luni, 14 decembrie 2020

John le Carré (1931-2020)

 

John le Carré, pe adevaratul sau nume David Cornwell, s-a nascut în 1931, în Poole, Dorset. A urmat cursurile universitatilor din Berna si Oxford, a predat la Eton si a lucrat cinci ani, între 1959–1964, pentru British Foreign Service, mai întâi ca secretar 2 la Ambasada Marii Britanii de la Bonn si apoi drept consul pe probleme de politicã în Hamburg. În 1961 a început sa scrie romane sub pseudonimul care l-a consacrat. Cea de-a treia carte a sa, Spionul care a iesit din joc (The Spy who Came in from the Cold), i-a asigurat o reputatie internationala.




      David John Moore Cornwell, (pseud. John le Carré)
(1931-2020)

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Scriitorul britanic John le Carré, maestru al romanelor de spionaj, a murit

Scriitorul britanic John le Carré, cunoscut pentru romane ca „Tinker, Tailor, Soldier, Spy”, „The Constant Gardener” şi „The Spy Who Came in from the Cold”, a murit la vârsta de 89 de ani, informează BBC.. John le Carré, pe numele real David Cornwell, a murit după o scurtă boală. Ultimul său roman, „Agent Running In The Field”, a fost publicat în octombrie 2019.


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 Le Monde, 13 dec.2020

DISPARITIONS

Le maître du roman d’espionnage John le Carré est mort à l’âge de 89 ans

« L’Espion qui venait du froid » le rendit célèbre dans le monde entier. Après une carrière de diplomate, brièvement espion lui-même, John le Carré s’est consacré à l’écriture et laisse derrière lui plus d’une vingtaine de romans.

 Par Franck Nouchi

Publié hier à 23h30, mis à jour à 00h15

Temps de Lecture 13 min.

John le Carré (de son vrai nom David Cornwell).

Durant plus d’un demi-siècle, il fut notre compagnon d’insomnie. Le maître du roman d’espionnage. Témoin engagé d’un monde en fusion perpétuelle, il se définissait ainsi : « Je suis juste un écrivain qui fut, brièvement, espion. » Auteur de plus d’une vingtaine de romans, John le Carré est mort samedi 12 décembre, a annoncé son agent.

« C’est avec une grande tristesse que je dois annoncer que David Cornwell, connu dans le monde sous le nom de John le Carré, est décédé après une courte maladie (non liée au Covid-19) en Cornouailles samedi soir. Il avait 89 ans. Nos pensées vont à ses quatre fils, à leurs familles et à sa chère épouse, Jane », a indiqué Jonny Geller, PDG du groupe Curtis Brown, agence artistique basée à Londres.

Jamais il ne succomba à l’exercice convenu des Mémoires. « Mon autobiographie, disait-il, je l’ai faite de façon codée, “chiffrée”Les épisodes de ma vie sont plus ennuyeux, plus monotones que ma fiction. » Il ajoutait cependant : « Si l’enfance constitue le patrimoine d’un écrivain, alors je suis né millionnaire. »

George Smiley, le « mentor secret » de John le Carré

Des preuves ? En voici quelques-unes. « Depuis ma plus tendre enfance, j’étais un espion », a-t-il dit un jour. Avant d’ajouter : « J’ai toujours eu l’impression d’être né en territoire ennemi. Mon enfance a été plombée par une incertitude constante. Sans cesse, il fallait être sur le qui-vive, flairer les embrouilles, les mensonges, décoder les discours à double fond, faire semblant d’être un garçon “normal” de la classe moyenne. »

Son père, « escroc magnifique »

David Cornwell naquit à Poole, dans le Dorset, le 19 octobre 1931. Son père était, disait-il, « un escroc magnifique. Un homme brillant, bienveillant, mais formidablement toxique et absolument imprévisible. Je me suis inspiré de lui pour le personnage de Tiger Single dans Single & Single. Un jour, il arpentait les champs de courses ; le lendemain, il se réveillait en prison. Il faisait la “une” des journaux pour détournement de sommes colossales, puis réapparaissait, flamboyant, plein de projets mirifiques – acheter des maisons qui n’étaient pas à vendre, créer une banque, racheter des casinos à Singapour… Il connaissait mille astuces pour gruger les financiers et inventait des histoires dignes des meilleurs polars. »

« Ce qui me fascinait chez lui, ajoutait-il, c’était les dizaines de noms qu’il avait et dont il changeait comme de femmes. C’est de là que vient, je crois, mon goût des pseudonymes. Moi, j’ai choisi le mien en passant devant la devanture d’un cordonnier. » Le jour où David Cornwell devient John le Carré…

Mais n’allons pas trop vite. Sa mère, maintenant. Lasse des frasques de son époux, elle abandonna ses deux fils sans la moindre explication alors que le jeune David avait 5 ans. « Sa disparition eut sur moi un effet étrange. Je ne me souviens pas avoir pleuré, ni qu’elle m’ait manqué. J’étais comme gelé intérieurement. » Il ajoutait :

« Quand je demandais où elle était, on me disait qu’elle était malade ou qu’elle allait bientôt revenir. Moi, je pensais qu’elle était morte. En réalité, je l’ai revue plus tard, sur un quai de gare, j’avais 21 ans. J’ai parlé avec elle, je voulais comprendre comment on peut, du jour au lendemain, abandonner son fils. Aujourd’hui encore, cela reste pour moi une énigme. »

« Tout tient au hasard des rencontres »

Forts d’un tel contexte parental, son frère et lui grandirent dans un internat pour garçons. « Dans tous les domaines du féminin, j’ai dû entreprendre de m’éduquer moi-même », confiera John le Carré, précisant que son premier mariage à 23 ans, fut « un désastre » « Nous étions l’un comme l’autre totalement ignorants du sexe opposé. »

Après avoir songé un temps à devenir moine – il fit un certain nombre de séjours à l’abbaye bénédictine de Cerne Abbas, dans le Dorset –, le jeune Cornwell quitta l’Angleterre à l’âge de 16 ans. Direction Berne.

« J’y suis resté de 1948 à 1949. Je venais de fuir le système d’éducation britannique avec le sentiment d’être “incomplet”. J’avais un besoin urgent de m’inventer. Berne était pour cela un endroit très excitant. Un haut lieu du renseignement. »

A Berne, Cornwell étudie la culture allemande.

« Je prenais des cours d’allemand avec une vieille dame qui m’a convaincu de me rendre en Allemagne. C’est à cette époque que j’ai vu Bergen-Belsen, qui sentait encore la mort. Je n’ai jamais compris comment un pays doté d’une culture aussi remarquable avait pu ainsi détruire le monde. »

Et c’est à Berne, dans ces années 1948-1949, qu’il est approché pour la première fois par les services secrets britanniques. Il expliquera plus tard :

« L’espionnage, c’est comme les histoires d’amour, tout tient au hasard des rencontres. Un jour que je me sentais particulièrement seul et mélancolique, je m’étais rendu à l’église. Il y avait là un couple étrange qui, me voyant à ce point désemparé, m’a invité à prendre une tasse de thé, puis m’a convaincu que mon pays avait besoin de moi. J’étais trop jeune pour avoir connu la seconde guerre mondiale, mais j’étais habité par un fort sentiment de patriotisme. Et surtout, le monde du secret m’attirait. Je dois dire qu’en le pénétrant, j’y ai découvert un refuge ! »

Une couverture de diplomate

Après des études à Oxford, le voici enseignant à Eton.

« C’était une période où je ne tenais pas en place. J’avais l’impression d’attendre que ma vie commence. En passant de Eton, le haut lieu de formation de l’establishment britannique à l’espionnage, j’ai appris à étudier les fondements secrets de la société. Les rapports entre les hommes et les institutions m’ont toujours fasciné. »

De 1959 à 1964, secrétaire d’ambassade à Bonn, puis consul à Hambourg, il assiste à la partition de l’Allemagne. Sous sa couverture de diplomate, il transmet des messages à des agents, visite discrètement des appartements, lance des opérations de désinformation contre le camp ennemi. Sa carrière d’espion est vraisemblablement ruinée le jour où le fameux agent double, Kim Philby, passé à l’Est, révèle au KGB le nom de l’agent secret Cornwell et de quelques dizaines d’autres…

De son travail d’espion, le Carré parlera très peu. En 2000, quelques jours avant Noël, il se livra cependant à quelques confidences. Il avait 69 ans. Ce soir-là, à la BBC, David Cornwell, alias John le Carré, reconnut qu’il avait été dans sa jeunesse un agent secret au service de Sa Gracieuse Majesté. Lorsqu’il était étudiant à Oxford, il espionnait ses camarades dont il pensait qu’ils étaient susceptibles d’être recrutés par les Soviétiques.

Juste un écrivain

En 1961, il s’était rendu à Berlin aux premières heures de la construction du mur.

« J’avais vu la Friedrich Strasse hérissée de fils de fer barbelés, les chars russes et américains se faire face en se menaçant. En rentrant chez moi, je me suis mis à écrire “L’Espion qui venait du froid”. Je noircissais des carnets en allant au travail ou pendant les heures creuses à l’ambassade. Ma famille devenait folle. Tous les matins, je me levais vers 4-5 heures pour écrire. J’avais l’impression de vivre une chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie : une combinaison unique de circonstances politiques, d’appétit féroce d’écriture, de naufrage complet de la vie privée. »

Le roman paraîtra en 1963. Un an plus tard, il quitterait le Foreign Office pour devenir écrivain. Juste un écrivain.

Avant L’Espion qui venait du froid (Gallimard), le livre qui le rendit célèbre dans le monde entier, il avait publié deux romans (chez Gallimard), Chandelles noires et surtout L’Appel du mort, un livre-clé, déjà, dans l’œuvre de le Carré.

C’est dans cet étonnant roman qu’apparaît le personnage le plus célèbre de le Carré, l’espion George Smiley. Tout au long des huit livres où Smiley apparaît, le Carré s’amusera à distiller des éléments de sa biographie :

« C’est un gentleman. Un amateur de poésie allemande, cultivé, digne, humain. Exactement le personnage que j’aurais aimé être. Lorsque je l’ai créé, je me sentais socialement désorienté et privé de modèles parentaux auxquels me raccrocher. J’ai donc inventé ce père de substitution qui est aussi mon mentor secret. »

« Je n’ai pas de plan »

A 35 ans, ce grand admirateur de Dumas, Dickens, Tolstoï, Balzac, Conrad et Greene part s’installer dans une maison, aux confins des Cornouailles, face à l’Atlantique.

« J’ai découvert cette ferme par hasard lors d’une promenade. J’avais divorcé, ma vie semblait sombrer dans un vaste chaos. Je me sentais comme exilé. Un jour, j’ai demandé à Simon Wiesenthal pourquoi il vivait à Vienne, patrie de l’antisémitisme, il m’a répondu : “Quand tu étudies une maladie, tu dois vivre dans le bourbier.” J’ai compris que je ne devais pas quitter l’Angleterre. »

Deux mots à présent de la méthode d’écriture de le Carré, cette manière si particulière de peaufiner les premières pages de ses livres. « Je n’ai pas de plan, expliquait-il. Je tâche d’introduire un texte sous-jacent qui fait que, tout en regardant en haut, le lecteur se demande ce qui se passe en bas. »

Pour se faire comprendre, il racontait cette anecdote :

« Un jour, on demande à Hitchcock combien de temps il peut faire durer une scène de baiser. Vingt, vingt-cinq minutes, dit-il. “Sacré baiser !”, dit son interlocuteur. “Dans ce cas, précise Hitchcock, j’aurais au préalable caché une bombe sous le lit.” Eh bien, la bombe sous le lit, c’est ce qui caractérise à la fois la structure d’une œuvre et le talent de son auteur. C’est le sous-texte qui en permanence menace d’exploser à la tête du lecteur. »

Des maîtres-livres

Les livres qui suivirent L’Appel du mort sont quelques-uns des plus grands classiques de la littérature d’espionnage. Des maîtres-livres.

L’espion qui venait du froid (1963), tout d’abord, l’un des plus grands romans sur la guerre froide jamais écrit. Il a été réédité en 2013 (Folio, Policier), doté d’une préface inédite – et passionnante – de le Carré. Il écrit :

« [Ce roman] posait la bonne vieille question que nous nous posons encore cinquante ans plus tard : jusqu’où sommes-nous capables d’aller au nom de la légitime défense des valeurs de l’Ouest pour les abandonner en chemin ? Mon chef imaginaire des services secrets britanniques – que j’ai appelé Control – avait visiblement la réponse à cette question : “Je veux dire que vous ne pouvez pas vous montrer moins brutal que l’adversaire sous prétexte que votre gouvernement a adopté une politique disons… euh… tolérante, n’est-ce pas ?” »

Les dés sont jetés. A la manière de Tolstoï avec les guerres napoléoniennes, le Carré donnera à la guerre froide sa grandeur littéraire. Suivirent deux romans formidables : Le Miroir aux espions (Robert Laffont, 1965) et Une petite ville en Allemagne (Robert Laffont, 1969). Dès cette époque, le Carré disait ceci de ses héros :

« Ils ont toujours été des vétérans du conformisme bourgeois qui trouvent péniblement leur place et respectent la stabilité des institutions bourgeoises. (…) Tous, me semble-t-il, étaient des romantiques qui souffraient d’être témoins de leur mort spirituelle dans la société qu’ils défendaient. »

Dès lors, tout est en place pour parachever la quête secrète de George Smiley. Trois romans, trois chefs-d’œuvre en forme de trilogie (Robert Laffont) : La Taupe (1974), Comme un collégien (1977), Les Gens de Smiley (1980).

L’heure de la glasnost

La guerre froide achevée, le rideau de fer déchiré, on donna le Carré pour mort. Littérairement s’entend. La suite prouva qu’il n’en était rien. C’est tout d’abord La Petite Fille au tambour (Robert Laffont, 1983) sur fond de conflit israélo-palestinien. « Le terroriste devient l’un des plus grands acteurs du monde », écrit le Carré, visionnaire. Avec La Maison Russie (Robert Laffont, 1989), il propose l’un des premiers romans, politiques, sur la perestroïka. « Je crois en Gorbatchev », dit le héros, l’éditeur Barley. Dans Le Voyageur secret (Robert Laffont, 1991), John le Carré se met à l’heure de la glasnost. Cela prend la forme d’une longue rencontre entre George Smiley et de jeunes apprentis espions. Sans illusion :

« Même si les gouvernements pouvaient se passer d’un service d’espionnage, ils s’en garderaient bien. Ils adorent ça. A supposer qu’un jour nous n’ayons plus un seul ennemi au monde, les gouvernements nous en inventeraient. »

Après Le Directeur de nuit (Robert Laffont, 1994) dont l’action se déroule du côté de l’Amérique centrale et des Caraïbes, paraît Notre jeu (Seuil, 1996). L’occasion, une nouvelle fois, pour le Carré de nous faire comprendre, avec un sens inouï de l’efficacité, que l’espionnage est un prétexte, une métaphore, une caricature de la réalité.

Trois ans plus tard, il publie Single & Single (Seuil), l’un de ses romans les plus autobiographiques. Il joue des parallèles entre la Russie post-communiste et l’Angleterre. Le Bien et le Mal sont partout diffus. L’espion n’est plus « ce preux chevalier » ou ce « grand détective qui démasque le vilain méchant ». Le cynisme de l’Ouest le révulse :

« Quand vous laissez un pays aussi vaste s’enfoncer dans la banqueroute, que vous le regardez, amusé, exporter tous ses actifs, et que vous en profitez pour lui fourguer tout ce qu’il est prêt à vous acheter, un jour ou l’autre, cela vous explose à la figure. »

Au lâchage de la Russie par l’Occident, s’ajoute une autre défection, celle d’un fils pour son père : Oliver Single démasque peu à peu les pratiques frauduleuses du richissime Tiger Single et passe du côté des redresseurs de torts.

Un écrivain engagé

Dès cette époque, le Carré se fit parfois commentateur de l’actualité. En 1997, une polémique l’opposa ainsi à Salman Rushdie. A le Carré qui expliquait qu’« aucune loi de la vie ou de la nature ne dit que les grandes religions peuvent être insultées impunément » ; que « le principe absolu de liberté de parole n’existe dans aucune société », l’auteur des Versets sataniques répliqua : « Un examen de la noble formulation de le Carré révèle que : 1. Il adopte la ligne islamiste philistine, réductionniste et radicale selon laquelle Les Versets sataniques n’étaient rien d’autre qu’une insulte. 2. Il suggère que quiconque déplaît à ces islamistes philistins, réductionnistes et radicaux perd le droit de vivre en paix (…) »

Chaque point névralgique du globe passionnait le Carré : les machinations des multinationales pharmaceutiques (La Constance du jardinier, Seuil, 2001), l’exploitation de la misère en Afrique (Le Chant de la mission, Seuil, 2007), la corruption et l’activisme de diplomates obsédés par les femmes et l’argent (Le Tailleur de PanamaSeuil, 1997)…

Au centre de chaque livre, un personnage semble partager un secret avec le Carré. Ainsi, par exemple, Issa, dans Un homme très recherché (Seuil, 2008), un jeune musulman, mi-russe, mi-tchétchène, qui débarque un jour à Hambourg – la ville où Mohammed Attia participait à une cellule d’Al-Qaida. « Pris entre deux mondes, il me rappelait le temps où j’étais moi-même à la recherche d’une identité », expliqua le Carré.

« Aucune logique dans le terrorisme »

Arrêtons-nous un instant sur Une amitié absolue (Seuil, 2004), qui parachève la figure de John le Carré comme écrivain engagé. La deuxième guerre d’Irak l’a fait sortir de ses gonds. Depuis sa maison de Cornouailles, il suit avec dépit et colère les événements qui précèdent et suivent le renversement de Saddam Hussein. Dans des articles au vitriol publiés par la presse du monde entier, puis dans Une amitié absolue, il fustige le couple Bush-Blair. La bonne conscience du président américain le révulse. Ses jugements choquent. Il reproche ainsi à Washington d’avoir « pratiquement fait d’Israël le prisme de toute politique »« Les méchants ne sont plus les espions du KGB mais ceux qui les ont vaincus », écrit le Daily Telegraph en se demandant : « Mais qu’arrive-t-il à le Carré ? »

Le 22 juillet 2005, rencontrant des journalistes étrangers, le Carré disait ceci du terrorisme :

« Il n’y a aucune logique dans le terrorisme. Lui trouver une logique serait déjà lui conférer une dignité qu’il ne mérite pas. On ne peut l’excuser. Mais on doit chercher à l’expliquer. »

Deux ans plus tard, Le Chant de la mission explore la possibilité d’apporter la démocratie et le développement au Congo oriental. « Dans cette permanente mise en regard de la politique et de la fiction qu’est l’œuvre de John le Carré, analysait Hédi Kaddour dans Le Monde (21 septembre 2007)les récits de la guerre froide disaient un “sens”. Des hommes pouvaient s’y salir les mains, dans des actions ressemblant à celles du camp d’en face, mais il y avait quand même de la victoire, fût-elle sans rédemption. Dans les récits de la seconde période, l’action ressurgissait comme possibilité d’une rédemption, fût-ce dans la défaite. Avec Le Chant de la mission, c’est quelque chose de plus pessimiste qui s’énonce, et de plus littéraire : il n’y a pas d’un côté l’action politique et de l’autre la fiction, c’est toute la politique qui est une fiction. »

Suivront encore deux autres romans (au Seuil), excellents : Un traître à notre goût (2011) et Une vérité si délicate (2013).

« J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme d’un bon conteur qui aura vécu les passions de son temps »,

disait le Carré. Il fut mieux que cela : un immense écrivain. Tout simplement.

John le Carré en quelques dates

19 octobre 1931 Naissance à Poole, au Royaume-Uni

1948-1949 Etudes à Berne. Il est approché par les services secrets britanniques

1959-1964 Secrétaire d’ambassade à Bonn puis consul à Hambourg

1961 Premier roman, « L’Appel du mort »

1964 Quitte le Foreign Office pour devenir écrivain

2013 « Une vérité si délicate »

12 décembre 2020 Mort en Cornouailles

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David Cornwell avait dû choisir un nom de plume. Ce fut John le Carré. En 1989, il revenait pour Apostrophes sur le choix de ce nom à la consonance si française et sur son passé d’agent secret. 

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L’acteur Alec Guinness incarnant George Smiley dans l’adaptation télévisée de « Smiley’s People » de John le Carré, en 1982. BBC / 

De George Smiley, John le Carré disait qu’il était à la fois le « personnage qu’il aurait aimé être », son « père de substitution » et son « mentor secret ». Pour nous, il était à la fois notre héros et notre antihéros ; huit livres et trente ans durant, un véritable compagnon de vie.

Sa première apparition remonte à 1961, dans L’Appel du mort. Intitulé « Courte biographie de George Smiley », le premier chapitre du roman débute ainsi : « Lorsque Lady Ann Sercombe épousa George Smiley à la fin de la guerre, elle le décrivit à ses amis de Mayfair, fort étonnés de la nouvelle, comme un personnage d’une banalité stupéfiante. » Le ton est donné.

Un peu plus loin, on apprend comment Smiley fut recruté, en juillet 1928, par les services secrets anglais alors même qu’il rêvait de consacrer son existence à l’étude des écrivains allemands les moins connus du XVIIe siècle. « Englischer Dozent » dans une université allemande, il devait repérer des étudiants qui pourraient « servir ». Vint ensuite la terrible nuit de l’hiver 1937. Debout à sa fenêtre, « le cœur plein de haine mais l’esprit triomphant, car il connaissait son ennemi », Smiley voyait à l’œuvre la barbarie. Dans un grand feu, des centaines d’étudiants jetaient des ouvrages de Thomas Mann, Heine, Lessing…

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John le Carré, en 2001. RICHARD DUMAS/

Le réseau John le Carré

Dans « Le Tunnel aux pigeons », le maître britannique du roman d’espionnage se décide, à 85 ans, à lever un coin du voile et se livre à travers de nombreuses anecdotes.

Il y a quelques années, caressant l’idée d’écrire une autobiographie, David Cornwell, alias John le Carré, engagea deux détectives. « Dénichez les témoins vivants et les preuves écrites, leur dit-il. Remettez-moi un dossier détaillé sur moi, ma famille et mon père, et je vous récompenserai. Je suis un menteur. Né dans le mensonge, éduqué au mensonge, formé au mensonge par un service dont c’est la raison d’être, rompu au mensonge par mon métier d’écrivain. » L’expérience tourna court. 10 000 livres sterling et quelques somptueux repas plus tard, les limiers durent avouer leur échec. Ils n’avaient rien trouvé, ou si peu.

Après ces détectives, ce fut au tour d’Adam Sisman, un véritable spécialiste de la biographie, de se mettre au travail. Son ouvrage s’appelle John le Carré. The Biography (Bloomsbury, 2015, non traduit). Le résultat est passionnant. Manque simplement la voix de celui que ­Philip Roth et Ian McEwan, pour ne citer qu’eux, considèrent comme l’un des plus grands écrivains contemporains.

« Mon autobiographie, je l’ai faite de façon codée, a dit un jour le Carré. Les épisodes de ma vie sont plus ennuyeux, plus monotones que ma fiction. » Si le maître du roman d’espionnage ne succombera sans doute jamais à l’exercice convenu des Mémoires, voici pourtant qu’à tout juste 85 ans – il est né le 19 octobre 1931 à Poole dans le Dorset – il décide de lever un coin du voile en publiant Le Tunnel aux pigeons. Trente-huit chapitres à l’écriture serrée et à la première personne du singulier, qui fournissent quelques clés indispensables pour qui s’intéresse à l’auteur de L’Espion qui venait du froid. En voici quatre.

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John le Carré

John le Carré
Description de cette image, également commentée ci-après
John le Carré en 2008
Nom de naissanceDavid John Moore Cornwell
AliasJohn le Carré
Naissance
Poole,DorsetDrapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni
Décès (à 89 ans)
Truro (Royaume-Uni)
Activité principaleRomancier
DistinctionsGold Dagger Award (1963) et (1977)
PrixEdgar-Allan-Poe
du meilleur roman (1965)
Prix James Tait Black (1977)
Grand Master Award (1983)
Prix Malaparte (1987)
Prix Palle-Rosenkrantz 1992
Auteur
Langue d’écritureAnglais britannique
GenresRoman d'espionnage

Œuvres principales

David John Moore Cornwelldit John le Carré, est un romancier britannique, né le  à Poole et mort le  à Truro dans les Cornouailles.

Durant les années 1950 et 1960, Cornwell a travaillé pour le MI5 et le MI6 et a commencé à écrire des romans sous le pseudonyme de « John le Carré ». Son troisième roman, L'Espion qui venait du froid (1963), est devenu un best-seller international et demeure l'une de ses œuvres les plus connues.

Biographie

John le Carré dit qu'il n'a pas connu sa mère, qui l'a abandonné quand il avait cinq ans, jusqu'à leur re-connaissance quand il eut 21 ans. Sa relation avec un père tyrannique dont il fera le portrait dans Un pur espion (1986) fut difficile. L'homme, qui avait été emprisonné pour fraude à l'assurance, était un associé des jumeaux Kray (faisant partie des criminels les plus en vue à Londres dans les années 1950-1960) et était continuellement endetté. Son père l'envoya dans des écoles privées pour le sortir de ce milieu1.

Il quitte son foyer pour suivre des cours de la Sherborne School avant d'aller étudier l'allemand et le français à l'université de Berne en Suisse2 de 1948 à 1949. Il rejoint ensuite l'université d'Oxford au Royaume-Uni avant d'enseigner quelque temps au collège d'Eton puis de rejoindre le Foreign Office pendant cinq ans3. Il a été recruté par le Secret Intelligence Service alors qu'il était en poste à Hambourg4. C'est en service actif qu'il écrivit son premier roman (L'Appel du mort) en 1961. Sa carrière au sein du service de renseignement britannique prit fin après que sa couverture fut compromise par un membre du MI5Kim Philby, qui était un agent du KGB.

John le Carré est l'auteur de nombreux romans d'espionnage se déroulant dans le contexte de la Guerre froide, en particulier ceux mettant en scène George Smiley dans la « Trilogie de Karla » (La TaupeComme un collégienLes Gens de Smiley) et dans d'autres romans. Son œuvre est à l'opposé de la mythologie de l'espion à la James Bond : ses héros sont bien plus complexes et beaucoup plus discrets. La structure de ses romans est très élaborée et l'action n'y tient qu'une place réduite. Le Carré a trouvé, après la fin de la Guerre froide, à élargir son inspiration vers des sujets plus contemporains.

En , John le Carré publie un nouveau roman, L’Héritage des espions5. Cet ouvrage est la suite de L’Espion qui venait du froid : il revient sur l'opération « Windfall ». Au moment où Smiley et Guillam coulent une retraite tranquille, elle les rattrape. Car si « Windfall » a été pour l’Occident « une manne de renseignements en or », elle s’est aussi soldée par de lourds « dommages collatéraux »6.

Mort

John le Carré meurt des suites d’une pneumonie au Royal Cornwall Hospital à Truro dans les Cornouailles, le , à l’âge de 89 ans.

Positions politiques

En The Times a publié un article de John le Carré, intitulé « Les États-Unis sont devenus fous », qui condamnait la guerre à venir en Irak. L'écrivain juge ainsi que « la manière dont Bush et sa junte ont réussi à dévier la colère de l'Amérique, de Ben Laden à Saddam Hussein, est l'un des meilleurs tours de passe-passe de relations publiques de l'histoire ».

En 2006, il a contribué avec un article à un volume d'essais politiques intitulé Pas une mort de plus. Le livre est très critique envers la guerre d'Irak. Il reviendra par la suite sur le rôle des services secrets américains et britanniques dans le déclenchement de cette guerre.

Depuis la fin de la guerre froide, John le Carré s'est exprimé à plusieurs reprises de manière critique envers l'OTAN : « Et il faudrait surtout se débarrasser de ce dinosaure qu'est l'OTAN. Cessons de nous croire, nous, Européens, en opposition avec la Russie, et rapprochons-nous d'elle. » Il condamne de manière générale l'inféodation du Royaume-Uni aux États-Unis : « … Notre politique étrangère se décide à Washington. Et il n’y a rien de plus triste. Il faut parvenir à nous détacher enfin de cette emprise »1.

Éditeurs

En 2009, John le Carré quitte Hodder & Stoughton, son éditeur anglais depuis 38 ans, pour le groupe Penguin et Viking Press.

Œuvres

Couverture  de La Maison Russie

Romans

Théâtre

Essai et mémoires

Adaptations

Deux des romans de la « Trilogie de Karla », La Taupe et Les Gens de Smiley, ont été adaptés par la BBC en séries télévisées. Le rôle de Smiley est tenu par Alec Guinness.

Deux récentes adaptations en mini-série ont été diffusées à la télévision sur BBC One:

Les adaptations au cinéma ont été multiples :

Romane


Call for the Dead (1961)

A Murder of Quality (1962)

The Spy Who Came in from the Cold (1963)

The Looking Glass War (1965)

A Small Town in Germany (1968)

The Naïve and Sentimental Lover (1971)

Tinker Tailor Soldier Spy (1974)

The Honourable Schoolboy (1977)

Smiley's People (1979)

The Little Drummer Girl (1983)

A Perfect Spy (1986)

The Russia House (1989)

The Secret Pilgrim (1990)

The Night Manager (1993)

Our Game (1995)

The Tailor of Panama (1996)

Single & Single (1999)

The Constant Gardener (2001)

Absolute Friends (2003)

The Mission Song (2006)

A Most Wanted Man (2008)

Our Kind of Traitor (2010)

A Delicate Truth (2013)

A Legacy of Spies (2017)

Agent Running in the Field (2019)

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