansevoort à la faillite. Les Melville s'installent à Lansingburgh, une petite ville sur les bords de l'Hudson. Herman enseigne quelque temps comme instituteur dans une école de campagne près de Pittsfield. Puis, de retour à Lansingburgh, il suit des cours d'arpentage au collège.

En 1839, Melville s'engage comme mousse à bord d'un navire marchand en partance pour Liverpool, le St. Lawrence. Cette première croisière entre New York et Liverpool (du  au ) lui inspirera dix ans plus tard un roman d'apprentissage de la vie de mer et de l'enfer de la ville industrielle dans Redburn. À son retour, il trouve un nouveau poste d'école à Greenbush, en 1840 (qui ne sera jamais rémunéré). Puis il se rend dans l'Illinois, où il parcourt la frontière occidentale et descend peut-être le Mississippi jusqu'à Cairo.

À la fin de 1840, déçu dans ses espoirs à l'ouest, Melville se rend à Nantucket, berceau américain de la chasse à la baleine, où il signe, le , son inscription sur le rôle de l’Acushnet, trois-mâts baleinier de 358 tonnes (il reçoit une avance de 84 dollars sur son salaire) et embarque à New Bedford le . Il parcourt ainsi le Pacifique, visitant les îles Galápagos et les Marquises où il déserte, le , avec un de ses compagnons d'infortune, Richard Tobbias Greene, le « Toby » du livre Typee (Taïpi), qui relatera son aventure sur Nuku Hiva.

Le , il réussit à quitter la vallée de Taipivai sur le baleinier australien Lucy Ann alerté par Richard Tobbias Greene et part pour Tahiti. À l'arrivée à Tahiti, il est arrêté pour avoir participé à une mutinerie à bord du Lucy Ann et est emprisonné. Il s'échappe de Tahiti pour rejoindre Moorea, puis Hawaii. Il travaille un temps comme commis chez un marchand, puis s'engage comme simple matelot dans l'équipage de la frégate USS United States de la marine de guerre américaine qui débarque à Boston en .

Carrière littéraire

Herman Melville

La période aventureuse de sa vie, qui s'achève lorsqu'il pose à nouveau le pied sur le sol américain, est la matière de ses deux premiers romans, Taïpi et Omoo. La rédaction du premier nommé est achevée à l'issue de l'été 18451, mais Melville rencontre des difficultés à trouver un éditeur. C'est en 1846 qu'il est finalement publié à Londres, où il devient un bestseller immédiat. Le succès facilite les démarches de Melville : le Boston publisher accepte son roman suivant, Omoo, sans même l'avoir vu. Si Melville assoit sa notoriété sur des récits d'aventures exotiques à caractère autobiographique, Mardi (1849) marque un premier tournant dans sa carrière littéraire. Pour la première fois, son récit ne se nourrit pas directement de son expérience personnelle. Rompant avec la recette qui a fait son succès, Melville s'engage sur une voie plus ambitieuse, celle d'un roman qui prend comme prétexte le cadre bien établi du récit maritime pour aborder des questionnements philosophiques qui résonnent avec l'actualité politique de son temps.

Beaucoup plus épais que ses écrits précédents, émaillé de longues digressions, Mardi rencontre l'hostilité conjuguée de la critique et du public. L'auteur est pour sa part persuadé que « le Temps, qui résout toutes les énigmes, donnera la clé de Mardi2. »

En juin-, Melville écrit Redburn, souvenir de son passage dans la marine marchande, puis en août-septembre, Vareuse-Blanche, son engagement dans la marine de guerre américaine3

En , lors d'une excursion sur le site de Monument Mountain, dans le Massachusetts, il fait par hasard la rencontre de l'écrivain Nathaniel Hawthorne. Les deux hommes produisent forte impression l'un sur l'autre. Melville se lance immédiatement dans une critique du premier écrit de Hawthorne qu'il parvient à se procurer, le recueil de nouvelles Mousses d'un vieux presbytère (Mosses from an Old Manse, 1846). Publié anonymement sous le titre « Hawthorne et ses mousses » (Hawthorne and his Mosses) dans le Literary World d'Evert Augustus Duyckinck, l'article fait franchir à Hawthorne une marche décisive sur le chemin de la reconnaissance littéraire. Il rapproche encore les deux hommes, Hawthorne n'ayant pas tardé à identifier en Melville l'auteur des lignes louangeuses qui le comparent à Shakespeare.

Les liens entre les deux hommes sont si forts que Melville obtient de son beau-père la somme nécessaire à l'acquisition d'« Arrowhead », une vieille ferme située à proximité de la propriété de son nouveau mentor. La mère de Melville et trois de ses sœurs ne tardent pas à rejoindre le couple Melville et leur fils dans les Monts Berkshire4. L'écrivain Stéphane Lambert relate l'amitié passionnée entre les deux hommes dans son livre Fraternelle mélancolie5.

L'achat, qui l'a obligé à contracter plusieurs emprunts, place Melville dans une situation financière précaire. C'est sous la pression de ses créanciers qu'il met la touche finale à son dernier roman, qui paraît d'abord en Angleterre sous son titre initial — The Whale — en . Les critiques anglaises sont excellentes et lorsque le roman paraît à son tour aux États-Unis, sous le titre définitif de Moby Dick, les ventes sont plutôt bonnes lors de la première semaine. Le roman rencontre toutefois l'hostilité des critiques américains et les ventes déclinent4.

La suite de sa carrière littéraire est une longue suite de désillusions. Son ouvrage suivant, Pierre ou les Ambiguïtés (1852), rencontre une hostilité encore plus grande6. Son éditeur Harper refuse le manuscrit, d'Isle of the Cross, aujourd'hui perdu. The Confidence Man (1857) est lui aussi sévèrement critiqué. Pour faire face à des finances toujours plus fragiles, Melville suit le conseil de ses proches et se fait conférencier, occupation qui peut à cette époque être très lucrative. De 1857 à 1860, il se produit dans les lyceums pour évoquer ses aventures dans les mers du Sud. Il se tourne parallèlement vers la poésie, sans parvenir à éveiller l'intérêt des éditeurs. Il ne rencontre pas plus de succès lorsqu'il sollicite un poste de consul du sénateur Charles Sumner, alors à la tête du Comité des affaires étrangères7.

Le silence

En 1866, sa femme fait jouer ses relations pour lui obtenir un poste d'inspecteur des douanes de la ville de New York, lui qui tenait pourtant, quelques années plus tôt, cet emploi pour « des moins glorieux qui soient, à vrai dire, pire qu'amener des oies à l'abreuvoir8. » Il s'acquitte pourtant de sa tâche dix-neuf années durant, gagnant la réputation d'être le seul employé honnête dans une maison connue pour sa corruption généralisée.

Sa carrière publique d'écrivain est arrivée à son terme. En privé, il continue cependant d'écrire : d'abord un long poème épique, inspiré de son pèlerinage en Palestine ; ce Clarel est bien publié en 18769, grâce au concours financier de son oncle, Peter Ganservoort10. Mais l'expérience est cependant une nouvelle fois cruelle pour Melville, puisque les exemplaires invendus sont brûlés, l'écrivain n'ayant pas été en mesure de réunir la somme nécessaire pour les racheter.

Son second fils, Stanwix, meurt de la tuberculose à San Francisco, au début de l'année 1886. C'est aussi l'année de la retraite de Melville, permise par un héritage que sa femme reçoit de son frère11. Il reprend alors la plume, écrivant une série de poèmes inspirés pour partie par son expérience de la mer. Deux recueils — John Marr (1888) et Timoleon (1891) — paraissent dans des éditions confidentielles, destinées avant tout à sa famille et à ses proches12.

Un de ces poèmes le retient plus particulièrement ; il le reprend, le développe pour en faire une nouvelle, puis un roman. Avec des périodes d'interruption, il y consacre plusieurs années, n'arrêtant d'y travailler qu'en 13, quelques mois avant sa mort, en . Il faut l'intervention de Raymond Weaver, son premier biographe, pour voir l'ouvrage publié en 1924, sous le titre de Billy Budd, marin (Billy Budd, Sailor).

Descendance

Herman Melville est l'arrière-arrière-grand-oncle d'Elizabeth McBride Warner, la mère de Richard Melville Hall, l'artiste de musique électronique connu sous le nom de Moby 14.

L'Œuvre

Présentation

Moby-Dick raconte l'histoire du Péquod, baleinier dont le capitaine se nomme Achab15. Cet étrange marin est obsédé par une grande baleine blanche : Moby Dick. Le narrateur est un membre d'équipage nommé Ishmaël qui dispose, tout comme Melville, d'une grande culture littéraire et y recourt fréquemment pour mettre en scène les membres de l'équipage et leur aventure. L'équipage du Péquod permet à Melville de multiplier les portraits et des analyses psychologiques ou sociales extrêmement fouillées et détaillées ; l'action se déroulant sur ce seul baleinier, l'œuvre a souvent été qualifiée par les critiques d'univers clos. Les descriptions de la chasse à la baleine, l'aventure elle-même et les réflexions du narrateur s'entrelacent dans une gigantesque trame où se mêlent des références à l'Histoire, à la littérature occidentale, à la mythologie, la philosophie et la science16.

La prose de Melville est complexe et déborde d'imagination ; il est considéré comme un des plus grands stylistes américains — aux côtés de William FaulknerHenry James ou Thomas Pynchon. Il était lié d'amitié avec Nathaniel Hawthorne, et fut influencé par ses écrits ; Moby-Dick est ainsi dédié à Hawthorne.

Melville est aussi l'auteur de récits tirés de son expérience de marin, TypeeOmoo et Mardi, de romans, RedburnWhite-Jacket (La Vareuse blanche), Pierre ou les AmbiguïtésThe Confidence Man, ainsi que de plusieurs nouvelles, parues pour l'essentiel dans les années 1850 dans deux revues concurrentes, le Putnam's Monthly Magazine (qui publie cinq nouvelles, dont : BartlebyBenito Cereno et Les Îles enchantées) et le Harper's New Monthly Magazine (qui en publie sept). Bartleby the scrivener est certainement la plus célèbre : on considère qu'elle contient déjà en gésine des traits de la littérature existentialiste et de la littérature de l'absurde, entre autres.

Cas rare parmi les poètes, il n'écrit aucune œuvre lyrique majeure avant un âge avancé. Après la guerre de Sécession, il publie quelques pièces sur le conflit (Battle Pieces), qui se vendent bien. Mais une fois encore il prend ses distances par rapport aux goûts et aux attentes des lecteurs contemporains dans la pièce maîtresse de son œuvre poétique, Clarel, qui raconte l'épopée du pèlerinage d'un étudiant en Terre sainte et resta, elle aussi, quasiment inconnue de son vivant.

Sa dernière œuvre, le roman court Billy Budd marin, récit interne, auquel il travailla les cinq dernières années de sa vie, ne fut édité qu'après sa mort, à partir d'un manuscrit retrouvé par son épouse. Il est considéré par les critiques de son oeuvre, comme un « testament » littéraire par le conflit entre le bien et le mal qui se joue entre les trois principaux personnages.

Publications (en anglais)

Romans

  • Typee: A Peep at Polynesian Life (1846)
  • Omoo: A Narrative of Adventures in the South Seas (1847)
  • Mardi: And a Voyage Thither (1849)
  • Redburn: His First Voyage (1849)
  • White-Jacket, or The World in a Man-of-War (1850)
  • Moby-Dick, or The Whale (1851)
  • Pierre: or, The Ambiguities (1852)
  • Isle of the Cross (vers 1853, perdu)
  • Israel Potter: His Fifty Years of Exile (1856)
  • The Confidence-Man: His Masquerade (1857)
  • Billy Budd, Sailor (1924)

Nouvelles

  • Cock-A-Doodle-Doo! (1853)
  • Poor Man's Pudding and Rich Man's Crumbs (1854)
  • The Happy Failure (1854)
  • The Fiddler (1854)
  • Paradise of Bachelors and Tartarus of Maids (1855)
  • Jimmy Rose (1855)
  • The Piazza Tales (1856), comprenant : The PiazzaBartleby the ScrivenerBenito CerenoThe Lightning-Rod ManThe Encantadas, or Enchanted Isles et The Bell-Tower (1856)
  • The Gees (1856)
  • I and My Chimney (1856)
  • The Apple-Tree Table (1856)
  • The Two Temples (posthume)
  • Daniel Orme (posthume)

Poèmes

  • Battle Pieces and Aspects of the War (1866)
  • Clarel: A Poem and Pilgrimage in the Holy Land (1876)
  • John Marr and Other Sailors (1888)
  • Timoleon and Other Ventures in Minor Verse (1891)
  • Weeds and Wildings, and a Rose or Two (1924)

Essai

  • Hawthorne and His Mosses (1850)

Éditions en français

Éditions de bibliophilie[modifier | modifier le code]

Évocations

  • Le roman de Marie Goudot, Lettre américaine (Paris, Libretto [archive], 2018) évoque la nature énigmatique des liens de Nathaniel Hawthorne avec Herman Melville.
  • Une baleine préhistorique de plus de 13 mètres de long, dont le crâne mesurait trois mètres et équipée de mâchoires munies de dents pouvant atteindre 36 cm de long, qui nageait au large des côtes du Pérou il y a entre 12 et 13 millions d'années a été nommée Leviathan melvillei et surnommée "Léviathan de Melville"19 en hommage à Herman et à son œuvre20.

Adaptations

Bibliographie

  • Maurice Blanchot, « Le secret de Melville », Journal des débats politiques et littéraires, sept. 1941 (consultable sur Gallica [archive]).
  • François Buhler, « Herman Melville » in Les Grands Ecrivains bipolaires, Art et santé mentale, tome 1, Publibook, 2018, (ISBN 9782342164398), p. 127-161.
  • Pierre Frederix, Herman Melville, Paris, Gallimard, 1950.
  • Jean Giono, Pour saluer Melville, Paris, Gallimard, 1941 ; rééd. 1986.
  • Philippe Jaworski, Melville : le desert et l'empire, Paris, Presses de l'École normale superieure, 1986.
  • Stéphane Lambert, Fraternelle mélancolie, Melville et Hawhtorne, une passion [archive], Paris, Arléa, 2018.
  • Marc Richir, Melville : les assises du monde, Paris, Hachette, 1996.
  • Lewis MumfordHerman Melville2006Éditions Sulliver, traduction en français, révisée, de Herman Melville: A Study of His Life and Vision, New York: Harcourt, Brace, and Co., 1929; London: Jonathan Cape, 1929
  • Gérald HervéOrphée interdit (1960), Talus d'approche, 2004, p. 85-99 (d'abord publié sous le titre « Herman Melville » dans la revue Arcadie nº 254, , p. 57-68
  • (it) Herman Melville, Profili di donne, opera a cura di Alberto Lehmann e Giulia Bogliolo Bruna, Maser (TV), Edizioni Amadeus, 1986 (un inédit de Herman Melville)
  • Les écrivains célèbres, Tome III, le xixe et le xxe siècles — Éditions d’art Lucien Mazenod, 1956
  • Elizabeth HardwickHerman Melville, traduction de Geneviève Bigant-Boddaert – Éditions FIDES, (ISBN 2-7621-2433-6), 202 p.
  • Peter SzendyLes Prophéties du texte-Léviathan. Lire selon Melville, Editions de Minuit, 2004.
  • (it) Realino Marra, Una giustizia senza diritti. La condanna di Billy Budd, «Materiali per una storia della cultura giuridica», XXXVI-1, 2006, pp. 103–17.
  • (it) Barbara Spinelli, Moby Dick, o L’ossessione del male, Brescia, Morcelliana, 2010.
  • Olivier Rey, Le testament de Melville. Penser le bien et le mal avec Billy Budd, Paris, NRF Gallimard, 2011.
  • Claude Minière, Encore cent ans pour Melville, Paris, Gallimard, coll. L'Infini, 2018.
  • André Stanguennec, « Herman Melville ou l'impossible subversion », in La morale des lettres, Paris, Vrin, 2005, Ch.VI, p.117-152.