Eliade
a murit in timp ce citea Exercices d'admiration a lui Cioran.
Eu
as vrea (si parva licet componere magnis) sa trec dincolo citind cartea lui
Bioy Casares,Inventia lui Morel. Cartea
perfecta, cum o numea Borges in prefata:
"Am
discutatcu autorul amanuntele intrigii,
am recitit cartea, nu mi se pare oinexactitate sau o hiperbola sa o calific drept perfecta".
Cred ca prietenia este poate FAPTUL
ESENTIAL al vietii. Prietenia, asa cum mi-a spus Adolpho Bioy Casares, are
acest avantaj asupra dragostei: nu are nevoie de nici o dovada. In cazul
dragostei, esti mereu ingrijorat daca esti iubit sau nu, esti mereu trist,
anxios, in timp ce in prietenie poti sa nu-ti fi vazut un prieten mai bine de
un an. El te-ar fi putut chiar desconsidera. Ar fi putut incerca sa te evite.
Dar, daca esti prietenul lui si stii ca el e prietenul tau, nu trebuie sa te
ingrijorezi. Prietenia, odata stabilita, nu mai are nevoie de nimic altceva.
Continua, pur si simplu. Functioneaza ceva magic, un fel de vraja. - Jorge Luis
Borges
============================ Nu eşti ceilalţi - Jorge Luis Borges
Dans un conte de Borges intitulé Undr - (le volume El Libro de Arena-Le livre de sable) -, un homme qui, instruit du
fait que la poésie des urnes (tribu mysterieuse)se compose d'un seul mot, se consacre à la
recherche de celui-ci, et, contrairement au descendants du poète exécuté par
l'Empereur, le trouve. "Il dit le mot undr,
qui veut dire 'merveille'". Tout comme sa référence, le mot est étrange,
dans une langue que je ne comprends pas; ses quatre lettres maintiennent le
mystère que le mot signifie: wonder désigne tout aussi bien la merveille que
l'étonnement face à l'événement paradoxal de la compréhension (undr-under...)
qui participe de façon ambivalente des deux formes de l'étonnement. Le mystère
est plus grand, parce que la transcription supprime les voyelles, comme si le
mot "se lisait en hébreu".
(…) Si mie viata mi-a dat totul.Tuturor viata le da totul,
dar cei mai multi nu-si dau seama de asta. Glasul meu e ostenit, iar degetele
imi sunt slabite, dar asculta-ma totusi. Rosti cuvantul Undr, care vrea sa insemne minune.
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Le poème est plus beau si nous devinons qu'il est l'expression d'un désir et non le récit (J.L.Borges)
---------------------------------------------------------------------------------- Tango : “Un gând trist care se dansează” (Jorge Luis Borges). Jorge Luis Borges
„Rătăcite şi cu greu regăsite, înregistrările conferinţelor
despre tangou ţinute de Borges în 1965 ne oferă o viziune nostalgică şi plină
de farmec, cum marii scriitori ştiu să plăsmuiască, asupra unuia dintre cele
mai răsunătoare fenomene ale culturii argentiniene, aureolat de o faimă
mondială – tangoul." (Andrei Ionescu)
“El infinito Tango me lleva hacia todo”,“ Tangoul infinit mă poartă către tot.
(J.L.Borges)
Jorge Luis Borges, Tangoul. Patru conferinţe,Seria de autor „Jorge Luis Borges”, Polirom 2018
Borges, pour qui s’intéresse un peu à la littérature, est un nom connu même de l’autre côté du globe. Et pour cause, il s’agit d’un des plus grands auteurs du XXème siècle. Son oeuvre unique, inclassable, a eu une influence indélébile sur des générations d’écrivains, et constitue aussi une référence pour les philosophes, philologues, psychanalistes, mythologues, mathématiciens … Rien que ça
Borges le jeune prodige
Né en 1899 à Buenos Aires, Borges grandit dans un contexte familial cultivé. Chez lui, on parle aussi bien anglais que castillan et son père nourrit une passion immodérée pour les livres. La bibliothèque paternelle est d’ailleurs un des piliers fondateurs de sa vie. Borges sera un lecteur avide et curieux, apprenti infatigable. A 9 ans il traduit une nouvelle d’Oscar Wilde. En 1914 et en raison de problèmes de santé de son père, la famille émigre en Europe et s’installe à Genève, où Borges, alors adolescent, continue ses études. Il apprend des langues aussi variées que l’allemand, l’italien, l’anglais ancien, l’arabe… En 1920, il revient vivre à Buenos Aires où il passera pratiquement le reste de sa vie. Il publie ses premiers textes, et fréquente les milieux littéraires de l’époque en particulier l’entourage de Victoria Ocampo. Il s’oppose ouvertement au gouvernement de Peron, et à la chute de celui-ci, il devient directeur de la Bibliothèque Nationale. Il intègre aussi l’Académie Argentine des Lettres et donne des cours à l’université de Buenos Aires.
Reconnaissance internationale et fin de vie
Dès les années 1940, il publie deux recueils de nouvelles fantastiques Fictions (1942) et L’Aleph (1949) qui le mènent à la consécration – cette oeuvre fait bien entendu partie de nos dix livres argentins pour mieux comprendre les Argentins. A cette même période se manifestent les premiers symptômes d’une maladie dégénérative qui lui fait perdre peu à peu la vue. Dans les années 1960, il acquiert une reconnaissance internationale et voyage à travers le monde entier pour donner des conférences et des interviews. Il reçoit de nombreux prix et distinctions (entre autres prix national de littérature 1956, prix Cervantes 1979 décerné par le roi d’Espagne -photo) mais malgré ses candidatures successives, n’obtiendra jamais le prix Nobel de Littérature. A la fin de sa vie, aveugle et malade, il décide de revenir vivre à Genève, la ville de sa jeunesse, où il meurt en 1986.
Une oeuvre à la fois universelle et argentine
L’oeuvre de Borges est très particulière: il est impossible de le cantonner à un seul courant littéraire. Il n’a jamais écrit aucun roman mais a su créer un univers et une esthétique qui lui sont propres. A ses débuts, il écrit plutôt de la poésie mais ce sont surtout ses recueils de contes fantastiques qui sont considérés comme ses chefs-d’oeuvre.
Une oeuvre universelle
Son érudition encyclopédique et ses nombreuses références (littérature étrangère, mythes, textes sacrés du monde) donnent une dimension universelle à son oeuvre. Il condense les discours philosophiques les plus divers, explore les limites du langage, les symboles, les mathématiques, les mythes, les textes sacrés des religions… L’écriture de Borges est imprégnée notamment de la philosophie ideáliste, qui considère que l’homme et le monde existent seulement dans l’esprit de celui qui le perçoit. Ses textes fantastiques jouent sur l’idée que tout est partout et dans chaque chose et sur la conception d’un temps circulaire. L’histoire ne serait pas linéaire, mais cyclique: une série d’événements similaires qui se répéteraient sans fin dans des circonstances différentes.
Des racines profondément argentines
L’auteur ne renie pas pour autant son identité argentine. Il reprend en effet la figure du gaucho, en particulier le Martin Fierro, et invente par exemple la biographie d’un personnage de ce poème emblématique de la littérature gauchesque. (ici notre article sur ce mouvent argentin!). Dans son recueil de poèmes » Fervor de Buenos Aires « , il évoque l’ambiance de son quartier d’enfance, Palermo, alors zone mal famée, peuplée de marginaux. Il déclare que les » rues de Buenos Aires sont ses entrailles « . Il écrit aussi des paroles de tango.
Tout au long de son oeuvre, il construit même une espèce de mythe familial, revendiquant un double lignage. Cet héritage est pour lui ce qui définit la culture argentine. Du côté de sa mère, il descend de valeureux soldats qui ont lutté lors des guerres de l’indépendance, héros liés à la mort et au courage. De la famille de son père, il hérite une immense culture littéraire dont la bibliothèque paternelle constitue l’espace symbolique.
Dans ses récits, faisant référence à ses ancêtres, il oppose les armes et les lettres, le courage et les livres, l’oral et l’écrit. Ainsi, Borges reproduit à sa manière la contradiction entre civilisation et barbarie, intrinsèque à l’Argentine selon l’idéologie diffusée par Sarmiento au long du XIXème siècle.
Le saviez-vous?
A Buenos Aires, la rue de Palermo où il a grandi a été rebaptisée en son nom. Sa maison d’enfance au 2135 de la rue Borges n’existe plus mais une plaque rappelle son souvenir. Sa deuxième résidence se trouve à Recoleta, au nº 2190 de l’avenue Pueyrredon. Chaque 24 août on célèbre la journée du lecteur en mémoire du jour de naissance de l’écrivain.
Umberto Eco, écrivain et philosophe italien, est un véritable admirateur de l’oeuvre de Borges. Dans son roman Le Nom de la rose, adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud, le personnage de Jorge de Burgos, bibliothécaire aveugle, est un hommage à l’écrivain argentin.
Dialogue, de Jorge Luis Borges et Victoria Ocampo (Bartillat)
La voix de Jorges Luis Borges est inoubliable. Dans son œuvre, il aimait la thématique du double, comme Maupassant qui, lui, était malade, souffrant d’autoscopie, c’est-à-dire croire avoir rendez-vous avec soi-même. Il aimait la France car il estimait que les lecteurs français avaient amélioré son œuvre. Borges avait même l’élégance d’être humble. La France depuis Roger Caillois a établi un lien indestructible avec l’Amsud, en particulier l’Argentine.
Voici un livre destiné aux amoureux des Belles Lettres comme on disait jadis.
On peut se féliciter qu’il existe encore un éditeur pour éditer un livre aussi beau dans sa fabrication. Sur un magnifique papier ivoire, on trouve l’entretien à deux voix entre Borges et Victoria Ocampo, la fondatrice de la mythique revue SUR dont le premier numéro fut disponible dès 1931.
Avant de lire Borges, je l’ai entendu à la radio. Il parlait un français impeccable, en recherchant son souffle. Moi de l’autre côté du poste, j’avais le mien coupé. Tout ce qu’il disait était d’une beauté inouie. Beauté auditive et beauté visuelle tant il avait la capacité à faire surgir des images. Je l’entends encore parler de la Voile lactée. Je ne suis vu soudainement dans le ciel, genre Peter Pan. Quelle force dans l’évocation !
Sa voix était comme celle d’un homme qui se raccrochait au rebord de sa tombe pour ne pas être enseveli. Il en redemandait, n’avait pas fini de tout aimer, de tout dire. Quasiment, aveugle il ne voyait pas presque plus, sauf des ombres, lui qui suivait tant de fantômes, à commencer par son double.
Je ne le connaissais pourtant je reconnaissais un ami.
Borges disait que même dans le plus mauvais livre, il y avait souvent une belle phrase et qu’il fallait donc le lire pour la trouver.
Le dialogue entre Borges et son ami et admiratrice permet à l’écrivain d’évoquer sa famille, ses parents et ses grands-parents. On les découvre sur plusieurs photos qui accompagnent la lecture du livre. Des photos en noir et blanc qui, sauvées de l’oubli, restituent bien toute la fragilité de l’existence. Que reste-t-il ? On le sait des photos, et aussi parfois des livres quand il y a un écrivain dans la famille. Le dialogue est surtout centré sur Borges mais celui-ci n’est pas un adepte du soliloque exaspérant. Il est toujours prêt à partager ce qu’il sait ou ignore. Borges est l’un des rares écrivains à entremêler avec infiniment de naturel la poésie et la réflexion, la culture et la grâce du réel. On nous dit que les deux amis ont parfois eu des tensions. On a du mal à les imaginer tant Borges et Ocampo sont complices.
-Dialogue, de Jorge Luis Borges et Victoria Ocampo, préface de Maria Kodama. Introduction d’Odile Felgine. Traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou. Bartillat, 160 p., 20 €http://www.blogmorlino.com/index.php/2014/05/21/title_818
Télégramme et carte de visite à Gaston Gallimard, 4 février et 21 mars 1946 : Borges cède les droits de traduction de Fictions aux Éditions Gallimard. " Monsieur, / Ci-joint le contrat signé...
Jorge Luis Borges, Fictions (Ficciones), traduit de l'espagnol par P. Verdevoye, Ibarra et Roger Caillois, éditions Gallimard, collection Folio, 1983
Né en 1899 à Buenos Aires, Jorge Luis Borges est mort à Genève le 14 juin 1986. Après des études secondaires en Suisse où la Grande Guerre le surprend avec sa famille, il s'installe en Espagne où il adhère au mouvement ultraïste. Dès son retour en Argentine, il fonde une revue et, en 1923, publie son premier recueil de poèmes.
En 1938, après la mort de son père, il accepte un emploi dans une bibliothèque de Buenos Aires. Huit ans plus tard, il perd son poste. La chute du gouvernement péroniste en 1955 lui permet d'être nommé directeur de la Bibliothèque nationale et professeur à la faculté de Lettres. Il est élu membre de l'académie argentine des Lettres, voyage fréquemment aux Etats-Unis, en Europe, au Japon où il donne de nombreuses conférences et dirige des séminaires d'études.
Conteur, essayiste, il est reconnu comme l'un des maîtres de la littérature du XXème siècle. Toute son oeuvre est maintenant traduite en langue française et ses recueils de nouvelles - Fictions, l'Aleph, Le Livre de sable - ainsi que ses livres de poèmes et ses essais - Discussions, Enquêtes - s'inscrivent déjà comme des classiques dans la littérature contemporaine.
Fictions (en espagnol : Ficciones) est un recueil de nouvelles de Jorge Luis Borges publié en 1944, pour lequel il reçoit le Prix international des éditeurs en 1961. L'ouvrage est divisé en parties : "Le jardin aux sentiers qui bifurquent" et "Artifices".
"Considéré, avec Aleph, comme son livre le plus important, Fictions, auquel Borges rajoute trois textes lors de sa réédition en 1956, n’a cessé d’exercer une fascination chez les écrivains, les critiques et les philosophes, aussi bien en Europe (chez Foucault, Deleuze, Genette, Manguel, Réda…), qu’en Amérique latine où, en suggérant les « possibilités littéraires de la métaphysique », il a libéré la narration d’une attache stricte au réalisme social. Il a par ailleurs renouvelé le rapport qu’entretenait la littérature avec sa propre histoire, avec la vérité. Interrogé sur l’originalité foncière de cet ouvrage et sur son influence, Borges préférait souligner, avec une humilité malicieuse, qu’il n’avait que falsifié des textes existants, comme si presque tout ce qu’il a écrit se trouvait déjà chez Kafka, chez Poe, chez Chesterton et quelques autres." (source : Gallimard)
Table des matières :
Le jardin aux sentiers qui bifurquent :
Prologue - Tlön Uqbar Tertius - L'approche d'Almotasim - Pierre Ménard, auteur du Quichotte - Les ruines circulaires - La loterie à Babylone - La bibliothèque de Babel - Examen de l'oeuvre d'Herbert Quain - Le jardin aux sentiers qui bifurquent
Artifices :
Prologue - Funès ou la mémoire - La forme de l'épée - Thème du traître et du héros - La mort et la boussole - Le miracle secret - Trois versions de Judas - La fin - La secte du Phénix - Le Sud
Ces nouvelles toutes plus jubilatoires les unes que les autres initient aux paradoxes vertigineux de l'univers borgésien et aux principaux thèmes qui le hantent : l'érudition abyssale, la quête spirituelle, les romans et les écrivains imaginaires, la ténuité de la frontière entre fiction et réalité, le hasard et la nécessité, le fini et l'infini, la multiplicité des interprétations, l'impossibilité de conclure, le traître et le héros, le destin, les miroirs, les jardins et les labyrinthes...
Tlön Uqbar Tertius: la destinée d'un livre imaginaire sur une civilisation tout aussi imaginaire, mais qui finit par changer, puis par supplanter la réalité.
L'approche d'Almotassim : "Quelque part sur la terre il y a un homme d'où procède cette clarté ; quelque part sur la terre, il y a un homme qui est pareil à cette clarté." La longue et douloureuse quête d'un maître spirituel, à travers les reflets de son rayonnement, y compris chez les êtres les plus indignes.
Pierre Ménard, auteur du Quichotte: un obscur écrivain contemporain réécrit au mot près leDon Quichotte de Cervantès (ce sont les mêmes mots, mais ce n'est pas le même texte !) et finit par passer pour le véritable auteur du livre.
Les ruines circulaires : Un magicien crée un disciple parfait, un être de feu semblable à un homme, avant de se rendre compte qu'il est lui-même le rêve d'un autre.
La loterie à Babylone : Evocation d'une civilisation fondée sur une organisation de plus en plus injuste et cruelle du hasard, par une entité toute-puissante, "La Compagnie", avec l'assentiment et la collaboration zélée de la population.
La bibliothèque de Babel : "La Bibliothèque est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque, et dont la circonférence est inaccessible." (p.72)
"Chacun des murs de chaque hexagone porte cinq étagères : chaque étagère comprend trente-deux livres, tous de même format ; chaque livre a quatre cent dix pages, quarante lignes, et chaque ligne, environ quatre-vingts caractères noirs. Il y a aussi des lettres sur le dos de chaque livre ; ces lettres n'indiquent ni ne préfigurent ce que diront les pages..." (p.73)
La Bibliothèque existe "ab aeterno" (de toute éternité). "La Bibliothèque est totale et ses étagères consignent toutes les combinaisons possibles des vingt et quelques symboles orthographiques (nombre, quoique très vaste, non infini), c'est-à-dire tout ce qui est possible d'exprimer, dans toutes les langues. Tout : l'histoire minutieuse de l'avenir, les autobiographies des archanges, le catalogue fidèle de la Bibliothèque, des milliers et des milliers de catalogues mensongers, la démonstration de la fausseté du catalogue véritable, l'évangile gnostique de Basilide, le commentaire de cet évangile, le récit véridique de ta mort, la traduction de chaque livre dans toutes les langues, les interprétations de chaque livre dans tous les livres." (p.76)
Examen de l'oeuvre d'Herbert Quain : Examen des procédés d'écriture d'un auteur imaginaire auquel le narrateur attribue "Les ruines circulaires", la quatrième nouvelle du recueil de Borges.
Le jardin aux sentiers qui bifurquent : première des quatre nouvelles du recueil sur l'un des thèmes de prédilection de Borges : celui du traître et du héros. Dans le "jardin aux sentiers qui bifurquent", un espion tue son bienfaiteur pour s'attirer la considération de ses supérieurs, tout en sachant qu'il ne pourra pas échapper au châtiment..
Funes ou la mémoire : A la suite d'un accident, un homme développe des capacités psychiques de mémoire et de perception hors du commun.
La forme de l'épée : deuxième apparition du thème du traître. Un homme affreusement balafré raconte à un visiteur (Borges lui-même) les circonstances de sa blessure.
Thème du traître et du héros : troisième variation sur le même thème. Enquête sur la mort d'un leader indépendantiste irlandais ou comment et pourquoi on peut transformer un traître en héros.
La mort et la boussole : cette nouvelle est à cheval entre deux genres : le roman policier et le fantastique métaphysique. Un rabbin spécialiste de l'ésotérisme hébraïque est retrouvé poignardé dans un hôtel. Peu après, un autre homme est retrouvé, également poignardé, dans un autre quartier de la ville, un message écrit à la craie auprès de lui : "La deuxième lettre du Nom a été articulée." (il s'agit du nom de Yahvé qui comporte quatre lettres en hébreu). Un troisième meurtre est commis avec un message quasiment identique : "La troisième lettre du Nom a été articulée."
Deux hypothèses s'offrent aux enquêteurs : la première fondée sur les activités ésotériques du rabbin, la seconde sur un motif plus terre-à-terre (le rabbin possédait des saphirs). L'enquêteur Lonrött, qui a réussi à déduire où se produirait le quatrième et dernier crime, se rend sur les lieux, l'étrange villa de Triste-Le-Roi, avec ses statues de déesses gréco-romaines et son jardin abandonné, pour découvir la vérité et affronter son propre destin.
Le miracle secret : un écrivain tchèque d'origine juive condamné à mort par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, obtient de Dieu qu'il suspende le temps au moment de son exécution afin de lui permettre d'écrire le livre de sa vie.
Trois versions de Judas : encore le thème du traître, avec la figure du traître par excellence, Judas Iscariote, qui livra Jésus aux Romains. Un théologien audacieux examine l'interprétation traditionnelle de la trahison de Judas, en démontre les insuffisances et en propose trois autres qui réhabilitent Judas.
La fin : réécriture d'une célèbre épopée populaire argentine sur le thème de la vengeance.
La secte du phénix : évocation d'une secte immortelle (comme le phénix qui est censé renaître de ses cendres) fondée sur un "Secret" et des rituels en apparence dérisoires utilisant des matériaux sans valeur (du limon, du liège, de la cire, de la gomme arabique) et dont les enseignements sont transmis par les membres les plus humbles de la communauté : les enfants, les esclaves, les mendiants et les lépreux.
Le Sud : un homme victime d'un accident à la tête (comme le fut Borges lui-même) se retrouve entre la vie et la mort. Il est opéré dans une clinique de Buenos Aires où il passe de longs jours de convalescence. Remis sur pied, il se rend en train vers "le Sud" pour retrouver son estancia. Pour une raison inconnue, le train s'arrête avant la gare habituelle ; l'homme descend et "pour ajouter un fait nouveau à la journée et pour passer le temps", il décide de dîner dans une "boutique" où un inconnu le provoque en duel. Un vieux gaucho lui jette un couteau. Il le ramasse et sort dans la plaine avec l'homme qui l'a provoqué, à la rencontre de son destin.http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2016/07/j-l-borges-fictions.html
Les livres sont souvent les étincelles d'autres livres et ceci est particulièrement vrai de L'Aleph qui nous étourdit d'un tourbillon de références érudites. Jorge Luis Borges prend visiblement plaisir à accumuler citations littéraires, philosophiques et religieuses dont il n'est pas toujours facile de saisir l'intégralité de la portée quand on possède une culture lacunaire comme la mienne. Aussi, vouloir rendre compte de ce livre en toute « innocence » - j'assume l'ambiguïté du terme ! - semblera peut-être à certains bien présomptueux...
Les livres sont souvent les étincelles d'autres livres et ceci est particulièrement vrai de L'Aleph qui nous étourdit d'un tourbillon de références érudites. Jorge Luis Borges prend visiblement plaisir à accumuler citations littéraires, philosophiques et religieuses dont il n'est pas toujours facile de saisir l'intégralité de la portée quand on possède une culture lacunaire comme la mienne. Aussi, vouloir rendre compte de ce livre en toute « innocence » - j'assume l'ambiguïté du terme ! - semblera peut-être à certains bien présomptueux...
L'Aleph est un recueil de nouvelles mystérieuses, à la frontière du conte métaphysique et du récit fantastique, voire de l'énigme policière, qui répètent à l'infini de troublantes symétries.
Démiurge enfermant le lecteur dans un labyrinthe inextricable aux multiples ramifications, Borges encercle son sujet, « l'inconcevable univers » telle une araignée tissant sa toile. Ses dix-sept nouvelles reprennent les mêmes thèmes en se bornant à déplacer l'angle de vision, à changer de lieu, d'époque et de personnages. Et l'auteur se fait photographe, jouant de son objectif en passant sans cesse du zoom au grand angle pour grossir des détails qui s'estomperont dans un plan plus éloigné.
Le changement d'échelle est en effet au coeur de L'Aleph, illustrant combien la « réalité » est dérisoire : l'arc du cercle semble toujours une droite à celui qui le parcourt. Qu'importent alors « l'avers ou le revers de la médaille », l'ami ou l'ennemi, le coupable ou l'innocent! A l'échelle de l'éternité notre monde visible perd tout son sens . Il n'y a plus de singularité, plus de responsabilité. Individus, lieux et évènements deviennent interchangeables et ce que l'on croyait unique s'avère n'être que répétition...
Les différentes nouvelles cherchent ainsi à approcher l'infini de l'univers, celui de l'espace et du temps ou se dissout l'individualité. Elles sont voyages ou expériences initiatiques , lambeaux de rêves qui s'effilochent à la lumière du jour ou révélations soudaines à l'approche de la mort, quand le négatif s'inverse et qu'en un instant se déroule le film d'une vie équivalente à toute vie, tentatives pour figurer Dieu à défaut de pouvoir l'écrire. Et L'Aleph semble ainsi « une espèce de tigre infini (...) fait de nombreux tigres, de vertigineuse façon »...
L'univers décrit par Borges manque d'humanité . Ses personnages sont dépourvus de chair car leur individualité illusoire importe peu à un auteur qui ne s'intéresse qu'à la folie des abîmes insondables dans lesquels il cherche à nous entraîner .
Et si la construction vertigineuse de ce recueil est fascinante, les nouvelles qui le composent ne le sont pas toutes. Certaines sont moins denses que d'autres et, surtout, d'une lecture ennuyeuse car elles souffrent de l'excès d'un procédé stylistique courant dans la littérature fantastique - consistant à donner des détails réalistes pour brouiller la frontière entre réel et irréel. La surabondance de ces précisions de dates, de ces déclinaisons exhaustives d'identités et de ces descriptions minutieuses de lieux, aussi fastidieuse et inefficace que l'impossible dénombrement des taches d'un jaguar, provoque souvent un effet de saturation , renforcé par la répétition de ce procédé, à des degrés divers, dans les dix-sept nouvelles du livre.
Mais ce défaut n'est pas maladresse de la part d'un auteur qui délibérément accumule ces détails de manière quasi obsessionnelle pour bien montrer l'impuissance du langage, s'inscrivant dans la successivité, à décrire l'épaisseur de l'infini.
De ce recueil émergent néanmoins plusieurs nouvelles flamboyantes qui vous marquent durablement.
Pour moi, ce sont L'Immortel qui ouvre le livre en nous entraînant dans une odyssée initiatique à la fois étrange et familière, L'écriture du Dieu, un récit proprement envoûtant, Abenhacan el Bakhari mort dans son labyrinthe, une énigme policière surnaturelle dont la résolution admet plusieurs vérités, Le Zahir, pièce de monnaie passant de mains en mains, mais aussi un des quatre- vingt- dix-neuf noms de Dieu, et L'Aleph, la magnifique nouvelle éponyme qui termine le livre , sans véritablement le clore pour le lecteur...
L'Aleph, Jorge Luis Borges, Gallimard 1967 pour la traduction française de R. Caillois et R.-L.-F. Durand, collection l'imaginaire 1977 /2009, prix : 6,65 €
(El aleph, Emece Editores Sociedad Anònima,1962)
EXTRAITS
L'Immortel, p.26/27
(...) L'humilité et la misère du Troglodyte ressuscitèrent dans ma mémoire l'image d'Argos, le vieux chien moribond de l'Odyssée. Je lui donnai donc ce nom et j'essayai de le lui apprendre. J'échouai, et plus d'une fois; les ruses, la rigueur et l'obstination se révélèrent également vaines. Immobile, les yeux fixes, il ne paraissait pas entendre les sons que je tentais de lui inculquer. A quelques pas de moi, il semblait extrêmement loin. Etendu sur le sable, comme un petit sphynx de lave écroulé, il laissait tourner sur lui les cieux depuis le crépuscule de l'aube jusqu'à celui du soir. J'estimai impossible qu'il ne comprît pas mon dessein. Je me rappelai que les Ethiopiens sont persuadés que les singes, délibérément, ne parlent pas, pour qu'on ne les oblige pas à travailler. J'attribuai au soupçon ou à la peur le silence d'Argos. De cette hypothèse, je passai à d'autres, non moins extravagantes. Je pensai qu'Argos et moi appartenions à des univers distincts; je pensai que nos perceptions étaient identiques , mais qu'Argos les combinait de façon différente et construisait avec elles d'autres objets; je pensai qu'il n'existait peut-être pas d'objet pour lui, mais un va-et-vient continuel et vertigineux d'impressions d'une extrême brièveté. Je pensai à un monde sans mémoire, sans durée; j'examinai la possibilité d'un langage qui ignorerait les substantifs, un langage de verbes impersonnels et d'épithètes indéclinables. Ainsi mouraient les jours et, avec les jours, les années, pourtant quelque chose de pareil au bonheur arriva un matin. Il plut avec une puissante lenteur. (...)
L'écriture du Dieu, p.150/15
(...)Alors la pitié emplit mon âme. J'imaginai le premier matin du temps. J'imaginai mon dieu confiant son message à la peau vivante des jaguars qui s'accoupleraient et s'engendreraient sans fin dans les cavernes, dans les plantations, dans les îles, afin que les derniers hommes le reçoivent. J'imaginai ce réseau de tigres, ce brulant labyrinthe de tigres, répandant l'horreur dans les prés et les troupeaux, pour conserver un dessin. La cellule adjacente contenait un jaguar. Dans ce voisinage j'aperçus la confirmation de ma conjecture et une secrète faveur.
Je passai de longues années à apprendre l'ordre et la disposition des taches. Chaque aveugle journée me consentait un instant de lumière et je pouvais alors fixer dans ma mémoire les formes noires qui marquaient le pelage jaune. Quelques-unes figuraient des points, d'autres formaient des raies transversales sur la face intérieure des pattes; d'autres, annulaires, se répétaient. Peut-être était-ce un même son ou un même mot. Beaucoup avaient des bords rouges.
Je ne dirai pas mes fatigues et ma peine. Plus d'une fois, je criai aux murs qu'il est impossible de déchiffrer un pareil texte. Insensiblement, l'énigme concrète qui m'occupait me tourmenta moins que l'énigme générique que constitue une sentence écrite par un dieu. « Quelle sorte de sentence, me demandai-je, devait formuler une intelligence absolue?» Je réfléchis que, même dans les langages humains, il n'y a pas de proposition qui ne suppose pas l'univers entier. Dire « le tigre », c'est dire les tigres qui l'engendrèrent, les cerfs et les tortues qu'il dévora, l'herbe dont se nourrissent les cerfs, la terre qui fut la mère de l'herbe, le ciel qui donna le jour à la terre.(...)
Abenhacan el Bokhari, mort dans son labyrinthe, p.165/166
(...)La sage réflexion que je te soumets présentement m'éclaira l'autre nuit, quand nous entendions pleuvoir sur le labyrinthe en attendant le sommeil. Averti et réconforté par elle, je choisis d'oublier tes absurdités et de penser à quelque chose de sensé.
- A la théorie des ensembles ou à la quatrième dimension de l'espace, proposa Duraven.
- Non, dit Unwin sérieusement, j'ai pensé au labyrinthe de Crète. Un labyrinthe dont le centre était un homme à tête de taureau. »
Dunraven, expert en romans policiers, pensa que la solution du mystère était toujours inférieure au mystère lui-même. Le mystère relève du surnaturel et même du divin; la solution, de la prestidigitation. Pour différer l'inévitable, il objecta :
« Le Minotaure a une tête de taureau sur les monnaies et sur les bas-reliefs. Dante l'imagina au contraire avec un corps de taureau et une tête d'homme.
- Cette version me convient aussi, consentit Unwin. L'important est la correspondance de la maison monstrueuse avec l'habitant monstrueux. Le Minotaure justifie, et au-delà, l'existence du labyrinthe. Personne ne dirait la même chose d'une menace perçue en rêve. Une fois évoquée l'image du Minotaure ( évocation fatale dès qu'il y a labyrinthe), le problème était virtuellement résolu. Toutefois, je confesse que je n'ai pas compris que cette antique image m'apportait la clé du mystère, si bien qu'il fut nécessaire que ton récit me fournisse un symbole plus précis : la toile d'araignée.
Les propriétés vertigineuses de la bibliothèque « univers » de Babel
L’idée d’une bibliothèque infinie est imaginée pour la première fois par le mathématicien et écrivain allemand Kurd Lasswitz. Dans sa nouvelle « La bibliothèque universelle », parue en 1904, soit quelques années avant sa mort, Lasswitz imagine une bibliothèque pouvant contenir toutes les œuvres possibles de l’humanité. Raisonnant en bon mathématicien, il sait que les combinaisons de tous les caractères de l’alphabet aboutissent à un nombre fini.
Jorge Luis Borges, écrivain argentin du XXe siècle, s’en inspire et publie en 1941 une de ses plus célèbres nouvelles, « La bibliothèque de Babel ». La bibliothèque de Babel est une bibliothèque univers, c’est-à-dire qu’elle est tellement grande qu’elle contient tous les textes possibles et imaginables, sa taille constitue un défi à l’imagination humaine.
La bibliothèque du vertige
Combien de livres contient-elle exactement ? Un nombre colossal. Pour le comprendre, il faut préciser le « fonctionnement » de la bibliothèque : selon Borges, chaque livre qu’elle possède contient 410 pages et chaque page contient 40 lignes de texte, elles-mêmes composées de 80 caractères chacune. Chaque livre contient donc 1 312 000 caractères et utilise toutes les lettres de l’alphabet (26 lettres), plus l’espace, la virgule et le point, ce qui porte à 29 le nombre de signes différents utilisables.
La bibliothèque comporte donc 291 312 000 livres (29 multiplié par lui-même 1 312 000 fois), ce qui donne un nombre composé de près de deux millions de chiffres. Pour prendre la mesure d’un tel nombre, l’imprimer requerrait 500 pages A4, remplirait un roman de 1 100 pages en format de poche et, écrit en ligne droite, mesurerait environ 3,54 kilomètres de long.
La place que prendrait une telle bibliothèque donne le tournis. Si l’on imagine qu’un livre occupe un volume de 3 000 cm3, et si l’on part du postulat que l’univers observable est une sphère de 46 milliards d’années-lumière de rayon (ce qui est une approximation rapide, mais passons), de rapides calculs indiquent que l’on peut stocker dans cet univers environ 2,8 × 1050 livres. Si elle existait, la bibliothèque imaginée par Borges remplirait non seulement l’univers tout entier, mais en nécessiterait beaucoup plus. Combien ? Environ 101 918 616, ce qui constitue un nombre à peu près aussi grand que celui mentionné plus haut. Vertigineux, non ?
L’infini (ou presque) permis par le numérique
Tellement vertigineux que l’idée même qu’une telle bibliothèque existe est longtemps restée au stade d’utopie et dans l’imagination de Jorge Luis Borges et de ses lecteurs. Pourtant, à défaut d’exister physiquement, la bibliothèque existe aujourd’hui numériquement.
Créée par Jonathan Basile, libraryofbabel.info reproduit (presque) exactement le fonctionnement de la bibliothèque décrite par Jorge Luis Borges. Fidèle à la nouvelle parue en 1941, la bibliothèque numérique est organisée en pièces hexagonales identiques, dont 4 des murs abritent des livres sur cinq étagères chacun.
Chaque étagère comporte 32 livres de 410 pages chacun. Et chaque page de chaque livre, de chaque étagère, de chaque pièce est accessible. L’immense majorité de ces pages renferment des suites incompréhensibles de caractères. Pourtant, parmi ces milliards et milliards de pages, se trouvent forcément des livres que vous avez lus. Ces pages contiennent pratiquement tout : vous y trouverez aussi bien les aventures de votre héros de roman préféré que le manuel d’utilisation de votre aspirateur, les évangiles de la Bible ou les versets du Coran, les articles de l’Encyclopédie de Diderot, les poèmes de Shakespeare, toutes les pages de votre journal intime, toutes les théories mathématiques jamais écrites, tous les secrets, tous les rêves, tous les récits et tous les noms, même votre nom et votre histoire, existent déjà dans l’immensité de la bibliothèque de Babel.
Parmi ces pages inexplorées se trouve aussi tout ce qui n’a jamais été écrit mais qui le sera peut-être un jour. Combien de chefs-d’œuvre de littérature inconnus ou futurs se cachent dans cette bibliothèque ? Les proses à venir d’un futur Rimbaud s’y trouvent déjà, tout comme les prochains romans de Michel Houellebecq. Même cet article, ces lignes y sont déjà écrites.
La bibliothèque créée par Basile est différente de celle imaginée par Borges en cela qu’elle ne contient pas tous les livres possibles mais seulement toutes les pages possibles. La bibliothèque contient donc environ 4,7 × 104 679 pages différentes, réparties dans 104 677 livres.
Bien sûr, la bibliothèque contient tellement d’information qu’il serait impossible de la stocker numériquement. Le contenu de la bibliothèque est généré à partir d’un algorithme spécial créé par Jonathan Basile. Chaque page a un numéro unique qui lui est propre et qui l’identifie dans la bibliothèque. L’algorithme utilise ensuite ce numéro de page pour générer un nombre pseudo-aléatoire unique qui est lui-même converti en base 29, c’est-à-dire en texte utilisant les 29 signes cités précédemment : le texte de la page est généré. Le même numéro de page créera donc la même page à chaque fois.
L’opération inverse est possible : à partir d’un texte, l’algorithme peut retrouver le numéro de la page le contenant et donc la « localisation » de la page. En quelque sorte, le contenu de la page est prédéterminé et existe déjà, certes perdu dans la gigantesque botte de foin de cette bibliothèque, mais bel et bien réel.
Tout ce que vous écrirez ou pourriez écrire est déjà là, quelque part. Il suffit juste de chercher.
était francophobe. C’est d’ailleurs aussi parce qu’il était francophobe qu’il a poussé la provocation jusqu’à préférer Genève à Paris. Et à s’y faire enterrer.
D’où lui venait sa francophobie? Peut-être du fait qu’il devait beaucoup à la France et à sa culture. Beaucoup trop. A commencer par sa célébrité, non seulement en France et en Europe, mais également chez lui, à Buenos Aires. Son itinéraire littéraire dépend lui aussi largement de l’influence française, plus précisément de la Nouvelle Revue française, groupe à tendance puritaine qui prêchait la rigueur (littéraire bien entendu), la réserve, l’épargne des moyens, et dont plusieurs membres – Caillois, Gide, Paulhan – contestaient la suprématie du roman jusqu’à y être plutôt hostiles. Cette fronde contre le roman, qui participait d’une mouvance de la culture française de l’entre deux guerres (voyez Paul Valéry), a vraisemblablement exercé une influence décisive sur la pensée du jeune intellectuel argentin. Entre ses premiers écrits, par exemple Evaristo Carriego (publié en 1930) – monographie sur un poète de tangos des bas-fonds de Buenos Aires – et Fictions ou L’Aleph, ses chefs-d’œuvre, on voit tout ce que Borges a dû rejeter comme scories extralittéraires – couleur locale, saveur des faubourgs ou poussière des rues – pour arriver à la quintessence d’une prose désincarnée. Certes, quiconque connaît un tant soit peu l’Amérique latine sait que l’Argentine ne ressemble à aucun autre pays latino américain, que Buenos Aires est aussi proche de Paris qu’elle est différente de Quito, de Bogota et de Rio. Que les grandes étendues vides de la pampa s’opposent radicalement aux parures baroques et à l’exubérance des villes et paysages de ses voisins du nord. Et, donc, que seul un écrivain argentin pouvait à ce point s’imprégner de la culture française et s’éloigner autant de celle de son continent.
La précision et la concision stylistiques de Borges sont absolues. Son économie, son laconisme placent ses écrits à des lieues des gros romans luxuriants à l’imagination flamboyante de la tradition latino américaine, au baroque et aux excès du réalisme magique. Un de ses personnages, le peintre Marta Pizarro, dit de la langue espagnole «qu’elle est moins apte à l’expression de la pensée qu’à la vanité bavarde». Puisque Borges l’affirme (on sent bien que le peintre est son porte parole), osons surenchérir aux mépris des clichés. L’espagnol, spécialement en Amérique latine, est une langue «bavarde», abondante, exubérante, d’une grande expressivité émotionnelle, mais conceptuellement imprécise. Elle exprime la manière d’être d’un peuple pour qui l’émotif et le concret prévalent sur l’intellectuel et l’abstrait, pour qui les idées s’incarnent davantage dans des sensations et des émotions, bref dans du vécu, que dans un discours logique – ce qui expliquerait, selon Mario Vargas Llosa, qu’en espagnol la littérature soit si riche et la philosophie si pauvre. A l’inverse, plus proches de ceux d’un Gide ou d’un Valéry par exemple, les textes de Borges contiennent toujours un plan conceptuel et logique qui prévaut sur tous les autres. Un monde épuré, clair et désincarné qui tend vers une spéculation de caractère philosophique ou théologique. La phrase suivante, tirée du prologue du Jardin aux sentiers qui bifurquent (1941), exprime bien la conception littéraire de Borges: «Délire laborieux et appauvrissant que de composer de vastes livres, de développer en cinq cent pages une idée que l’on peut très bien exposer oralement en quelques minutes». Notre auteur suppose donc que tout roman se résume au développement d’une thèse – sous forme de concepts, de conjectures, de spéculations, de théories – que les éléments fictionnels ont pour simple fonction d’habiller, de camoufler, comme le feuillage le fait du tronc. A la nuance que cet habillage est totalement superflu et ne revêt pour lui aucune valeur esthétique ou artistique. Imaginez Les Trois Mousquetaires ou La Chartreuse de Parme réduits à quelques concepts! Cette peur, ce dédain de l’abondance, l’amène donc à supprimer de la fiction la plupart des éléments qui en fondent le genre. Certains y verront une purification, d’autres un appauvrissement. Sans vouloir trancher, je dirais que Borges est à la fiction ce que Giacometti est à la sculpture. Placez une sculpture de Giacometti à côté d’une sculpture de Botero et vous aurez une idée de ce qui le sépare de ses collègues du réalisme magique, comme Garcia Marquez par exemple.
Exagération mise à part et plus sérieusement, quand on mesure le fossé culturel entre une région marquée par la raison, la retenue, l’ordre, la gravité, unifiée par Descartes et Voltaire, étouffée par les banques et par la peur de perdre, et la disparité anarchique des pays ibéro américains où le rêve, la magie, l’illusion ne se distinguent guère de la réalité, de la religion, du projet, on voit à quel point Borges s’est éloigné de sa culture et de ses origines pour se franciser. D’où probablement sa francophobie comme garante d’une identité menacée tour à tour d’éclatement ou de dilution. Souvenons-nous qu’il a poussé l’iconoclasme jusqu’à s’affilier au parti conservateur, en pleine hystérie sartrienne, sous le prétexte que les hommes de cœur épousent de préférence les causes perdues. Et quand on sait, outre sa francophobie, que le tempérament sec du«Genevois» Borges n’éprouvait pour le tempérament généreux du «Vaudois» Simenon qu’un mépris aussi tranchant que définitif, on se dit que, décidément, Borges et Genève étaient destinés à se rencontrer pour l’éternité.http://blogres.blog.tdg.ch/archive/2009/12/20/borges-grancophobe.html
Le livre de sable de Jorge Luis Borges
El libro de arena
Relecture
Ce recueil de treize textes, écrits entre 1970 et 1975, Borges l’a présenté comme étant son livre préféré, « comme un exutoire qui délivre », alors qu’il était « prisonnier d’une bibliothèque de Buenos Aires », comme « un seul volume où il y a tout. » Tous ses thèmes de prédilection, toutes ses obsessions y sont, mais cette fois retranscrits de manière sobre. Mon texte préféré, L’Autre***, ouvre ce recueil :
« Le fait se produisit en février 1969, au nord de Boston, à Cambridge. Je ne l’ai pas relaté aussitôt car ma première intention avait été de l’oublier pour ne pas perdre la raison. Aujourd’hui, en 1972, je pense que si je le relate, on le prendra pour un conte et qu’avec le temps, peut-être, il le deviendra pour moi.(…) » (Incipit p. 17).
Dans un présent terriblement familier, au nord de Boston, sur un banc le long du fleuve Charles, le narrateur-auteur, Borges lui-même, se rencontre lui-même, 55 ans plus jeune, en train de rêver cette rencontre à Genève. Il trouve là une époustouflante variante au thème du dédoublement de la personnalité. Impuissant, le vieux Borges ne peut qu’être spectateur du jeune Borges, à qui il manque toute une vie d’expériences pour pouvoir le comprendre et apprécier sa compagnie. Même semblables, les deux Borges ne peuvent se comprendre.
Suivent une brève histoire d’amour, Ulrika, puis Le Congrès*, le récit de cette société secrète qui, à sa manière, fait songer au mythe de la tour de Babel, dans son entreprise démesurée.
Le conte There are more things** s’inspire des histoires d’épouvante de Lovecraft : le suspens y est habilement mené, avec la terreur au bout des barreaux. Mais dans cette mesure, ce conte fantastique est-il vraiment borgien (adjectif qu’il préférait à celui plus courant borgésien) ?
Après celle de la société secrète, à but philanthropique, il propose une histoire de secte, qui fait rejaillir sur l’individu qu’elle écrase sous ses commandements du poids de la culpabilité. Puis vient La nuit des dons, où le jeune narrateur connaît en une même nuit et l’amour et la mort.
Le miroir et le masque** constitue un conte merveilleux, mettant en scène un Roi défiant un poète de composer un poème qui sache parfaitement retranscrire une réalité, et émouvoir son auditeur. Le pouvoir des mots en devient mystérieux, et plus grand que n’importe quel pouvoir politique… Undr*, « qui veut dire merveille » dans l’histoire suivante, évoque aussi ce pouvoir du langage dans un peuple imaginaire.
Dans Utopie d’un homme qui est fatigué**, le fantastique se double d’un vernis science-fictif, puisque le narrateur se retrouve à un court moment projeté dans un futur lointain et y rencontre ses prochains, parlant latin, plus grands, plus sereins, moins matérialistes, plus intelligents, semble-t-il…
Loin du merveilleux, du fantastique et de la science-fiction, Le stratagème évoque la stratégie manipulatrice d’un Américain d’origine islandaise pour arriver à ses fins, en comptant sur l’orgueil de son professeur américain.
Qui est Avelino Arredondo ** ? Si vous l’ignorez, vous vous demanderez pourquoi cet homme choisit de s’isoler des mois entiers sans sortir de chez lui, coupé du monde, de sa famille et de ses amis.
L’intervention de deux objets surnaturels achève ce recueil : Le Disque ** suscite la convoitise, tandis que Le Livre de sable **, infini, sans première ni dernière page, dérobe à celui qui le possède la tranquillité de son esprits et de ses nuits. Il ne reste plus à ce dernier que de le perdre au milieu de tant d’autres livres, dans la bibliothèque de Buenos Aires, comme Borges le fit de sa propre collection de livres…
A connaître absolument. Commencez par le premier et le dernier récit, continuez si vous en restez saisi. Vous ne les oublierez pas.
Le Livre de sable / Jorge Luis Borges ; trad. de l’espagnol par Françoise Rosset ; préf. et notes de Jean-Pierre Bernès. – [Paris] : Gallimard, 1990. – 285 p.-[16] p. de pl. : couv. ill. ; 18 cm. – (Collection Folio bilingue ; 10). – ISBN 2-07-038314-8 (br.) : 40 F.
Jorge Luis Borges publia en 1941 une de ses plus célèbres nouvelles, « La bibliothèque de Babel ».
La bibliothèque de Babel est une bibliothèque univers, c’est-à-dire qu’elle est tellement grande qu’elle contient tous les textes possibles et imaginables.
Combien de livres contient-elle exactement ? Un nombre colossal. Pour le comprendre, il faut préciser le « fonctionnement » de la bibliothèque : selon Borges, chaque livre qu’elle possède contient 410 pages et chaque page contient 40 lignes de texte, elles-mêmes composées de 80 caractères chacune. Chaque livre contient donc 1 312 000 caractères et utilise toutes les lettres de l’alphabet (26 lettres), plus l’espace, la virgule et le point, ce qui porte à 29 le nombre de signes différents utilisables.
La bibliothèque comporte donc 291 312 000 livres (29 multiplié par lui-même 1 312 000 fois). Pour prendre la mesure d’un tel nombre, l’imprimer requerrait 500 pages A4, remplirait un roman de 1 100 pages en format de poche et, écrit en ligne droite, mesurerait environ 354 kilomètres de long.
Quelle place prendrait alors une telle bibliothèque ? Si l’on imagine qu’un livre occupe un volume de 3 000 cm3, et si l’on part du postulat que l’univers observable est une sphère de 46 milliards d’années-lumière de rayon, de rapides calculs indiquent que l’on peut stocker dans cet univers environ 2,8 × 1050 livres.
Si elle existait, la bibliothèque imaginée par Borges remplirait non seulement l’univers tout entier, mais en nécessiterait beaucoup plus.
A défaut d’exister physiquement, la bibliothèque peut être parcourue numériquement grâce à Jonathan Basile. Son
site libraryofbabel.info reproduit presque exactement le fonctionnement de la bibliothèque décrite par Jorge Luis Borges. La bibliothèque créée est différente en cela qu’elle ne contient pas tous les livres possibles mais seulement toutes les pages possibles. La bibliothèque contient donc environ 4,7 × 104 679 pages différentes, réparties dans104 677 livres.
Bien sûr, la bibliothèque contient tellement d’information qu’il serait impossible de la stocker numériquement. Le contenu de la bibliothèque est donc généré à partir d’un algorithme spécial créé par Jonathan Basile. Chaque page a un numéro unique qui lui est propre et qui l’identifie dans la bibliothèque. L’algorithme utilise ensuite ce numéro de page pour générer un nombre pseudo-aléatoire unique qui est lui-même converti en base 29, c’est-à-dire en texte utilisant les 29 signes cités précédemment : le texte de la page est généré. Le même numéro de page créera donc la même page à chaque fois.
Fidèle à la nouvelle parue en 1941, la bibliothèque numérique est organisée en pièces hexagonales identiques, dont 4 des murs abritent des livres sur cinq étagères chacun.Chaque étagère comporte 32 livres de 410 pages chacun. Et chaque page de chaque livre, de chaque étagère, de chaque pièce est accessible. L’immense majorité de ces pages renferment des suites incompréhensibles de caractères. Pourtant, parmi ces milliards et milliards de pages, se trouvent forcément des livres que vous avez lus. Ces pages contiennent pratiquement tout : vous y trouverez aussi bien les aventures de votre héros de roman préféré que le manuel d’utilisation de votre aspirateur, les évangiles de la Bible ou les versets du Coran, les articles de l’Encyclopédie de Diderot, les poèmes de Shakespeare, toutes les pages de votre journal intime, toutes les théories mathématiques jamais écrites, tous les secrets, tous les rêves, tous les récits et tous les noms, même votre nom et votre histoire, existent déjà dans l’immensité de la bibliothèque de Babel. Parmi ces pages inexplorées se trouve aussi tout ce qui n’a jamais été écrit mais qui le sera peut-être un jour.
Tout ce que vous écrirez ou pourriez écrire est déjà là, quelque part. Il suffit juste de chercher.
« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques. Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lerida, 1658. »
Jorge Luis Borges nous a laissé de nombreuses phrases et des passages merveilleux à travers ses oeuvres. Cet écrivain argentin nous laisse encore sans voix aujourd’hui et continuera bien évidemment de le faire, car ses oeuvres sont intemporelles.
Amoureux de la nouvelle plutôt que du roman : « Il n’aimait pas ça. Il disait que dans un roman, des tasses de thé, des chapeaux de demoiselles ou d’autres choses apparaissaient sans raison pour combler l’espace. La nouvelle, quant à elle, est pleine de suspens, comme une flèche que l’on tire et qui doit arriver dans le mille ».
Il ne rentrait pas dans le moule du moment, ce qui l’empêcha de recevoir le Prix Nobel de Littérature, bien qu’il le méritait grandement, selon de nombreuses personnes.
Un jour, un journaliste lui posa la question suivante : « À quoi attribuez-vous le fait que l’on ne vous ait pas accordé le Prix Nobel de Littérature ? ». Ce à quoi l’écrivain répondit : « À la sagesse suédoise ». Une autre fois encore il dira : « Ne pas me donner le prix Nobel est devenu une tradition scandinave : depuis que je suis né, ils ne me l’ont jamais accordé ».
Nous aimerions partager avec vous quelques-unes de ses phrases afin que vous puissiez vous rendre compte de la grandeur de cet homme par le biais de 21 merveilleuses citations qui reflètent son habileté fantastique à jouer avec les mots et les sensations :
1- Je ne parle pas de vengeance ou de pardon, l’oubli est la seule vengeance et le seul pardon.
2- J’ai commis le pire des péchés qu’on puisse faire. Je n’ai pas été heureux.
3- Il y a des pertes qui ont plus de dignité que la victoire.
4- De tous les instruments de l’homme, le plus étonnant est, sans aucun doute, le livre. Les autres sont des prolongements de son corps. Le microscope et le télescope sont des prolongements de sa vue ; le téléphone est un prolongement de sa voix ; nous avons aussi la charrue et l’épée, prolongements de son bras. Mais le livre est autre chose : le livre est un prolongement de sa mémoire et de son imagination.
5- Tous les destins, aussi longs et compliqués soient-ils, ne se résument en réalité qu’à une seule chose : le moment où l’homme sait pour toujours qui il est.
6- Un homme est grand pour ce qu’il lit, non pour ce qu’il écrit.
7- Il est tombé amoureux lorsqu’il s’est rendu compte que l’autre personne était unique.
8- Seul ce qui est parti nous appartient.
9- J’ai soupçonné quelques fois que la seule chose sans mystère était le bonheur, parce qu’il se justifie lui-même.
10- Peut être que lorsqu’un homme est amoureux, il ne se trompe pas. Peut être que ce sont les personnes qui n’aiment pas qui se trompent.
11- Je crois qu’avec le temps nous mériterons de ne pas avoir de gouvernements.
12- J’ai toujours senti que quelque chose me plaisait dans Buenos Aires. Cette ville me plaisait tant que je refusais qu’elle plaise à d’autres. Un amour ainsi, jaloux.
13- Il n’est pas de plus habile consolation que la pensée selon laquelle nous avons choisi nos malheurs.
14- Avant, les distances étaient plus grandes, car l’espace se mesurait par le temps.
15- J’ai toujours imaginé le paradis comme une sorte de bibliothèque.
16- Je suis seul et il n’y a personne dans le reflet du miroir.
17- Tu n’es pas ambitieux : tu te contentes d’être heureux.
18- Je pense qu’il faudrait inventer un jeu dans lequel personne ne gagne.
20- Le poids du passé est infini.
21- La cécité est une forme de solitude.
THE UNFORGETTABLE BORGES: THE LABYRINTH OF LANGUAGE, WONDER AND STORYTELLING — A CHANCE ENCOUNTER WITH JORGE LUIS BORGES
The mystical character of a man, a letter and an inspiration
Jorge Luis Borges
I had a dream about this man, this meeting and I had to recount it again.
It’s one of the things that happens when you’re on the road a lot — there is a time where a simple chronological alignment will permit the most perfected synchrony — someone you study, read, admire, visualize — and then suddenly they are there before you.
If you don’t know who Borges is, I’ll leave it — that, at the least — I am sorry for you. A man with a fascinating and courageous life — and an unfettered quiver of words at his disposal, from multiple arrowed kingdoms. Borges reminded me of Nabokov — also, a man who lived gigantically and wrote large the calligraphy of his life.
But really, in anything and everything for me, it comes back to a quintessential sense of the mysterious. It’s not that everything is fog-ridden, occult and hidden, but that anyone who walks the road of studying the mysterious — or, for that matter, might see everything as mysterious — is simply, deeply
and addictively catalyzed by curiosity.
That’s just the way it is. I found Borges to be a labyrinth of mysteriousness.
And, for a long time, I’ve been exploring the realm of the mysterious — which led me to Borges. Perhaps my whole life. But mystery is something that speaks to the character of that which is merely unseen. It is what is hidden. Being a creative, the idea of hidden is merely a place for exploration — it’s the layer that is beneath the surface.
Mystery is spiritual. And mystery is revelatory. It’s about finding what lies beneath. And I’m always looking for what lies beneath — as a string of explorations. That relates to the notion of design; it relates to the expression of the brand — for in everything, the brand is human, and there’s a story — the humanity of these connections is powerful.
But it’s more so about the fact that in seeking any brand relationship, there’s always more that meets the superficial glance; there are intentions that lie in the heart of the maker. And the reasoning for that maker, the creator of the brand, has a sense of deeper, even archetypal levels of experience in psychic realism. People create these enterprises out of a sense of fulfilling — ultimately — a quest for meaning. People seek that out, creating something, creating meaning for themselves and others.
That sense of what lies beneath the surface is the experience of the deepening of layers of consciousness. That there’s something more there. And we’re all looking for that. More-ness. For some, that sentiment of richness is purely financial; and while there’s fundamental sustenance in making and spending money, there are surely more to levels of living than that. People seek that out. Find that.
In my own search for the meaning in the work that I — and my teams at GIRVIN — do is reaching deeper into the levels of experience. That is about touch — holism. And it is about storytelling — the ancient tradition of passing, and sharing, ideas — ideas that are the basis of creating the premise, the promise, of creativity and imagination.
Looking back, as I do, I’ll reach to two places.
Legacy in language: mystery in the later derviation, circa 1315, in a spiritual sense, “religious truth via divine revelation, mystical presence of God,” from Anglo-French. *misterie (Old French mistere), and before that, from the Latin mysterium, from the Greek mysterion (usually in pl. mysteria) “secret rite or doctrine,” from mystes “one who has been initiated,” from myein “to close, shut,” perhaps referring to the lips (in secrecy) or to the eyes (only initiates were allowed to see the sacred rites). The Greek word was used as an expression “secret counsel of God,” translated in Vulgate as sacramentum. There are non-theological uses — in English, “a hidden or secret thing,” which is from roughly the year 1300. In reference to the ancient rites of Greece, Egypt, etc. it is attested from 1643. The latest interpretation, as a detective story, was first recorded in English in 1908.
During my teenage years, I was exposed for the first time to “Labyrinth” — as an opening book, in the journey of exploration. I was sick — I had a fever — and as a result, reading the labyrinthine meander of the concatenations of his scholarly exposures, the depth of his mind was a venture into another world.
A review, during that time, 1979, reveals:
“Borges has come from Spanish into English in a rather haphazard fashion. His work first appeared piecemeal in the Fifties, a poem here, a story there, until, in 1961, he shared the International Publishers Prize with Samuel Beckett, a recognition that propelled two volumes of his work into English, translated by various hands—first, Ficciones, his most important volume of stories, and then Labyrinths, a selection of poems, essays, and stories. Even so, his writings had no chronology and, as so often happens in Borges’s case, disparate critics would grab possibly a single story of his and run with it to unlikely latitudes. The recurring ironies and the tangible paradoxes in his work led him to be invoked, often along with Nabokov, in a variety of misleading ways. He became distortingly fashionable and, as in Spanish, there sprang up around him a thicket of criticism far exceeding the small compass of his own writing. His books continued to come out haphazardly in translation, and Borges himself appeared on the scene, a frail, blind, and somehow heroic figure, speaking his courteous English and lending himself to interviews on all sides with an acquiescent modesty that both charmed and teased interviewers and readers.”
I won’t go into the complex particulars of his legacy [for my personal journeys, at least,] and the fascinating history of his ascension in the literary world, but in my explorations and work, writing and words — it was the combination of his scholarship, along with the marvelous wanderings of his imagination, that most compelled me.
As a budding designer, in the exploration of the wonders of the alphabet, it was The Aleph, that opened my captivation. Here, the conception was that a single hidden letter, the Hebrew letter at the beginning of that alphabet, seen in a remote place — symbolically, a stairwell — was the portal to the entire universe — a mystical portal that leads to everything, and nothing, all at the same time. But for Borges, a telling merely based on the letter and the surrounding mystery wouldn’t be enough, as you might’ve noted in the overview above — there are layers of experience that are profoundly human.
Another telling that was similarly linked to the nature of the alphabet, the book, was The Library of Babel. Here — synopsized — the telling was constructed around the concept of a metaphorical universe consisting of an endless expanse of interlocking hexagonal rooms, each of which contains the bare necessities for human survival — and four walls of bookshelves. The order and content of the books is random and apparently completely meaningless, and still, the inhabitants believe that the books contain every possible ordering of just a few basic characters (letters, spaces and punctuation marks). Though the majority of the books in this universe are pure, unintelligible nonsense, the library also must contain, somewhere, every coherent book ever written, or that might ever be written, and every possible permutation or slightly erroneous version of every one of those books. The narrator of the story notes that the library must contain all useful information, including predictions of the future, biographies of every person, and translations of every book in all languages of the earth. Possibly for many of the texts some newly created language could be devised that would make it readable with any of a vast number of different contents.
Even with this fabulous tower of information, all books are totally useless to the reader, leaving the librarians (of which Borges was one) in a state of self destructive despair. However, Borges speculates on the existence of the “Crimson Hexagon”, containing a book that contains the log of all the other books; the librarian who reads it is akin to God.
These mythic patterns are classical — a single magical character, a library that contains all knowledge, yet is somehow impossible to read or to know, and many of other Borges excursions are a draw into the mind of a profoundly powerful, and loved, Latin American literary prize winner.
But the story for me, after studying the work of a man that was nearly blind, was to meet him. Arriving in the evening, in NYC, I found him sitting alone, in the executive lobby of the NY Hilton. I was alone, he — sitting there, with his cane, contemplating. I went to him and spoke, along with his female companion, his perpetual secretary, Maria Kodama — later the inheritor, and his wife, of all his assets, after his death from liver cancer, in 1986. I thanked him for his work. I talked to him about the Aleph, his story — and what that meant for me, as a kind of transformational storytelling — the kind that, on reading, you are forever changed. And about my work, as a designer — a storied letterform worker and one that is tied to the magical workings of the alphabet itself as a transforming, illustrative tool — a shining light that brings literature to mind, from the hand, to mind, in imagination. Borges shared some thoughts, to the magic of the word, the letter, the library — the container of it all. Unforgettable.
The book, and what is contained therein, perfectly designed to be read, held in the hand — is comprised of the arrangement of thousands of letters, aligned as a sequence of content, contained the sheathing of pages — like the book’s etymology, liber — the inner bark of trees.
What beauty can be found in the imaginary journeys that are lead in the path of the book, story found, journal unfolded. Now held, embraced in memory.
What of the book, for you? And what stories have changed your life forever?
What is the word that is seen, that perhaps has another, phrased within it? What is the word that can be perceived, yet there is another, in shadow — that mystery — that lies beyond, or behind the light?