En.+ dic. Larousse
Julio Cortázar / Écrivain argentin (Bruxelles 1914-Paris 1984).
Son œuvre tourne autour de trois grands axes : le fantastique de ses nouvelles où se mêlent le réel et l'imaginaire (Octaèdre, 1974) ; l'engagement politique (le Livre de Manuel, 1974) et la recherche formelle de ses romans (les Gagnants, 1949 ; Marelle, 1963) qui a contribué au renouveau de la prose en Amérique latine.
Cortázar (Julio)
Écrivain argentin, naturalisé français (Bruxelles 1914 – Paris 1984).
Après avoir enseigné dans des écoles de province, puis à Mendoza (la littérature française) et à Cuyo (l'anglais), il quitte l'Université par antipéronisme et devient gérant de la Chambre du livre à Buenos Aires (1945-1949). Il publie des articles de critique dans diverses revues, dont Sur, puis gagne la France, où il se fixera, après avoir publié son premier livre important, Bestiaire (1951), recueil de nouvelles écrites dans un langage d'une totale simplicité où apparaît déjà une constante de son œuvre, l'irruption du fantastique dans le réel, qu'on retrouve en 1959 dans les cinq fictions des Armes secrètes. Son premier roman, les Gagnants (1960), présente des personnages de diverses catégories sociales qui ont gagné une croisière à la loterie ; une fois à bord, ils doivent obéir à des règles mystérieuses que certains transgressent parfois au péril de leur vie. Symbole de l'absurdité de l'ordre établi ? Cortázar refuse toute interprétation. Toujours est-il que cette croisière insolite se double d'un voyage intérieur de chaque passager vers la confrontation avec lui-même dans la recherche de sa propre réalisation.
En 1962, Cortázar se rend à Cuba, expérience capitale qui fera de lui un ardent défenseur de la liberté et des peuples opprimés (en 1970, il est membre du Tribunal Russell). Cronopes et Fameux, petit livre déconcertant écrit au cours de ses séjours à Rome et à Paris entre 1952 et 1959 et publié en 1962, oppose deux sortes d'individus : entre les Cronopes, « désordonnés et tièdes », fantaisistes et imaginatifs, et les Fameux, tristes bourgeois ou fonctionnaires attachés aux conventions, point de communication possible. Livre-fleuve de 700 pages et de 155 chapitres, son « contre-roman » Marelle(1963) – dont le procédé de composition éclatée est repris dans 62, maquette à monter (1968) – suscite l'enthousiasme : le livre comprend trois parties, mais l'auteur signale que les trois étoiles qui suivent les deux premières peuvent correspondre au mot « fin ». La dernière partie (du ch. 57 au ch. 155) est composée de chapitres « non nécessaires », qu'un lecteur passif peut ne pas lire. Le lecteur actif, lui, est invité à collaborer à l'élaboration du roman en suivant, dans sa lecture, un ordre qui ne correspond pas à la succession normale du numérotage des chapitres. Ainsi, cette troisième partie doit être lue en commençant par le chapitre 73, que suivra la lecture du premier, puis du deuxième, pour passer au chapitre 116, revenir au troisième, aller au chapitre 84, etc. : c'est un tout autre roman qui naît de cette façon de procéder, et la démarche du lecteur s'apparente alors à la progression symbolique et apparemment désordonnée de l'enfant qui joue à la marelle, ou des personnages qui déambulent dans le labyrinthe des rues. Les chapitres ainsi intégrés apportent aux deux premières parties des éléments de réflexion sur la théorie littéraire et la métaphysique, qui donnent sa véritable dimension à l'ouvrage. Marelle,chronique d'une extraordinaire aventure spirituelle dénonçant l'establishment dans le domaine des lettres, est le premier roman latino-américain à se prendre lui-même comme sujet central et invite le lecteur à participer au processus créateur, contribuant ainsi au renouveau de la prose en Amérique latine. Il en va de même des recueils de nouvelles Tous les feux le feu (1966), Octaèdre (1974), et des récits du Tour du jour en 80 mondes (1967), cocasse mélange de textes les plus divers mettant en scène sa femme, son chat, lui-même et ses amis, morts ou vivants. L'insolite reste le dénominateur commun de ses dernières œuvres : Dernier Round (1969) est un mélange d'autobiographie, de réflexions sur les sujets les plus divers, d'essais, de contes, de poèmes, de dessins, de photographies et de documents de toutes sortes, tandis que le Livre de Manuel (1973) pose la question de la littérature et de l'engagement politique. Ses derniers recueils de contes (Façons de perdre, 1977 ; Un certain Lucas, 1979 ; Nous l'aimons tant, Glenda, 1980 ; Heures indues, 1984), construits sur l'équilibre entre réalité quotidienne et imaginaire, sont autant de portes ouvertes sur un autre univers. Cortázar a également publié des poèmes (Paemos y meopas, 1971), des essais sur des écrivains et des artistes (Territoires, 1978) et une traduction de l'Immoraliste de Gide (1981).
Parmi les maîtres de la littérature fantastique, ses compatriotes Borges et Horacio Quiroga ont eu moins d'influence sur lui que certains Européens : Cocteau, Apollinaire, Radiguet, les surréalistes, et surtout Jarry chez qui il trouve l'emploi de l'humour comme instrument d'investigation. Le dernier paradoxe de Cortázar n'est pas des moindres : ayant passé la majeure partie de sa vie à Paris, naturalisé français en 1981, il reste cependant une des expressions les plus pures de la culture argentine.
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Julio Cortázar
Nom de naissance | Julio Florencio Cortázar Descotte |
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Alias | Julio Denis |
Naissance | Ixelles, Belgique |
Décès | Paris, France |
Activité principale | Écrivain, professeur, traducteur |
Distinctions | Prix Médicis étranger (1974) Prix Konex (1984) |
Langue d’écriture | Espagnol argentin |
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Mouvement | Surréalisme, réalisme magique |
Genres | Roman, nouvelle, poésie, micronouvelle |
Œuvres principales
- Marelle
- Cronopes et Fameux
- Todos los fuegos el fuego
Julio Florencio Cortázar Descotte (), né le à Ixelles (Belgique) et mort le à Paris, est un écrivain argentin de Buenos Aires, auteur de romans et de nouvelles (tous en langue espagnole), établi en France en 1951 et qui, tout en conservant sa nationalité argentine, acquiert aussi la nationalité française vers la fin de sa vie, en 1981, comme acte de protestation contre la dictature militaire argentine de l'époque.
Biographie
Enfance
Julio Cortázar est né à Ixelles, un district au sud de la ville de Bruxelles, en Belgique. Le pays est alors envahi par les Allemands dans le cadre de la Première Guerre mondiale1. Le petit "Coco" comme le nomme sa famille2 est le fils de Julio José Cortázar et de Maria Herminia Descotte, tous deux argentins. Son père est fonctionnaire de l'ambassade d'Argentine en Belgique. Grâce à la grand-mère maternelle allemande de Julio, la famille Cortázar va vivre en Suisse jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Peu de temps après, Julio part vivre à Barcelone un an et demi puis de là, en 1918 il rentre en Argentine.
Il vit alors à Banfield un quartier périphérique au sud de Buenos Aires avec sa mère et sa petite sœur, le père ayant abandonné la famille. Il s'inspirera de ses souvenirs passés dans la maison familiale pour écrire Los venenos y Deshoras. Mais malgré le fait qu'il soit issu d'une famille aisée, son enfance ne fut pas tout le temps heureuse. Dans une lettre qu'il écrira à Graciela M. de Sola résidant à Paris, le 4 novembre 1963, il mentionne : « Beaucoup de servitude, une sensibilité excessive, une tristesse fréquente ». Julio Cortázar garde de son enfance un souvenir brumeux avec une perception de l'espace-temps différente des autres3 ; quand il avait 6 ans son père abandonna la famille et ne voulut plus de contact avec Julio4. De plus Julio a une santé fragile et tombe souvent malade, il reste donc au lit la plupart du temps et commence à se familiariser avec la lecture qui devient vite une passion2. À neuf ans il a déjà lu Jules Verne, Victor Hugo et Edgar Allan Poe entre autres. Il souffre même de cauchemars durant un certain temps. Il passe aussi des heures à lire Le petit Larousse2. Sa mère s'inquiète et contacte le directeur de son école ainsi qu'un médecin pour voir si Julio est sain d'esprit. Ils lui recommandent soit de supprimer la lecture soit de la diminuer pendant cinq ou six mois pour qu'il puisse sortir et prendre le soleil2.
Julio Cortàzar est un écrivain précoce car entre neuf et dix ans, il écrit une nouvelle qu'il perdra malheureusement plus tard, incluant quelques contes et sonnets2. A cause de la grande qualité de ses écritures, sa famille doute que Julio ait pu écrire de tels textes. Il en sera attristé 2 et confiera ce souvenir lors de futures entrevues. Beaucoup de ses contes sont autobiographiques et racontent ce qu'il a fait durant son enfance, par exemple Bestiario, Final del juego, Los venenos et La señorita Cora.
Jeunesse
Après avoir terminé ses études primaires à l’école n ° 10 de Banfield, il est formé comme enseignant en 1932 puis professeur de lettres en 1935 à l'École des professeurs Mariano Acosta.
De ces années est venu L'école de nuit (Deshoras). Il commence à fréquenter les stades pour regarder de la boxe, où il conçoit une sorte de philosophie du sport : « éliminer l’aspect sanglant et cruel qui provoque à la fois le rejet et la colère » (La fascination des mots). Il admire l'homme qui va toujours de l'avant, la force pure et le courage mobilisés pour gagner (Torito, Fin du jeu).
Il a à peine dix-neuf ans lorsqu'il découvre à Buenos Aires Opium : journal d'une désintoxication de Jean Cocteau, traduit par Julio Gomez de la Serna, avec une préface de son frère Ramón. Cela l'éblouit et devient l'un de ses livres de chevet, l'accompagnant toute sa vie.
Cortázar commence des études de philosophie à l'Université de Buenos Aires. Il réussit la première année, mais il comprend qu'il devrait utiliser le titre de professeur pour travailler et aider sa mère. Il a enseigné à Bolivar, Saladillo (ville figurant dans son livre civique en tant que bureau d'inscription), puis à Chivilcoy. Il vivait dans des chambres de pensions isolées, profitant de son temps libre pour lire et écrire (miroir éloigné). Entre 1939 et 1944, Cortázar vit à Chivilcoy, où il enseigne la littérature à l'école normale et participe fréquemment aux réunions d'amis qui se déroulent dans la salle de photographie d'Ignacio Tankel. C'est sur sa proposition qu'il collabore pour la première fois à un scénario : celui du film La sombra del pasado, (filmé dans cette ville entre août et ). Cet épisode est traité dans le film documentaire, À la recherche de l’ombre du passé, réalisé par Gerardo Panero, en 2004.
En 1944, il s'installe à Mendoza où il enseigne la littérature française à l'Université nationale de Cuyo.
Son premier récit, "Bruja", est publié dans la revue Correo Literario. Il participe à des manifestations contre le péronisme. En 1946, lorsque Juan Domingo Perón remporte les élections présidentielles, il démissionne. "J'ai préféré abandonner mon siège avant d'être obligé de retirer ma veste, comme cela a été le cas pour de nombreux collègues qui ont choisi de rester à leur poste." Il publie un premier volume d'histoires, La otra orilla. De retour à Buenos Aires, il commence à travailler à la Chambre des livres argentine et la même année sort le récit "Casa tomada" dans le magazine Los Anales de Buenos Aires, dirigé par Jorge Luis Borges, ainsi qu'un ouvrage sur le poète anglais John Keats, "L'urne grecque dans la poésie de John Keats" dans le journal de Estudios Clásicos de l'Université de Cuyo.
En 1947, il collabore avec plusieurs magazines, dont Realidad. Il a publié un ouvrage théorique important, Teoría del túnel, et à Los Anales de Buenos Aires, où son récit "Bestiario" apparaît.
De la fin des années 1940 jusqu'en 1953, il collabore avec le magazine Sur, fondé et dirigé par Victoria Ocampo. Son premier travail pour le magazine était un article sur la mort d'Antonin Artaud. Ce magazine a acquis une grande partie de sa pertinence historique en raison de la participation d’un groupe d’écrivains, le Grupo Florida, avec entre autres Borges, Victoria Ocampo. Contraste dialectique avec le groupe Boedo, aux origines bien plus modestes, publiant à Editorial Claridad et se réunissant dans l'historique café El Japonés.
En 1948, il obtient le titre de traducteur public anglais et français après avoir achevé en seulement neuf mois des études qui durent normalement trois ans. L'effort a provoqué des symptômes névrotiques. L'un d'eux (la recherche de cafards dans la nourriture) disparaît avec l'écriture de l'histoire, Circe, qui, avec les deux précédentes citées, est parue dans le magazine Los anales de Buenos Aires, et sera incluse plus tard dans le livre Bestiario.
En 1949, il publie le poème dramatique "Los Reyes", le premier ouvrage signé de son vrai nom et ignoré des critiques. Au cours de l'été, il écrit un premier roman, Divertimento, qui préfigure en quelque sorte Rayuela, écrit en 1963.
En plus de collaborer avec Realidad, il écrit pour d'autres magazines culturels à Buenos Aires, tels que Cabalgata et Sur (8 textes, principalement des critiques littéraires et des films). Dans le magazine littéraire Oeste de Chivilcoy, il publie le poème « Semilla » et des collaborations dans trois autres numéros.
En 1950, il écrit son deuxième roman, El examen, rejeté par le conseiller littéraire de Editorial Losada, Guillermo de Torre. Cortázar l'a présenté à un concours organisé par le même éditeur, encore une fois sans succès, et, comme le premier roman, il n'a été publié qu'en 1986.
En 1951, il publie Bestiario, un recueil de huit histoires qui lui vaut une certaine reconnaissance locale. Peu de temps après, insatisfait du gouvernement de Perón, il décide de s'installer à Paris, une ville où, à l'exception de voyages sporadiques en Europe et en Amérique latine, il passe le reste de sa vie.
Age mûr
En 1951, il émigre en France, où il vivra jusqu'à sa mort. Il travaille alors pour l'UNESCO en tant que traducteur. Il traduit en espagnol Defoe, Yourcenar, Poe. Alfred Jarry et Lautréamont sont d'autres influences décisives.
Cortázar s'intéresse ensuite aux droits de l'homme et à la gauche politique en Amérique latine, déclarant son soutien à la Révolution cubaine (tempéré par la suite : tout en maintenant son appui, il soutient le poète Heberto Padilla5) et aux sandinistes du Nicaragua. Il participe aussi au tribunal Russell5. La nature souvent contrainte de ses romans, comme Livre de Manuel, 62 modelo para armar ou Marelle, conduit l'Oulipo à lui proposer de devenir membre du groupe. Écrivain engagé, il refuse, l'Oulipo étant un groupe sans démarche politique affirmée.
Naturalisé français par François Mitterrand en 1981 en même temps que Milan Kundera5, il meurt de leucémie trois ans plus tard, à Paris où il vivait au 4 rue Martel (10e)6.
Sa tombe au cimetière du Montparnasse, non loin de celle de son ami le peintre Bernard Mandeville, est un lieu de culte pour des jeunes lecteurs, qui y déposent des dessins représentant un jeu de marelle, parfois un verre de vin.
Vie privée
En 1953, Cortazar se marie à Aurora Bernárdez, une traductrice argentine à Paris. Il affronte certaines difficultés financières avant d'accepter le rôle de traducteur pour l’œuvre complète en prose de Edgar Allan Poe pour l'Université de Porto Rico. Il est dit de son travail, salué par les critiques, qu'il s'agit de la meilleure traduction de cette œuvre de l'auteur américain. Avec son épouse ils sont allés vivre en Italie durant l'année de leur traduction, puis ils sont partis en bateau jusqu'à Buenos Aires. Cortazar a alors effectué la meilleure partie de son travail d'écriture sur sa machine à écrire portable et a publié son nouveau roman.
En 1967, il divorce d'avec Aurora Bernardez, et il fréquente la lituanienne Ugné Karvelis, avec qui il ne se marie pas et qui lui transmet un grand intérêt pour la politique7,8.
Avec sa troisième compagne, et seconde épouse, l'autrice américaine Carol Dunlop, ils font de nombreux voyages. En autre, ils voyagent en Pologne, où il participe à un congrès de solidarité avec le Chili. Un autre voyage avec sa femme apparaît dans son livre Los Autonautas de la cosmopista (Les Autonautes de la cosmoroute), qui raconte le long voyage — 32 jours — de ce couple sur l'autoroute Paris-Marseille.
Après la mort de Carol Dunlop, Aurora Bernardez accompagne Cortazar dans la maladie avant de devenir la seule héritière de son œuvre publiée et de ses textes9.
Œuvre
L'œuvre de Julio Cortázar se caractérise entre autres par l'expérimentation formelle10, la grande proportion de nouvelles et la récurrence du fantastique et du surréalisme10. Si son œuvre a souvent été comparée à celle de son compatriote Jorge Luis Borges, elle s'en distingue toutefois par une approche plus ludique10 et moins érudite de la littérature. Avec Marelle (1963), Cortázar a par ailleurs écrit l'un des romans les plus commentés de la langue espagnole.
Une grande partie de son œuvre a été traduite en français par Laure Guille-Bataillon, souvent en collaboration étroite avec lui.
Romans
- Los premios (1960)Publié en français sous le titre Les Gagnants, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Fayard, coll. « Horizon libre », 1961 (ISBN 2-07-028007-1) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 1354, 1982 (ISBN 2-07-037354-1)
- Rayuela (1963)Publié en français sous le titre Marelle, traduit par Laure Guille-Bataillon et Françoise Rosset, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1966 ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire » no 51, 1979 (ISBN 2-07-029134-0)
- 62 Modelo para armar (1968)Publié en français sous le titre 62, maquette à monter, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1971 (ISBN 2-07-028007-1)
- Publié en français sous le titre Livre de Manuel, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1974 (ISBN 2-07-029030-1) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 1812, 1987 (ISBN 2-07-037812-8)
- Divertimento (écrit en 1949, publié de façon posthume en 1986)
- El examen (écrit en 1950, publié de façon posthume en 1986)Publié en français sous le titre L'Examen, traduit par Jean-Claude Masson, Paris, Denoël, coll. « Et d'ailleurs », 2001 (ISBN 2-207-25275-2)
- Diario de Andrés Fava (1986), publication posthumePublié en français sous le titre Journal d'Andrés Fava, traduit par Françoise Rosset, Paris, Denoël, coll. « Et d'ailleurs », 2001 (ISBN 2-207-25283-3)
Recueils de récits
- Historias de cronopios y de famas (1962)Publié en français sous le titre Histoires des Cronopiens et des Fameux, La Louvière, Belgique, Daily-Bul, coll. « Les poquettes volantes » no 24, 1968 ; réédition dans une édition augmentée sous le titre Cronopes et Fameux, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1977 (ISBN 2-07-029623-7) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 2435, 1992 (ISBN 2-07-038577-9)
- Un tal Lucas (1979)Publié en français sous le titre Un certain Lucas, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1989 (ISBN 2-07-071621-X) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 5727, 2014 (ISBN 978-2-07-045740-3)
Recueils de contes et nouvelles
- La otra orilla (1945)
- Bestiario (1951)Publié en français, avec des nouvelles tirées de Final del juego, sous le titre Gîtes, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1968
- Final del juego (1956)Publié en français sous le titre Fin de jeu, traduit par Laure Guille-Bataillon et Françoise Rosset, Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire » no 508, 2004 (ISBN 2-07-077337-X)
- Las armas secretas (1959)Publié en français sous le titre Les Armes secrètes, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « La Croix du Sud », 1963 ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 448, 1973 (ISBN 2-07-036448-8)
- Todos los fuegos el fuego (1966)
- Octaedro (1974)Publié en français sous le titre Octaèdre, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1976 (ISBN 2-07-029434-X) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire » no 475, 2003 (ISBN 2-07-076807-4)
- Alguien que anda por ahí (1977)Publié en français sous le titre Façons de perdre, traduit par Laure Guille-Bataillon, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1978 (ISBN 2-07-028078-0) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « L'Étrangère », 1993 (ISBN 2-07-072836-6) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire » no 652, 2014 (ISBN 978-2-07-076006-0)
- Queremos tanto a Glenda (1980)Publié en français sous le titre Nous l'aimons tant, Glenda, traduit par Laure Guille-Bataillon et Françoise Campo-Timal, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1982 (ISBN 2-07-021275-0) ; réédition, Paris, Gallimard, coll. « Folio » no 5728, 2014 (ISBN 978-2-07-045739-7)
- Deshoras (1982)Publié en français sous le titre Heures indues, traduit par Laure Guille-Bataillon et Françoise Campo-Timal, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 1986 (ISBN 2-07-070689-3)
- Nouvelles, histoires et autres contes (édition intégrale de la traduction de tous les contes et nouvelles), Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2008 (ISBN 978-2-07-078544-5)
Théâtre
- Los reyes (1949)Publié en français sous le titre Les Rois, traduit par Laure Guille-Bataillon, Arles, Actes Sud, 1983
- Adiós Robinson y otras piezas breves (1995), publication posthumePublié en français sous le titre Rien pour Pehuajó, suivi de Adieu Robinson, traduit par Françoise Thanas, Paris, Éditions théâtrales, 2000
Poésie
- Presencia (1938), sous le pseudonyme de Julio Denis
- Pameos y meopas (1971)
- Salvo el crepúsculo (1984)Publié en français sous le titre Crépuscule d'automne, traduit par Silvia Baron Supervielle, Paris, J. Corti, 2010
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Julio Cortázar -- Marelle
602 pages
Éditeur : GALLIMARD (03/12/1979)
Note moyenne : 4.19/5 (sur 190 notes)
Résumé :
"Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XXe siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires. Le jazz, les amis, l'amour fou d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortázar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence".
ElPaquito 07 novembre 2017
Cette critique est en fait deux critiques. La première se lit comme se
lisent les critiques d'habitude et finit au segment 10, là où trois jolies
petites étoiles équivalent au mot Fin.
Après quoi, le membre peut laisser tomber sans remords ce qui suit. La
seconde critique se lit en suivant la lecture dans l'ordre indiqué en fin de
segment. Ou alors dans le désordre.
I. de l'autre côté
Avant d'entrer dans Rayuela, cette expérience littéraire unique, il
faut oublier les contes et nouvelles de son auteur, il faut oublier beaucoup de
choses à vrai dire, à commencer par comment lire un roman. Mais avant ça
encore, il faut accepter la déroutante expérimentation : pourquoi l'auteur
n'a-t-il tout simplement pas écrit son livre comme il recommande de le lire?
Bien, mais quel ordre adopter? En tant que lecteur, vais-je vraiment ignorer 99
chapitres, soit 226 pages sur 590? Parce qu'en tant que lecteur, nous ne sommes
pas programmés à lire de cette façon et Cortázar nous invite à nous
déprogrammer, à nous abandonner dans son labyrinthe dont seuls les Argentins
semblent avoir le secret. (-21)
Loin de ses contes et nouvelles, Cortázar se fait érudit et essayiste,
guérillero et antiromancier (contreromancier?). Un roman, c'est souvent une
intrigue. Ici, il ne se passe pas grand-chose. Les personnages ne font pas
grand-chose, mais qu'est-ce qu'ils en disent des choses. Des choses pompeuses,
risquant de faire passer l'auteur pour un écrivain prétentieux, et surtout ennuyeux,
parce qu'il nous ennuie et nous fait soupirer. Cortázar se moque-t-il du
lecteur? Ou au contraire respecte-t-il son intelligence, en lui faisant
confiance pour qu'il trouve le chemin entre les mots? Au final, peut-être que
ce sont de ses personnages dont Cortázar rit le plus, et il nous invite à faire
de même entre deux soupirs, à travers un certain apprentissage. On devient
comme La Sybille, cette femme ignorante, objet de désir du personnage central
Horacio Oliveira, qui a soif d'apprendre, même si elle ne comprend pas
toujours. (-13)
La relation physique avec l'objet-livre est une part du périple :
aller et venir, ne pas savoir se situer, perdre pied, ignorer le progrès, lever
les yeux aux pieds d'un gratte-ciel et ne pas en voir le sommet jusqu'à nous
donner le vertige depuis la terre, nager dans un lac au milieu d'une brume
masquant les rivages, sous un ciel plein d'étoiles comme seuls repères, tels
les numéros de chapitres. Cortázar ajoute des jeux de miroirs dans ses
fragments. L'infini prend le pas sur l'idée de fin et le désordre devient
l'ordre. (-26)
Rayuela, jeu de miroirs et des dualités : Paris/Buenos Aires —
Roman/essai — Oliveira/Traveler — La Sybille/Talita — Morelli/Cortázar. À la
croisée d'un chemin, choisir celui qui nous mènera au centre, entre nostalgie
et espérance, inertie et quête. Parfois, il s'agit simplement de construire
soi-même un pont, sans tenir compte des échecs récurrents. Horacio Oliveira,
âme errante, cherche son kibboutz, poussant son caillou entre terre et ciel, les
deux au même niveau du trottoir, se maintenant à flots contre vents et marées,
contre la chute. Rayuela, roman surréaliste et existentialiste. (-24)
À travers l'écrivain Morelli et ses morelliennes, le livre parle de
lui-même, de sa volonté d'ordre et de désordre. La partie essai évoque ce que
Rayuela tente d'accomplir au sein de la littérature. Cela donne une double
impression : celle d'avoir droit à des commentaires comme sur un Blu-ray, ou de
voir le livre se construire magiquement entre nos mains, de la théorie à la
pratique fictive d'abord (quand les personnages découvrent le livre de Morelli)
puis réelle (lecteur avec Rayuela entre les mains), chapitre après chapitre,
brique après brique, érigeant cette tour de Babel labyrinthique, avec quelques
hiéroglyphes pour éclairer l'audacieux visiteur, entre jeu et folie. Ne
passons-nous pas d'un cirque à un asile psychiatrique dans la seconde partie ?
(-22)
II. de ce côté-ci
Cette conscience que l'on pourrait qualifier de méta (con)centre la
littérature au coeur de l'oeuvre : il n'y a qu'à voir ces citations d'Artaud,
Musil, Lowry, Bataille, etc. comme si ces auteurs venaient s'insérer dans
Rayuela pour l'agrandir encore et encore, comme une bibliothèque de Babel, un
livre en amenant toujours un autre. Les citations côtoient des bribes
d'Almanach, de coupures de presse et d'études, extraits de plaidoiries, de
discours et de chansons… Fragments inutiles ou potentielles clés, comme nos
existences d'individu/lecteur en regorgent. (-25)
« L'explication est une erreur bien habillée. » dit Oliveira,
pourtant, Rayuela est une armée de perches tendues pour analyse, une vraie
fashion week d'erreurs possibles. Inutile de s'étendre, une tentative d'analyse
serait un risque de passer à côté… Restons en survol ici et affirmons
l'évidence : la prose de Cortázar est divine. En lisant ses nouvelles, je ne
soupçonnais pas qu'il était capable d'une telle puissance stylistique, à
tomber. Rayuela possède une force poétique renversante, rappelant celle de
Lautréamont (d'ailleurs, Cortázar a lui-même traduit Lautréamont en espagnol,
et le personnage de la Sybille est une Uruguayenne de Montevideo, lieu de
naissance de Ducasse). le spectre de Lautréamont semble planer sur la marelle.
(-18)
Cortázar s'amuse follement formellement, presque joycement pourrait-on
dire, allant jusqu'à élaborer une langue créée par les amants (chapitre 68), et
il y a le fameux chapitre 34 qui se lit une ligne sur deux, une lecture étant
le livre lu par le personnage, l'autre ses pensées. Quant au motif de la marelle,
il revient sous plusieurs formes, caractérisant tantôt l'enfance tantôt la
folie. Un apprentissage ou une lutte de territoire. Ainsi, Oliveira se retrouve
sans cesse tiraillé, jamais satisfait, sur un pont qui surplombe « des fleuves
métaphysiques » où nage La Sybille, celle qu'il aime tout en se le niant. (-23)
À l'instar de William Gaddis, Julio Cortázar ne nourrit pas un lecteur
passif, mais mise bien sur son entière collaboration. Aussi, comme Morelli, cet
écrivain fictif, double de l'auteur, Cortázar veut transgresser le livre, le
mot, « parfois dans ce que le mot transmet ». Alors il y va avec ses armes
secrètes pour tout exploser, mettre le désordre, un désordre qui deviendra
ordre, avant qu'un autre homme de lettres y sème à son tour le chaos : «
Morelli veut sauver quelque chose qui est en train de mourir mais pour le
sauver il faut le tuer d'abord ou du moins lui faire subir une telle
transfusion de sang que ce soit comme une résurrection. » (-16)
Rayuela montre de quoi est capable la littérature en la niant pour
mieux la glorifier. L'auteur comme ses personnages comme le lecteur y pousse
son caillou, de la vie bohème de Paris à la chaleur gelée de Buenos Aires : des
ponts, des fleuves métaphysiques, du jazz, et surtout du maté. On erre dans cette
marelle à la recherche de quelque chose, d'un centre, d'un « kibboutz du désir
», d'amour, tout cela au son des grands jazzmen ou des Amoureux du Havre,
éternelle chanson de la Sybille. Quant à l'avenir, le lecteur, lui, sait qu'il
devra replacer la pointe du saphir sur les sillons du disque pour découvrir si
la musique sera la même ou non, si les notes résonneront de la même façon, et
si lui, le lecteur-voyageur, raisonnera comme la première fois. (-20)
/ * / * / * /
III. de tous les côtés (fragments dont on peut se passer)
« Ce que j'écris en ce moment, ce sera (si je le termine un jour)
quelque chose comme un antiroman, une tentative de casser les moules où se
pétrifie le genre. Je crois que le roman « psychologique » touche à sa fin, et
que si nous devons continuer à écrire des choses qui vaillent la peine, il
faudra changer de cap. le surréalisme en sont temps a balisé quelques chemins,
mais en est resté à un stade pittoresque. Il est certain que nous ne pouvons
plus nous passer de psychologie, de personnages minutieusement explorés ; mais
la technique de Michel Butor et des Nathalie Sarraute m'ennuie profondément.
Ils se contentent d'une psychologie extérieure, même s'ils croient aller au
plus profond. le fond d'un homme, c'est ce qu'il fait de sa liberté. C'est par
là qu'on arrive à l'action et à la vision, au héros et au mystique. Je ne veux
pas dire que le roman doive poursuivre ce genre de personnages, car les seuls
héros et mystiques intéressants sont les vivants et non ceux qu'invente un
romancier. Ce que je crois, c'est que la réalité quotidienne dans laquelle nous
pensons vivre n'est que la lisière d'une fabuleuse réalité à reconquérir, et
que le roman, comme la poésie, l'amour et l'action, doivent essayer de pénétrer
dans cette réalité-là. Toutefois, et voilà l'important : pour casser la
coquille d'habitudes et de quotidien, les outils littéraires usuels ne servent
plus. Pensez au langage qu'a dû employer Rimbaud pour se frayer le chemin de
son aventure spirituelle. Pensez à certains vers des Chimères de Nerval. Pensez
à certains chapitres de Ulysses. Comment écrire un roman alors qu'il faudrait
d'abord dés-écrire, désapprendre, part « à neuf », de zéro, être un préadamite,
pour ainsi dire? Mon problème, aujourd'hui, est un problème d'écriture, parce
que les outils qui m'ont permis d'écrire mes contes ne me servent plus à rien
pour réaliser ce que je voudrais faire avant de mourir. » (Cortázar, lettre du
27 juin 1959 à Jean Barnabé) (-2)
Une chose est certaine, il faut saluer la prouesse de traduction de
Laure Guille-Bataillon. Si Infinite Jest avait été en espagnol, elle aurait été
la femme de la situation. (-4)
Je repensais souvent à cette scène aquatique de L'Atalante en pensant
à Horacio et La Sybille. (-3)
« Ce qui donne, je crois, son efficacité à Rayuela, l'impact parfois
terrible qu'elle a sur beaucoup de lecteurs, c'est autre chose : c'est ce qui
vient du dessous, les épisodes irrationnels, les hissements à des dimensions où
l'intelligence est comme un nageur sans eau. […] En réalité, sans ces
sous-jacences, qui sont pour moi la seule chose qui compte vraiment dans le
livre, j'aurais écrit un roman « intelligent » de plus.» (Cortázar, lettre du 7
janvier 1964 à Graciela de Sola) (-6)
Cette semaine, le 26 août 2015, c'était le 101e anniversaire de Julio
Cortázar: ¡feliz cumpleaños, señor Cortázar! (Accessoirement le jour où j'ai
terminé de lire Rayuela). (-20)
« Les mots, qui s'en soucie? Ce ne sont que des bruits appris par
coeur, pour franchir la barrière des os dans la mémoire des acteurs. C'est dans
cette tête qu'est la réalité. Dans ma tête. Je suis le projecteur dans le
planétarium, avec tout ce petit univers fermé visible dans le cercle de cette
scène qui jaillit de ma bouche, de mes yeux et, parfois, d'autres orifices
également. » — Thomas Pynchon, Vente à la criée du lot 49, 1966 (-19)
Rayuela, compagnon d'errance et de pèlerinage, de Montréal à Paris...
le commencement. (-5)
Compagnon de pèlerinage étape 1 : 4, rue Martel, 10e arrondissement.
(-8)
Compagnon de pèlerinage étape 2 : Au cimetière Montparnasse. (-10)
Le maté (en espagnol, mate) ou chimarrão est une infusion
traditionnelle issue de la culture des Amérindiens Guaranis consommée en
Argentine, au Chili, au Paraguay, en Uruguay, au Brésil méridional et en
Bolivie (Amérique du Sud). (-15)
« Un écrivain argentin a même déclaré que c'était une folie d'écrire
des livres. Mieux vaut faire semblant que ces livres existent déjà. Il faut
juste en offrir un résumé, un commentaire... Est-ce qu'un sourire idiot vient
de l'idiot ou est-ce qu'il a été inventé pour l'idiot ou alors contre lui. Si
l'idiot sourit c'est qu'il garde espoir... Il se souvient qu'autrefois dans le
vide, l'acte le plus humble d'héroïsme ou d'amour n'était pas moins mystérieux
que le supplice. Dans le vide, la moindre création devient miracle. » –
Jean-Luc Godard, Soigne ta Droite, 1987 (-11)
La Lectrice soumise, René Magritte, 1928 (-14)
Rayuela fait partie de ces romans devant être domptés à l'instar des
oeuvres de Joyce ou Gaddis. Plus exigeant qu'un Perec, il se révèle vite aussi
joueur. Cortázar brise le miroir que représente souvent un livre pour le
lecteur, et ce lecteur verra dans chaque éclat, quelque chose de différent s'y
réfléchir. (-9)
Jouons à la marelle. Oui, jouons au jeu de la marelle. (-17)
En élaborant cette critique basée sur le même concept que Rayuela,
au-delà de vous donner une idée du concept, je tente d'appréhender le processus
de l'autre côté du miroir, pour mieux comprendre le livre, et peut-être
l'écrivain. (-7)
« le désordre triomphait et courait à travers la maison, les cheveux
emmêlés et pendants, les yeux vitreux, les mains pleines de jeux de cartes
incomplets, de messages sans en-tête et sans signature et, sur les tables, des
assiettes de soupe refroidissaient, le sol était jonché de pantalons, de pommes
pourries, de bandes tachées. Et tout cela soudain grandissait et c'était une
musique atroce, plus atroce encore que le silence feutré des maisons bien
cirées de ses irréprochables parents, et alors, au milieu d'une grande
confusion où le passé était incapable de retrouver un bouton de chemise et où
le présent se rasait avec des morceaux de verre faute de pouvoir retrouver un
rasoir enterré dans un pot à fleurs, au milieu d'un temps qui s'ouvrait comme
une girouette au premier vent venu, un homme respirait à perdre haleine, se
sentait vivre jusqu'au délire dans cet acte même de contempler la confusion qui
l'entourait et de se demander si tout cela avait un sens. Tout désordre se
justifiait s'il cherchait à sortir de lui-même, par le chemin de la folie on
pouvait peut-être atteindre une raison autre que celle dont l'absence est la
folie. « Aller du désordre à l'ordre, pensa Oliveira. Oui, mais quel ordre peut
bien être celui qui ne ressemble pas au plus néfaste, au plus terrible, au plus
incurable des désordres? L'ordre des dieux s'appelle cyclone ou leucémie,
l'ordre du poète s'appelle antimatière, espace dur, fleur de lèvres
tremblantes, mamma mia, quelle snorbia j'ai, il faut que j'aille au lit tout de
suite. » La Sybille pleurait, Guy avait disparu, Étienne discutait avec Perico,
Gregorovius, Wong et Ronald regardaient un disque qui tournait lentement,
trente-trois tours et demi par minute, ni un de plus ni un de moins, et dans
ces tours-là, Oscar's Blues, par Oscar lui-même au piano, un certain Oscar
Peterson, un certain pianiste triste et gros, un type au piano et la pluie sur
les vitres, de la littérature, quoi. » (-12)
A_fleur_de_mots 19 juillet
2019
Un des monuments littéraires de la littérature sud-américaine. Ce
roman tronait depuis de longues années dans la bibliothèque de Monsieur
à_fleur_de_mots comme une de ses références, fait étrange car monsieur n'étant
pas un grand lecteur de roman, mais bien plus d'essais ou de lectures
scientifiques. Bon, ni une ni deux, je me lance dans la lecture de ce livre,
car le mot roman n'est pas vraiment adéquat.
Nous sommes dans un genre totalement nouveau et innovateur. Récit
imaginaire certes, mais dont l'intérêt est plus porté sur la deconstruction des
codes du roman classique pour amener le lecteur à une lecture active et
intéractive avec son auteur, que sur l'histoire elle-même.
Lecture métaphysique, extrêmement pointue culturellement, elle emmène le lecteur dans un dédale de fragments littéraires, assez diffus et dispersés, dont les liens entre eux semblent distants, mais qui accolés dans un certain ordre, et même dans un certain désordre, forment un tout cohérent. Véritable labyrinthe littéraire, nous suivons notre protagoniste, Horacio Oliveira, exilé argentin vivant à Paris, dans sa quête d'absolu dans un jeu constant de miroir entre lui et son doppelgänger, Traveler, ami d'enfance resté à Buenos Aires. Sa quête d'absolu, son désoeuvrement intellectel dans sa vie parisienne assez médiocre,son Club d'amis étrangers qui se complaisent dans des chevauchées intellectuelles dantesques sur le jazz, le blues, la littérature contemporaine, le surréalisme, son histoire d'amour tragique avec la Sybille qui trouve un echo amer dans son retour au pays avec le couple Traveler-Talita, sa vie désoeuvrée à Buenos Aires, comme un écho à l'échec de sa vie parisienne...le lecteur est plongé donc dans des réalités superposées qui se font appel entre elles par un habile jeu de miroir et de pistes, de fleuves métaphysiques et d'un monde où la folie danse un tango de la mort avec l'amour, à moins que tout cela ne soit qu' un long et perpétuel rêve dont on ne se réveille pas, perdus dans le jeu de la marelle, métaphore de la vie et toutes ses combinations possibles et infinies entre la Terre et le Ciel....
Ingannmic 08 octobre 2014
Je ne sais pas ce qui est le plus aventureux, entre lire
"Marelle", ou en parler.
"Marelle" contient en réalité deux livres : le premier se
lit, banalement, du chapitre 1 à 56. S'y déroule la singulière histoire d'amour
qui unit l'argentin Horacio Oliveira à Sybille, l'uruguayenne au passé trouble,
tous deux exilés dans le Paris des années 50, où l'on boit en écoutant du jazz,
où l'on disserte des heures durant, entre membres du "Club", sur
l'oeuvre de l'écrivain Morelli, consacrée à la quête d'un langage dont les mots
cesseraient de trahir la réalité.
Le deuxième livre contenu dans "Marelle", se parcourt comme
un labyrinthe dont Julio Cortázar vous donne le plan : vous y suivez les 155
chapitres dans un ordre non linéaire qu'il vous indique en début d'ouvrage,
navigant entre intrigue et ... et quoi, d'ailleurs ? Et bien vous y trouverez
pêle-mêle des articles de journaux, des extraits d'autres livres, des
aphorismes parfois absurdement drôles -ou le contraire-, des transcriptions des
analyses de Morelli sur sa quête littéraire -ou non littéraire, puisqu'il veut
sortir de tout ce que la littérature a produit jusqu'à présent-, "troubler
les habitudes mentales du lecteur (...), véritable et unique personnage qui
l'intéresse, dans la mesure où un peu de ce qu'il écrit devrait contribuer à le
modifier, à le faire changer de position, à le dépayser, à l'aliéner."
Était-ce également le but de Julio Cortázar, en nous invitant à cet
étonnant jeu de piste, qui nous mène de la fiction à la réflexion métaphysique,
du rire à la poésie, qui annihile la frontière entre les genres ?
Ce que je peux dire, c'est qu'il s'est agi pour moi d'une expérience
de lecture prégnante et singulière, qui m'a donné dans un premier temps le
sentiment de m'y noyer. Marelle est un long roman, parfois difficilement
abordable, et le fait d'y progresser à l'aveugle était déstabilisant. Puis, à
un certain moment, cette sensation s'est transformée. Plutôt que d'une noyade,
j'avais l'impression d'une promenade étrange, qui durerait indéfiniment, mais
dans laquelle j'avais accepté de m'installer sans me poser trop de question,
observant avec curiosité le défilement apparemment chaotique des chapitres,
rassurée et intéressée par le fil conducteur constitué par l'histoire
d'Horacio.
Que me restera-t-il de cette lecture ? le souvenir de certaines scènes
que l'écriture de Julio Cortázar, précise, profuse, et si belle, rend presque
palpables. La mélancolie qui émane du personnage d'Horacio, qui semble se
perdre dans une quête dont il ignore le but. Et surtout, j'aurais le souvenir
de l'état dans lequel m'a plongée cette lecture, cette sorte de lâcher prise
consistant à se laisser mener au coeur du livre, en acceptant de ne pas savoir
combien de temps cela va durer, cette impression à la fois de subir et
d'interagir...
Nul doute que "Marelle" fait partie de ces livres que je
rouvrirais souvent, pour en relire certains passages au hasard.
Surtout, je réalise ma maladresse, et à quel point parler de "Marelle" n'est pas lui rendre justice. "Marelle" se vit, s'ingère, se découvre sans fin...
Voici, un chef d'oeuvre littéraire incontournable, classique, purement
splendide, achevé. Une marelle se jouant du ciel et de la terre, du paradis et
de l'enfer.
Décrire ce puissant livre sans rien laisser au hasard. Ne serait-ce
que le bruissement du caillou touchant la case noire ou blanche. L'histoire
merveilleusement écrite d'Horacio Oliveira et Sibylle et de son petit trésor
Rocamadour. Partie blanche, sérieuse, risquée d'un amour en piste d'étoiles. Ne
rien dévoiler pour ne pas risquer de dénaturer le sublime : les paroles riches
et porteuses de ces deux êtres. L'intelligence de la prose subjugue le lecteur.
Ce livre devient un pilier Argentin du patrimoine culturel et philosophique.
Les conversations sont toutes à surligner. Les confidences de Julio Cortàzar
sont si grandes que l'on entend les murmures les pages qui tournent plus vite
les unes que les autres. Où l'on se dit qu'il existe des auteurs qui savent
converser autour d'un maté avec le lecteur. Ce partage renforce l'idée d'une
Argentine puissamment littéraire et brillante.
Page 76 : « Je sais bien qu'on n'y gagne rien. »dit Grégorovius. « Les
souvenirs ne peuvent changer que le passé le moins intéressant. »
Page 97 : « le maté…..rapporté de Rosario : « La Croix du Sud » poumon
de secours argentin pour les solitaires et les tristes ».
Page 119 : « Etre seul en définitive, c'est être seul sur un certain
plan où d'autres solitudes pourraient à la rigueur établir un contact avec
nous. »
Cette partie linéaire (partie roman) jusqu'au chapitre 56 est le tapis
rouge d'Art avec un A majuscule.
La deuxième partie (essai) dont la lecture originale est perspicace.
On passe d'un chapitre, à un autre, en arrière, en avant. C'est une tournure
habile de Cortàzar de déjouer ainsi la dualité. Morelli l'écrivain double de
Cortàzar transforme la trame en habits d'Arlequin. Lorsque les couches d'habits
tomberont au fur et à mesure des chapitres, le noir et le blanc, ensemble
toucheront le ciel. Ce livre, pavé d'Or aux 651 pages est l'emblème de
l'Argentine. Traveler double d'Horacio emporte cette partie vers le rire, la
légèreté. Mais les perspectives de lire « La Marelle » sont nombreuses. C'est
un livre qui mène le lecteur vers des pistes immenses de compréhension et de
degrés. Il est inépuisable. C'est une gorgée de maté bue dans un pot passant
d'une main à une autre indéfiniment. Un regard grave et contemporain sur le
genre humain .Il est pénétré de la grandeur cosmopolite des sentiments vrais.
Les Argentins ont leur « Victor Hugo » en Julio Cortàzar. Et le lecteur devient riche du verbe Argentin.
dbacquet 24 mars 2014
Marelle est d'abord un jeu, un roman ludique, en forme de labyrinthe
et de cercle − certains chapitres, dont la lecture peut ne pas être linéaire,
finissent par revenir sur eux-mêmes… Un roman sur la quête existentielle, un
roman souvent sensuel, voire animal, et révolutionnaire, au foisonnement
baroque et surréaliste, un roman parfois tendre et grave aussi, qui, autour
d'Horacio et de la Sybille et de leurs amis du Club, grands amateurs de blues
et de jazz, d'alcools, de littérature et de peinture, arpente les rues de Paris
ou bien de Buenos Aires, quand Horacio, exilé argentin, retrouva Traveler, un
vieil ami, et Talita.
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BIBLIOGRAPHIE : LIVRES DE JULIO CORTÁZAR (57)
https://www.babelio.com/auteur/Julio-Cortzar/2074/bibliographie
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